Retraites : la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dénonce "une instrumentalisation des gardes à vue à des fins répressives"
Dans son rapport rendu mercredi, la contrôleuse générale pointe des "interpellations violentes", des "conditions d'hygiène indignes" en garde à vue et des "irrégularités", après avoir contrôlé neuf commissariats le 24 et 25 mars dernier.
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La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce mercredi 3 mai "une instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fins répressives". Dans un courrier envoyé au ministre de l'Intérieur le 17 avril dernier et rendu public mercredi, Dominique Simonnot appelle à la "vigilance" de Gérald Darmanin "quant à la nécessité de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à la procédure de garde à vue".
Après la manifestation record du 23 mars dernier contre la réforme des retraites, à laquelle de 1 à 3,5 millions de personnes ont participé en France selon le ministère de l'Intérieur ou la CGT, et qui s'était terminée par de violents affrontements jusqu'après minuit autour de la place de l'Opéra à Paris, 457 personnes avaient été interpellées partout en France. Le lendemain et le surlendemain, les 24 et 25 mars, Dominique Simonnot et ses équipes se sont rendues dans "neuf commissariats parisiens pour contrôler les conditions de prise en charge des personnes interpellées".
Interpellations et conditions de détention inquiétantes
Dans son rapport joint au courrier, Dominique Simonnot explique que les personnes interpellées lui ont décrit des "interpellations violentes", "des fouilles systématiques en sous-vêtements", "des conditions d'hygiène indignes", "des espaces individuels insuffisants en cellule collective" ou encore "des irrégularités dans les fiches d'interpellation". "Certaines personnes ont entendu des policiers décider au hasard, au terme de discussions triviales, des infractions à retenir contre elles. Des fiches d'interpellation pré-remplies ont été distribuées aux agents."
Un gardé à vue raconte par exemple avoir entendu des policiers dire "qu'est ce qu'on lui met, à celui-là ?" au moment de cocher une infraction. Une fois au commissariat, les agents sont d'ailleurs, selon le rapport, souvent incapables d'expliquer le contexte de l’arrestation. Certains évoquent seulement des ordres reçus pour interpeller de façon systématique dans certains secteurs de la capitale. Résultat : 80% des personnes interpellées ont été relâchées sans aucune poursuite. Et les rares qui ont été jugées en comparution immédiate sont souvent ressorties libre du tribunal. La plupart après avoir passé 24 heures en garde à vue dans des conditions indignes, selon le rapport.
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté s'inquiète d'une "banalisation de l'enfermement". Elle note également que sur les 785 gardes à vue prononcées du 16 mars à la nuit du 22 au 23 mars, une semaine marquée par la multiplication des manifestations nocturnes après l'utilisation par le gouvernement du 49.3, 629 procédures ont été classées sans suite. "Le CGLPL ne peut que questionner la finalité réelle de ces gardes à vue", écrit Dominique Simonnot à Gérald Darmanin.
"Les instructions données par la préfecture de police et le parquet de Paris, de même que le classement sans suite de 80% des procédures, révèlent un recours massif, à titre préventif, à la privation de liberté à des fins de maintien de l'ordre public, dénonce Dominique Simonnot. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, le droit français conditionne pourtant expressément le recours à une mesure de garde à vue à l'existence d'un soupçon caractérisé quant à la commission ou la tentative d'infraction."
La réponse du ministre de l'Intérieur
Le ministère de l'Intérieur avait officiellement jusqu'à lundi pour répondre à ces observations. Gérald Darmanin l’a finalement fait mardi, tard dans la soirée. Dans son courrier, que franceinfo a pu consulter, le ministre estime que les accusations portées par la contrôleuse générale "excèdent ses compétences". Pour Gérald Darmanin, le nombre élevé de classements sans suite est lié à la difficulté de prouver les infractions, cela ne veut pas dire, selon lui, qu’elles n’ont pas été commises.
Concernant les fiches d’interpellations incomplètes et les conditions de garde à vue, cela relève selon le ministre, du défi logistique lié au nombre important d’interpellations et au fait que certains rassemblements n’étaient pas déclarés. Gérald Darmanin promet par ailleurs une réponse plus détaillée, une fois que la Préfecture de police de Paris aura eu le temps d'instruire le dossier.
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