Se faire débaptiser, un calvaire ?
Ce jeudi, la cour d'appel de Caen examine une décision de justice qui condamnait le diocèse de Coutances à effacer un baptême de ses registres. A raison d'environ un millier de débaptisations par an, l'apostasie, c'est-à-dire le fait de renier sa religion, est souvent le fruit d'un processus long.
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Le cas de René Lebouvier
fera-t-il jurisprudence ? Cet ancien ouvrier boulanger, âgé de 72 ans,
affrontait devant la cour d'appel de Caen ce mardi le diocèse catholique de
Coutances. La chambre civile de la cour d'appel étudiait une décision de
justice d'octobre 2011. Le tribunal civil de Coutances avait alors obligé le
diocèse à effacer de ses registres le nom de René Lebouvier. L'évêché avait
fait appel.
Pour mieux comprendre
l'histoire, il faut remonter dix ans en arrière. En 2001, René Lebouvier
demande à être débaptisé. C'est-à-dire à ce que la mention "a renié son
baptême " apparaisse dans le registre du diocèse. Mais en 2009, le
plaignant est allé plus loin, demandant que son nom soit définitivement effacé
du registre. Impossible, selon l'Eglise. L'évêché et René Lebouvier devront
attendre le 10 septembre pour connaître la décision de la cour d'appel.
Une décision délicate à
prendre
La débaptisation n'est pas
un phénomène isolé : environ un millier de personnes, selon les chiffres de la
Fédération nationale de la libre pensée, sautent le pas chaque année, et
choisissent de renier un sacrement souvent célébré très jeune, sans leur
consentement. Des sites internet – parfois exploités par des sectes – appellent
à se faire débaptiser, proposant parfois des modèles de lettres-type.
Les raisons de ce geste
sont variées. Pour certains, c'est avant tout un geste personnel, une façon
d'assumer la non-appartenance à la communauté catholique. "Je suis
athée et la simple idée d'appartenir, même à mon insu, à une religion, me
dérange ", explique Ludovic, étudiant, qui compte se faire débaptiser
cet été. "A un moment, il faut se dire 'assume ce que tu es, le fait
que tu ne fais pas partie de cette communauté, et sors-en ", ajoute
Rémi, 51 ans, débaptisé depuis cinq ans.
Pour d'autres, se faire
débaptiser est un acte militant, voire politique. Une réaction aux prises de
position – souvent controversées – de l'Eglise catholique. Mais là encore, ce
n'est pas une décision à prendre à la légère. Catnatt (c'est son pseudonyme)
est blogueuse ; en avril dernier, elle a publié sur son blog le texte de la
lettre adressée à son diocèse, pour demander à être rayée des registres. Alors
qu'elle attend toujours confirmation du traitement de sa demande, elle
maintient que la décision n'est pas bénigne.
"Votre nom
reste inscrit dans le ciel "
Mais alors, si la
débaptisation est un phénomène prévu par l'Eglise pour les apostats (ceux qui
renoncent publiquement à leur religion), pourquoi le cas de René Lebouvier
pose-t-il problème ? Lorsque l'Eglise accepte de débaptiser un fidèle, elle ne
l'efface pas pour autant de ses registres. "On peut encore voir le nom
de la personne, mais il est indiqué que la personne ne fait plus partie de
l'Eglise catholique ", explique Rémi, qui avait déjà refusé, enfant, de
faire sa première communion. "J'avais même reçu un courrier du diocèse
qui disait 'votre nom reste inscrit dans le ciel à côté de Dieu' ",
raconte-t-il.
Beaucoup d'apostats
demandent que leur nom soit définitivement effacé, en vertu notamment de la loi
Informatique et Libertés qui confère à chacun un droit de retrait sur les données
personnelles détenues dans des bases de données. Mais si, d'un point de vue
juridique, l'argument est irréprochable ; sur le plan moral, il peut être
contesté par certains. "Catnatt" compare cette volonté de disparaître
des registres pour de bon à une "infantilisation ". "C'est
tellement plus fort d'avoir des pages rayées que des pages blanches ",
argue-t-elle.
Portée avant tout
politique et symbolique
Pour la Fédération
nationale de la libre-pensée, le fond du problème est avant tout politique. Christian
Eyschen, vice-président de la fédération, a assisté à l'audition de la cour
d'appel de Caen. Pour lui, la question encore plus importante, c'est celle de
l'égalité de traitement entre les règles religieuses et la loi de la République.
La décision, que la cour
d'appel rendra le 10 septembre, aura en réalité une portée avant tout
symbolique, le nombre de baptisés n'ayant aucune influence pour l'église – pas même
ses statistiques, calculées sur la base de sondages. Dans d'autres pays
d'Europe, elle aurait eu un impact économique : dans certains pays, l'Eglise
est financée par un impôt, calculé en fonction du nombre de baptisés. Il faut donc y
formuler un document d'Etat civil mentionnant que l'on quitte l'Eglise. Ce
n'est pas le cas en France.
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