Vidéo "Je savais qu'ils allaient être fusillés, mais que fallait-il faire ?" : un documentaire revient sur les crimes de Paul Touvier, ancien agent du régime de Vichy

Publié
Temps de lecture : 5min - vidéo : 4min
Article rédigé par Isabelle Malin
France Télévisions

La série documentaire consacrée à Paul Touvier, diffusée sur France 5, clôt, après Klaus Barbie et Maurice Papon, une trilogie dédiée aux procès de crimes contre l'humanité.

"S'il n'a jamais tué, jamais torturé, pourquoi a-t-il fui si longtemps la justice des hommes ?" Jugé pour complicité de crime contre l'humanité en 1994, Paul Touvier s'est dérobé durant plus que quarante-cinq ans face aux juges. Une cavale motivée par deux condamnations à mort par contumace prononcées en 1946 et en 1947 contre cet ancien agent collaborationniste du régime de Vichy.

Dans Le procès de Paul Touvier, diffusé dimanche 27 avril à 21h05 sur France 5, le documentariste Antoine de Meaux retrace les différentes étapes du parcours de cet ancien milicien. Divisé en deux parties, le film revient notamment sur le rôle joué par l'Eglise dans ses années de fuites, sur la délicate tâche du tribunal pour prouver les faits de crime contre l'humanité, mais aussi sur la révélation d'un crime oublié. 

Les aveux d'un crime par excès de confiance

Durant ses années de fuite, cet ancien chef du renseignement du deuxième service de la Milice, bras armé du régime de Vichy et clé de voûte de la politique de collaboration avec les nazis, trouve refuge et protection auprès de l'Eglise catholique radicale, aidé par des prélats et des prêtres. Convaincu qu'à partir de 1967, ses crimes commis durant la guerre seront prescrits et qu'il pourra reprendre une vie normale avec sa famille dans sa ville natale de Chambéry (Savoie), Paul Touvier sort de la clandestinité en 1969 et se livre à son principal soutien, monseigneur Duquaire, secrétaire de l'archevêque de Lyon. 

Sa confession est, à l'époque, enregistrée sur une cassette audio. "Dans l'affaire de Rillieux, mon rôle a consisté à choisir sept prisonniers, qui ont été remis dans les mains de la Milice armée", avoue posément l'ancien milicien au religieux. Durant des années, la mort de ces hommes juifs, fusillés le long du mur du cimetière de Rillieux-la-Pape (Rhône), avait été attribuée aux Allemands, puis était tombée dans l'oubli.

Les aveux de Paul Touvier indignent les familles des victimes, mais ne changent en rien la détermination de l'ancien chef milicien à échapper à la justice. L'ancien agent va ainsi jusqu'à demander une grâce présidentielle par l'entremise de puissants religieux dont il est proche. À deux reprises, le général de Gaulle refuse, mais en 1971, Georges Pompidou le gracie.

Cette décision provoque un véritable scandale à l'époque et relance l'enquête sur Paul Touvier sous l'impulsion de Georges Glaeser, le fils d'un des sept hommes tués à Rillieux, à qui d'anciens résistants ont donné la transcription audio des confidences de l'ancien milicien. Il porte plainte en 1973 pour complicité de crime contre l'humanité.  

Premier Français condamné pour crimes contre l'humanité

Paul Touvier contre-attaque en 1975 en livrant une interview télévisée. Caché derrière des lunettes noires, il confirme qu'il savait que les hommes arrêtés à Rillieux seraient fusillés. Mais il se dédouane sur l'occupant allemand. "Oui, j'avoue, je le savais, concède l'ancien milicien. (...) Nous avons été contraints et forcés. Dites-moi ce qu'il aurait fallu faire ? Dire non aux Allemands ? [Ils] en auraient tué cent !" 

"[Paul] Touvier avait avancé l'idée que s'il avait exécuté sept otages, c'est pour en épargner une quarantaine d'autres. C'est la thèse classique : 'J'ai tué, mais je n'ai pas tué les autres, donc je suis un résistant'."

Henry Rousso, historien

Dans le documentaire " Le procès de Paul Touvier"

Un mandat d'arrêt est émis à l'encontre de Paul Touvier en 1981. Jean-Pierre Getti, un des juges qui a instruit le procès de l'ancien milicien, révèle avoir interrogé l'accusé à ce sujet durant les audiences. "Je lui avais [dit] : 'Si vous aviez besoin de vous justifier, de prouver votre innocence, la seule solution était de vous présenter au juge et à ce moment-là, vous exerciez vos droits de défense", précise-t-il dans le film. 

Mais plutôt que d'affronter la justice, Paul Touvier disparaît à nouveau et va jusqu'à faire paraître un avis de décès dans la rubrique nécrologique d'un journal pour faire croire à sa mort à l'âge de 70 ans. Ce stratagème ne fonctionne pas et sa traque continue. Il est finalement arrêté le 24 mai 1989 au prieuré Saint-Joseph de Nice. À l’issue de cinq semaines de procès, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et mourra à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) en 1996 d'un cancer de la prostate. Il est le premier Français condamné pour crimes contre l'humanité.


Le documentaire Le Procès de Paul Touvier, réalisé par Antoine de Meaux, est diffusé dimanche 27 avril sur France 5 à 21h05 et est visible sur la plateforme france.tv.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.