: Témoignage "J’en garde beaucoup de colère" : le chef Eloi Spinnler se confie sur les violences dont il a été victime en cuisine
Très populaire sur les réseaux sociaux, le chef Eloi Spinnler témoigne du harcèlement et des violences dont il a été victime en cuisine alors qu'il était apprenti, à 13 ans. Également patron de deux restaurants, il s'efforce de ne pas reproduire ce management archaïque et veille au bien-être de ses employés.
Chef de formation, patron de restaurants, figure des réseaux sociaux... À tout juste 30 ans, Eloi Spinnler a presque autant d’activités que de couteaux rangés dans son célèbre étui en cuir orangé. Cette très large ceinture, portée en bandoulière, le rend facilement identifiable dans ses vidéos qu’il partage à ces 250 000 abonnés sur Instagram.
L'accessoire souligne aussi une volonté de se différencier. À l'image de son management bienveillant qui tranche avec une hiérarchie encore trop souvent autoritaire en cuisine. Si Eloi Spinnler y met un point d’honneur, c’est que lui-même en a été victime. Le jour où nous le rencontrons, dans son dernier restaurant, Colère à Paris, il vient sans sa ceinture.
"J'ai été victime de harcèlement à 13 ans"
"J'ai été victime de harcèlement sur ma première année d'apprentissage" nous confie le chef. "J'étais très jeune, 13 ans. J'en garde beaucoup de colère." Un des membres de l'équipe où il travaillait lui a mis "une olive". Plutôt pratiqué dans les cours d'école, "le jeu de l'olive" consiste à mettre un doigt dans les fesses d'un camarade par-dessus ses habits et sans son consentement afin de le prendre par surprise. " Ça n'a rien à faire sur un poste de travail, poursuit Eloi, un adulte de 22 ans n'a absolument pas à faire ça à un enfant de 13 ans."
"Ça passe par des cuillères chauffées à blanc"
Cette pratique est loin d'être la seule dérive qu'on retrouve dans le milieu de la restauration. "Il y a tout un mécanisme avant d'en arriver là. Il y a déjà une normalisation de la violence", explique le chef avant de donner des exemples : "Ça passe par des cuillères chauffées à blanc, des portes de frigo fermées sur le bras d'un autre apprenti. Ça passe par une droite, un tirage d'oreille, des rabaissements, des phrases comme 'Tu n'es qu'un bon à rien, tu n'arriveras jamais à rien !', des insultes..."
Eloi Spinnler reconnaît que depuis sa mauvaise expérience lors de son apprentissage, les mentalités ont évolué dans le bon sens en cuisine. Mais il reste vigilant. Vigilant à ne pas reproduire lui-même ces comportements auprès de ses employés : "Dans mon premier poste de chef je travaillais trop, je ne me sentais pas forcément toujours soutenu. Un jour, j'ai menacé un de mes gars. Mettre un tir à quelqu'un et le voir partir en cuisine la larme à l'œil, moi, ça m'a flingué."
Manager autrement pour protéger les employés
Avec son associé Benoît Piante, ils mettent en place un maximum de garde-fous pour préserver la santé mentale des employés de leurs deux restaurants. À commencer par une badgeuse, comprenez une pointeuse, qui, certes, sert à identifier les éventuels retards mais joue aussi en faveur des salariés : "Ça permet d'identifier le volume d'heures qu'ils font et ensuite, en fonction de ces heures, on peut adapter le planning", détaille Eloi Spinnler. "Avant, ils travaillaient quatre jours par semaine, et là, on est en train d'essayer de les passer à trois jours et demi".
À cela s'ajoute un système de variables si l'entreprise réalise des bénéfices, une application des valeurs défendues sur ses réseaux sociaux et d'éventuelles séances de coaching bien-être, qu'il aimerait pouvoir proposer à tout son personnel encadrant. À terme, Eloi Spinnler rêve "d'un macaron apposé aux restaurants qui respecteraient une charte de bien-être au travail."
L'initiative sera-t-elle suffisante pour redorer l'image d'un secteur qui peine à recruter et surtout à garder ses employés ? En France en 2024, selon Lightspeed, la durée d’engagement moyenne est de deux à trois ans dans la restauration. Autre chiffre significatif, le taux de turnover moyen qui représente le nombre d'employés renouvelés sur une année : alors que, selon l'INSEE, le taux de rotation moyen en France en 2024 est 15 %, il atteint 44% dans la restauration.
Pour signaler toute situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe un numéro de téléphone gratuit, anonyme et confidentiel : le 3018, joignable 7 jours sur 7, de 9 heures à 23 heures, ainsi qu' une application. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l'Education nationale.
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