Accès aux soins en prison : "Le médecin transmettait des ordonnances sans l'avoir vu", déplore la compagne d'un détenu atteint d'un cancer
Cancers diagnostiqués trop tard, soins médicaux insuffisants, le rapport de l'Observatoire international des prisons (OIP) pointe une situation inquiétante dans le milieu carcéral français.
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L'histoire de Marc symbolise à elle seule les carences du suivi médical des détenus en France voire l'absence totale de soins, comme le dénonce le dernier rapport de l'Observatoire international des prisons (OIP), publié mercredi 6 juillet. En mars 2020, à 46 ans, il est incarécéré dans une prison lyonnaise. Rapidement il obtient son transfert au centre de détention de Casabianda-Aléria (Haute-Corse), qui parie sur la réinsertion par le travail. À l'été 2021, il sent une boule comme une olive sous l'aisselle, une sensation qui devient douloureuse et qui grossit. Le détenu a tenté pendant cinq mois de voir le médecin de la prison, de l'alerter, en vain.
"Le médecin n'était pas là ou il lui transmettait des ordonnances sans même l'avoir vu, raconte Sophie, sa compagne depuis vingt ans. Beaucoup de Doliprane, de Tramadol, qui est un dérivé de la morphine, mais rien de plus que ça. C'est quelqu'un qui écrivait beaucoup quand il avait encore l'usage de ses bras : il a consigné toutes les demandes qu'il a formulées, qui n'ont jamais été entendues. Jusqu'à ce moment où on lui a dit : OK, vous avez une place, ça va durer quelques jours, on vous fait une ponction et vous revenez. Sauf qu'il en n'est jamais revenu. C'était déjà beaucoup trop avancé."
Des dentistes réduits au rôle d'arracheurs de dents
Le cancer de Marc est métastasé est au stade 4, c'est-à-dire inopérable. Le détenu vit ses dernières semaines. Sophie, sa compagne, lui a promis de porter plainte pour, dit-elle, "que plus personne n'ait à subir une telle injustice". Dans un rapport accablant publié mercredi 6 juillet, l'Observatoire international des prisons dénonce ces cancers diagnostiqués trop tard et alerte plus généralement sur le nombre de détenus qui ne bénéficient pas des soins dont ils auraient besoin. Le texte s'inquiète aussi du budget alloué à la santé en milieu carcéral. L'enveloppe est calculée en fonction du nombre théorique de détenus alors qu'on sait qu'il y a en ce moment une surpopulation carcérale de 120%.
L'Observatoire pointe aussi la situation de dentistes sans matériel de radio, réduits au rôle d'arracheurs de dents. Ou bien ces séances de kiné prescrites alors qu'il n'y a pas de praticiens dans la prison et qui sont remplacées par des antalgiques. Beaucoup de détenus eux-mêmes renoncent à se faire soigner. Car sortir de la prison, voir un spécialiste, c'est risquer l'humiliation et la violation du secret médical, comme le raconte Anne Dulioust récemment retraitée après onze ans comme médecin à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) : "Les moyens de contrainte qui sont employés, soit les menottes soit la 'laisse' [une entrave au niveau abdominal], font qu'ils n'ont pas envie d'être vus par le public. Tout le monde les voit passer dans la salle d'attente, accompagnés par les policiers, et ils préfèrent ne pas être soignés que d'être vus dans ces conditions qu'ils jugent dégradantes."
"Certains surveillants d'escorte se sentent 'investis d'une mission' et restent pendant la consultation. Moi, je l'ai vu pour des femmes qui se sont plaintes après un examen gynécologique réalisé en présence d'un surveillant homme."
Anne Dulioust, ancienne médecin à la prison de Fresnesà franceinfo
Certains témoignages rapportés par la Contrôleuse générale des prisons ces dernières années font état de détenus menottés jusque dans une salle d'opération ou en salle de réveil. L'expression du zèle de certains surveillants, sur lequel beaucoup de médecins ferment les yeux. Il existe également des contre-exemples : à l'hôpital de Creil, les menottes et la présence de surveillants en consultation sont exceptionnelles et pour autant, aucun incident n'a été reporté.
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