: Reportage "Tout le monde mérite des vacances" : quand la générosité de certains permet de financer des séjours à des adolescents défavorisés
Dans un foyer de région parisienne, un projet de séjour pour des mineurs pris en charge par l’ASE risquait l’annulation, faute de financements suffisants. L’équipe d’éducateurs a décidé de faire appel à la générosité d’inconnus, notamment en créant des cagnottes de dons. L'initiative a porté ses fruits.
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"Je leur suis très reconnaissante", s'exclame Nélya*, "grâce aux gens et à leurs dons, on va pouvoir partir en séjour à Biscarrosse !" Cette adolescente de 14 ans* fait partie des mineurs placés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) que ce foyer d'accueil, situé en région parisienne, héberge à l'année. Au mois d'août, le groupe de jeunes fera ses valises pour les Landes pour la première fois. Un séjour éducatif pensé par leur équipe d'éducateurs spécialisés, dont le coût a refroidi la direction : "12 000 euros, rien que pour les hébergements, comme c'est l'été", rapporte Laura, l'éducatrice qui a monté le projet.
Face à l'impossibilité pour la structure de financer complètement ce voyage, la jeune femme a décidé de miser sur la générosité d'inconnus, notamment en lançant une cagnotte de dons en ligne. Pari réussi : en huit jours, le foyer est parvenu à rassembler les 3 000 euros manquants.
"Bien plus que des vacances"
Une grande bâtisse blanche aux tuiles colorées abrite le foyer d'accueil, une structure mise en place par une association de la protection de l'enfance. Dans le hall, pavé de carrelage bariolé, trônent un baby-foot et des chaises en bois vacantes. Quelques affiches plastifiées ont été accrochées au mur, les règles de vie et la répartition des tâches ménagères y sont rappelées : coucher à 23 heures, réunion tous les lundis soir, un jour de lessive par semaine. Cette maison d'enfants à caractère sociale (MECS) accueille chaque année une quinzaine de jeunes de 12 à 17 ans confiés à l'ASE, et encadrés par une équipe d'éducateurs spécialisés.
Placés pour raisons familiales, ces mineurs vivent au foyer "24 heures sur 24, sept jours sur sept", explique Julien, éducateur au foyer depuis 2017. Si les parents d'une partie d'entre eux bénéficient d'un droit de visite et d'hébergement, la majorité des adolescents "sont avec nous les 365 jours de l'année, y compris pour Noël et le Nouvel An", ajoute Laura.
"Mes seuls séjours, c'est avec le foyer", raconte Sarah, 15 ans, au foyer depuis deux ans. Si un tiers des Français ne partent pas en vacances chaque année, selon une étude du Crédoc et de l'Observatoire des inégalités, les enfants pris en charge par l'ASE figurent parmi les premiers concernés. Pourtant, sortir du cadre du foyer, "pour pouvoir échapper à leur quotidien, aux angoisses de toute l'année", est primordial, selon Julien. Ce sont "bien plus que des vacances". Même s'ils ont "de la chance d'être ici", reconnaît Sarah, elle rappelle que ce n'est "pas toujours facile". "Des jeunes qui vivent en collectivité avec des inconnus, ça apporte des tensions parfois", complète Nélya, "alors c'est important de changer de paysage".
"Une solution coûte que coûte"
Un besoin de "prendre l'air " qui a un coût. Chaque année, les éducateurs s'attellent à monter des séjours pour les jeunes. Pour cet été, Laura a voulu proposer un projet en bord de mer dans les Landes, près de Biscarrosse, "pour montrer autre chose aux enfants". Découverte du surf, balades à vélo, nuits dans un camping, activités au club ado ... Des vacances sur mesure mais dont le prix ne rentrait pas dans le budget du foyer, malgré l'aide d'autres associations et des chèques vacances de l'ANCV, qui propose des aides financières au départ en vacances des publics fragiles.
Refusant de baisser les bras, l'éducatrice a cherché "une solution coûte que coûte". "Les jeunes, c'est ma force, ce sont des bonnes personnes avec qui la vie a été injuste", confie-t-elle, émue, "je ne voulais pas les décevoir".
"Nous, les éducateurs, on est les plus gros repères dans leur quotidien. Ça nous tenait vraiment à cœur que ce projet puisse aller jusqu'au bout pour les jeunes."
