: Info franceinfo Les présidents de trois départements accusés de ne pas avoir protégé des mineurs placés sous leur responsabilité et de les avoir laissés se prostituer
Les mères de famille que franceinfo a pu rencontrer dénoncent le sort qui a été réservé à leurs filles, placées en foyers par l'aide sociale à l'enfance (ASE) et devenues la cible de proxénètes.
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Les présidents des départements de l'Essonne, des Yvelines et des Bouches-du-Rhône sont visés par trois recours pour faute en responsabilité, selon les informations de franceinfo mercredi 29 avril. Ces trois recours sont déposés par des familles qui accusent ces élus de ne pas avoir su protéger des enfants placés sous leur responsabilité.
En 2018, la vie de Lilas [prénom d'emprunt] bascule lorsqu'elle dépose plainte contre son mari pour violences conjugales après la claque de trop. Mais dans la foulée, les services sociaux lui retirent ses deux filles de 8 et 10 ans placées en foyer. "J'ai demandé l'aide des services sociaux pour nous épauler, j'ai eu le droit de voir mes enfants une fois par mois pendant 6 ans", raconte Lilas.
Âgée de 13 ans, la fille ainée de Lilas multiplie les fugues. Elle se retrouve embarquée dans un réseau de prostitution, jusqu'à ce jour d'octobre 2022 où elle est séquestrée dans un Airbnb à Toulon par des proxénètes. "Elle envoie un message sur Whatsapp en disant 'maman je suis en danger, ne m'appelle pas ou ils vont me frapper', elle m'envoie une localisation et je préviens les services de police pour récupérer l'enfant", raconte Lilas. "Ma fille s'est retrouvée deux semaines à Toulon dans un foyer d'accueil d'urgence toute seule. On l'a faite revenir simplement toute seule dans un taxi, seule après avoir vécu un cauchemar", dénonce-t-elle. "On l'a forcée à prendre de la cocaïne, à faire des passes". Aujourd'hui la jeune fille "se fait du mal, elle préfère être seule et elle est déscolarisée, elle fait des crises de stress, c'est très dur".
"Nous livrons les enfants aux chiens"
Maître Michel Amas défend une trentaine d'enfants, c'est lui qui dépose aujourd'hui ces recours aux tribunaux de Marseille, Versailles et Evry. Il dénonce un "phénomène national". "Nous lançons l'alerte pour que tout le monde sache qu'en France, à l'heure actuelle, des petits garçons et des petites filles se prostituent en très grand nombre, dans l'inaction totale des président de département", affirme cet avocat. "L'Etat a échoué dans la protection de l'enfance, lance-t-il. Le fait qu'il n'y ait pas de réaction, d'organisation de la réponse de l'État, c'est ça que nous dénonçons. Nous livrons les enfants aux chiens."
À Marseille une éducatrice a tenté dénoncer le système. Jennifer Abitbol l'assure à franceinfo : "A Marseille il n'y a pas un foyer où je n’ai pas mis les pieds, où il n'y a pas de prostitution", assure-t-elle. "Les gamines à partir de 22 heures se préparent, il y en a même qui sortent en string. C'est filmé, il y a les voitures qui défilent avec leurs plaques", témoigne cette éducatrice. "Et quand on leur dit 'attend, mais tu ne vas pas les laisser sortir les jeunes filles' et qu'on me dit qu'on ne peut pas les retenir, moi je suis allée là-bas en mission, personne ne sortait" des foyers. Jennifer Abitbol rappelle qu'il s'agit de "gamines, on parle de bébés, donc si vous avez un comportement qui est carré, qui est rassurant, elles vous suivent". Ainsi, pour elle "c'est pour ça que je suis contre le placement".
"Il y a un problème de moyens, de contrôle et de volonté"
"On est aujourd'hui face à un vrai scandale d'Etat", assure sur franceinfo Vincent Fritsch, éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et membre du bureau national du SNPES FSU, syndicat national des personnels de l’éducation et du social. Il dénonce l'inaction de l'Etat. "Les avancées sont vraiment minimes", selon lui. "Il y a un problème de moyens, de contrôle et de volonté", assure Vincent Fritsch. "Le principal problème, c'est la formation des éducateurs et éducatrices qui travaillent dans ces établissements", dit-il.
"On confie ces enfants à des structures et en face d'eux, on a des gens qui ne sont pas compétents", selon lui. "Il y a un problème de recrutement." Enfin, Vincent Fritsch salue la volonté de Gérald Darmanin d'instaurer des contrôles dans les foyers de l'ASE et de demander à la PJJ d'organiser ces contrôles.
Une enquête administrative ouverte
Selon la récente commission d'enquête parlementaire sur les enfants placés, 15 000 mineurs sont victimes de prostitution en France, en majorité des enfants placés. Le ministère de la Justice reconnaît de son côté une situation critique et évoque une défaillance et a même envoyé une circulaire en début de semaine pour renforcer les contrôles dans les foyers de l'ASE. La chancellerie demande à chaque parquet de vérifier d'ici la fin de l'année l'ensemble des structures de placement, avec en moyenne 35 visites par trimestre pour chaque juridiction. Aujourd'hui, les foyers sont contrôlés tous les cinq ans par les départements, ceux-là même qui les financent.
Après les révélations de franceinfo, concernant des faits de prostitution de mineurs placés, le département de l'Essonne "diligentera une enquête administrative pour connaître et garantir la sécurité des jeunes enfants et apporter toutes les réponses attendues", peut-on lire dans un communiqué mercredi. "Cette enquête permettra aussi de savoir si toutes les conditions de sécurité et de protection des enfants sont réunies", poursuit le communiqué qui rappelle qu'"en Essonne, la protection de l'enfance est une priorité absolue" et que les structures d'accueil "font l'objet de contrôles réguliers". Ils indiquent que l'ASE est le "premier poste budgétaire du département, en constante augmentation pour répondre à une pression croissante : 3 866 mineurs et jeunes majeurs sont aujourd’hui pris en charge, soit une hausse de 40% en dix ans". En tout, 245 millions seront consacrés à ce secteur en 2025.
"Plusieurs actions" mises en place, se défend le département des Bouches-du-Rhône
Sollicité par "ici Provence" (ex-France Bleu), le département des Bouches-du-Rhône indique qu'il n'est "pas en mesure de se prononcer" sur les procédures judiciaires évoquées, "faute d’avoir eu accès aux pièces constitutives du dossier". Il se dit toutefois "conscient du véritable drame humain qui se joue pour ces enfants, tombés aux mains de réseaux sans scrupules, ainsi que pour leurs familles souvent impuissantes".
Le département des Bouches-du-Rhône tient par ailleurs à préciser qu'il a "mis en place plusieurs actions ces dernières années pour tenter de limiter le phénomène". Il évoque ainsi un "partenariat avec une association pour assurer un suivi individualisé des mineurs accueillis en Maison d’enfants à caractère social (Mecs)", la "création, avec le parquet et le tribunal pour enfants de Marseille, d’une fiche permettant de communiquer le plus tôt possible à la justice des informations utiles". L'institution met également en avant le "financement de maraudes en centre-ville" effectuées par l’Addap 13 (Association départementale pour le développement des actions de prévention).
Le département indique enfin avoir "signé en 2021 un protocole de lutte contre la traite des êtres humains (TEH)", et "participé à la mise en place d’une 'commission mineurs' par le parquet de Marseille en 2024 pour exfiltrer ces jeunes victimes de trafic".
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