Témoignages "Au départ, j'avais honte..." : pour lutter contre la précarité, ces étudiants lancent des cagnottes

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des étudiants dans une université, photo d'illustration. (LIONEL LE SAUX / MAXPPP)
Des étudiants dans une université, photo d'illustration. (LIONEL LE SAUX / MAXPPP)

Ces cagnottes en ligne sont désormais aussi utilisées par les étudiants dans le besoin. Ils sont de plus en plus nombreux à espérer des dons pour les aider dans leur quotidien.

Quelques euros en lignes pour alimenter une cagnotte. Si le modèle est désormais bien connu pour un anniversaire ou un cadeau de départ en retraite, ces collectes d'argent sont désormais utilisées par des étudiants dans le besoin afin d'éviter de sombrer. Près de 20% des étudiants ne mangent en effet pas à leur faim, selon la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). La plateforme Leetchi, par exemple, décompte 534 cagnottes de ce genre, créées depuis le 1er janvier. C'est en hausse de 17% par rapport à l'an dernier, où 250 000 euros avaient été collectés.

Annaëlle, en classe de terminale en bac professionnel photographie, dans un lycée privé, fait partie de ces jeunes qui ont du mal à joindre les deux bouts. Sa scolarité lui coûte 3 000 euros par an, entre les cours et l'internat. Une somme élevée, qu'elle est loin d'avoir. La seule solution à ses yeux était donc d'ouvrir une cagnotte par dépit.

"Au début je réfléchissais, mais je ne le faisais pas, confie-t-elle. Et puis, finalement, j'ai vu que ça commençait à devenir urgent. Je l'ai fait mais j'en ai parlé à personne. Par honte. Honte de devoir demander de l'aide, de ne pas être capable de s'en sortir seule et de devoir compter sur les autres pour y arriver", regrette la jeune femme.

Plus de 1 200 euros récoltés

En réorientation, Annaëlle ne peut pas travailler car elle a plusieurs stages à assurer. Elle ne peut pas non plus contracter un prêt étudiant, puisqu'elle a le statut de lycéenne. Et dès la classe de seconde, la jeune femme a beaucoup de mal à payer. Son lycée est d'abord patient, puis réclame les sommes dues avec insistance. Elle finit par partager largement sur les réseaux sociaux le lien de sa cagnotte. 

"Quand on n'en parle pas, on se sent seul. Alors même quand on en parle finalement on est quand même un peu seuls, explique-t-elle. Mais, au moins, nos amis comprennent. Quand certains veulent aller se manger une pizza entre midi et deux et que, nous, on ne peut pas venir, ils comprennent mieux désormais..."

Sa cagnotte est une véritable bouffée d'air frais : Annaëlle a récolté 1 200 euros en quelques mois. De quoi donner une première somme à son lycée. Mais il lui reste plusieurs milliers d'euros de dette. Aujourd'hui, Annaëlle se sent "très stressée".

"C'est une sorte d'épée de Damoclès qu'on a au-dessus de la tête. J'aimerais me concentrer sur les cours. Mais je repense régulièrement au fait que j'ai une grosse somme comme dette."

Annaëlle

à franceinfo

"Ça m'a permis d'être confortable"

Alexandra est aussi passée par cette solution l'année dernière pour financer les déplacements pour les oraux des concours de l'enseignement. Son emploi de surveillante de lycée à mi-temps à Nancy ne lui permettait pas de financer ces allers-retours vers Paris. Elle a finalement récolté un millier d'euros avec sa cagnotte. "Moi, ça m'a sauvée. Sans ça, j'aurais peut-être pris un Flixbus de 20 heures au lieu de prendre un TGV. Et j'aurais sûrement mangé des patates pendant un mois. Non seulement, ça m'a permis de financer, mais ça m'a permis d'être confortable. De penser d'abord aux épreuves et pas aux conditions vitales de l'épreuve", se souvient-elle.

Cette année, Alexandra retente les concours, mais a décidé de travailler à temps plein. Le salaire est plus confortable, mais les révisions sont, elles, bien plus difficiles.

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