Laura, éducatrice spécialisée dans un foyer spécialisé de région parisienneà franceinfo
De ces heures de réflexion est née l'idée de lancer une cagnotte en ligne. Un phénomène en plein essor sur Internet. À l'origine destinées à des événements festifs, les cagnottes "se sont démocratisées vers un usage beaucoup plus solidaire", indique Amandine Plas, directrice marketing de la plateforme Leetchi. En 2024, le nombre de cagnottes solidaires créées a observé une hausse d'environ 16% par rapport à l'année 2023, selon les chiffres communiqués par la plateforme. Une tendance constante ces dernières années, qui "correspond malheureusement tout à fait au contexte économique et social actuel", poursuit Amandine Plas. Et qui révèle le "besoin de faire appel à la générosité pour subvenir à des besoins, souvent primaires".
Une fois la cagnotte publiée, ce foyer disposait de dix jours pour rassembler les 3 000 euros nécessaires, le délai imposé par le directeur. Un défi relevé par les éducateurs, qui n'ont pas compté leurs heures supplémentaires : "On a travaillé au moins 70 heures ces semaines-là ", se remémore Laura.
Une collecte de dons dans Paris
En parallèle, l'équipe a décidé d'impliquer les adolescents dans la recherche de financements : vente de boissons fraîches, collecte de dons dans Paris pour "les pousser vers une certaine autonomie", complète la jeune femme. "On a peint des boîtes en carton et on est allés demander aux passants s'ils pouvaient nous aider", explique timidement Sohan, l'un des plus jeunes du foyer. Une expérience qui a nécessité une certaine préparation. "On a travaillé notre discours pendant une semaine", rapporte en riant Nélya. Des scènes qui ont fait sourire Laura : "Les premiers essais, c'était comique, j'ai dû leur rappeler qu'on ne dit pas 'Wesh' pour aborder quelqu'un."
Dans Paris, "les deux premiers jours, c'était catastrophique", se rappelle Julien. "De l'ignorance", "du mépris", "des insultes" parfois, accoster les Parisiens ne s'est pas révélé une tâche évidente. "On m'a traité de 'sale arabe', ça, je n'ai pas aimé", raconte Hakim, 17 ans, accueilli au foyer depuis bientôt quatre ans. Julien et ses collègues ont dû "remotiver les troupes" et les "remettre en confiance" pour aller au-delà des premiers refus. La détermination des jeunes "a fini par payer", puisqu'en huit jours, ils ont atteint leur objectif.
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La générosité s'est aussi manifestée sur la cagnotte en ligne, sur laquelle les messages de soutien se sont multipliés. Amandine Plas confirme cet élan de solidarité. Sur Leetchi, le nombre de participations aux cagnottes solidaires est "en très forte hausse", avec une augmentation de 25% en 2024, par rapport à l'année 2023.
Les adolescents ne cachent pas leur étonnement en se remémorant l'attention de certains passants. "Certains ne pouvaient pas donner, mais ils prenaient le temps de parler avec nous", rapporte Sarah, visiblement déconcertée. "Ils ont su se mettre à notre place et voir que notre quotidien n'est pas facile", ajoute-t-elle. Assia, hébergée depuis 2020, opine de la tête : "Ils disaient que tout le monde mérite d'avoir des vacances." Laura se souvient d'un quinquagénaire qui "cherchait une pièce de deux euros, mais qui a donné un billet de cinquante euros finalement", désarçonnant le jeune en face de lui qui, "les larmes aux yeux, lui a demandé un câlin". Le groupe est unanime : "On aimerait pouvoir dire merci à tous ceux qui ont donné."
"Au début, ça faisait peur de se faire rejeter, surtout que c'est arrivé beaucoup de fois. Mais on a rencontré des gens généreux, qui nous ont encouragés. On a persévéré, et ça a marché, je suis très fière de nous."
Nélya, 14 ans, mineure placée par l'ASEà franceinfo
De la fierté, c'est ce qu'éprouvent les jeunes du foyer devant l'aboutissement de leurs efforts collectifs. "Savoir que pour ce voyage, on a dû s'investir à ce point, ça change tout", déclare Hakim. L'exercice a finalement été riche en apprentissage et en cohésion. "Au-delà de l'aspect financier, l'expérience humaine qu'ils ont pu avoir, c'était franchement magnifique", conclut Julien. À présent, cap sur Biscarrosse pour un séjour bien mérité.
* Les prénoms et les âges ont été modifiés.
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