"Ce n'était pas moi, c'était mon corps" : au procès du féminicide de Chahinez Daoud, Mounir Boutaa n'a cessé de se dédouaner

Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Les avocates de l'accusé Mounir Boutaa, Anaïs Divot et Elena Badescu, prennent des notes pendant une suspension d'audience, à la cour d'assises de la Gironde, le 24 mars 2025. (FABIEN COTTEREAU / MAXPPP)
Les avocates de l'accusé Mounir Boutaa, Anaïs Divot et Elena Badescu, prennent des notes pendant une suspension d'audience, à la cour d'assises de la Gironde, le 24 mars 2025. (FABIEN COTTEREAU / MAXPPP)

L'accusé de 48 ans a été interrogé jeudi sur l'assassinat de son épouse, brûlée vive le 4 mai 2021. Mounir Boutaa n'a montré aucun remords et s'est enfermé dans sa propre logique.

"Monsieur Boutaa, levez-vous, je vous prie." Dans la salle d'audience de la cour d'assises de la Gironde, tous les regards convergent vers l'accusé, jugé pour avoir immolé son épouse Chahinez Daoud. Au quatrième jour de son procès, jeudi 27 mars, l'heure est venue pour lui d'être interrogé sur les faits. Il ne semble pas rechigner à l'exercice, au contraire. "Quand est-ce que je peux m'exprimer ? Je voudrais savoir !" attaque-t-il, impatient. La présidente, Marie-Noëlle Billaud, réplique sèchement : "On y est, ça tombe bien. Un crime vous est reproché."

S'ensuit un échange tendu durant lequel le quadragénaire n'offre aucune prise à ses interlocuteurs, comme lundi, lors de son interrogatoire de personnalité. Celui qui se dit convaincu que "le monde entier attend ce qu'[il va] dire" parle de complot, d'une "association de malfaiteurs", de l'infidélité supposée de son épouse. Sa tête dodeline, il s'agrippe les mains. Le matin même, un psychologue clinicien avait analysé son comportement devant la cour : "Il interprète un événement uniquement en fonction de son postulat initial. (...) A aucun moment, il n'y a de remise en question personnelle chez lui." Un fonctionnement que le public observe en temps réel.

"Je voulais un peu qu'elle souffre" 

Face à son flot de divagations, la présidente tente péniblement de l'interrompre, au point que le ton finit par monter. "Est-ce que vous pouvez me laisser raconter ce qu'ils m'ont fait ?" fulmine-t-il. Elle le coupe net : "Non, Monsieur. Ce qui m'intéresse, c'est ce que vous, vous avez fait. Pourquoi vous déversez le bidon d'essence sur elle ?" Il s'agite, le micro grésille. "Parce que je voulais un peu qu'elle souffre, elle m'a fait tellement de mal !" Un frisson d'indignation parcourt les bancs. 

La présidente poursuit, implacable : "Et là, il y a de la chair éparpillée sur la porte du garage, du sang, des trous dans ses jambes, vous ne vous dites pas qu'elle a assez souffert comme ça ?" Un silence, avant que la réponse ne tombe dans un souffle : "Ce n'était pas moi, c'était mon corps." Un psychiatre, entendu plus tôt dans la journée, avait écarté l'hypothèse d'un crime irréfléchi. "Le passage à l'acte était tellement organisé que [l'accusé] était conscient de ce qu'il a réalisé", avait-il déclaré.

La magistrate ne lâche rien : "Pourquoi, Monsieur, si c'est un coup de folie, quand vous voyez que votre femme crie, souffre atrocement, vous ne vous dites pas : 'Mais qu'est-ce que j'ai fait ?' Et vous ne vous écroulez pas en pleurant ?" Mounir Boutaa botte en touche : "Je peux vous assurer qu'elle n'a pas crié." La présidente continue d'égrener ses questions, mais l'accusé est hermétique à ses reformulations, enfermé dans sa propre logique.

"Je l'aimais à la folie"

Le quadragénaire relate d'un ton grave avoir "pardonné" à son épouse devant Dieu, la nuit précédente, pour qu'elle puisse "reposer en paix". L'avocate du fils qu'il a eu avec Chahinez Daoud, Marie Pommies-Courbu, s'étonne : "Pourquoi aurait-elle besoin de votre pardon ?" D'après lui, il est évident que "sinon, elle ne pourra jamais entrer au paradis". Au cours de l'interrogatoire, il lui arrive de parler de lui à la troisième personne. Les deux experts avaient fait état à la barre, quelques heures plus tôt, d'une personnalité "paranoïaque" aux "traits narcissiques".

Un magistrat assesseur intervient. Il évoque les photos du corps calciné de la victime, exposées par le médecin légiste mardi, et demande à l'accusé ce qu'il a ressenti en les voyant. "Rien. Comme si ce n'était pas moi. C'est impossible que j'aie fait ça. C'est un film d'horreur" répond Mounir Boutaa. Ses avocates, Anaïs Divot et Elena Badescu, tentent désespérément de lui arracher un peu d'empathie, lui rappelant notamment que son fils cadet "ne parlera plus jamais à sa maman". En vain.

Malgré tous leurs efforts, leur client n'aura pas un mot pour les parties civiles, mais s'étendra de nouveau longuement sur sa propre peine : "Vous savez, j'ai tué ma femme, je l'aimais plus que ma mère. (...) C'était la femme de ma vie, je l'aimais à la folie." Dans la salle, il n'y a plus de murmures, mais un silence pesant. Mounir Boutaa encourt la réclusion criminelle à perpétuité, ramenée à trente ans si une altération de son discernement est retenue.

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