Suicide d'Evaëlle en 2019 : "Tout s'est écroulé le jour où elle a disparu", témoignent ses parents au procès de son ex-enseignante
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Sébastien et Marie Dupuis ont témoigné lundi devant le tribunal correctionnel de Pontoise, où est jugée l'ancienne professeure de français de la collégienne. Ils ont décrit le caractère de leur fille et ce qui l'a menée selon eux à se donner la mort le 21 juin 2019.
"C'était une élève atypique." Courbé au-dessus du micro, Sébastien Dupuis retrace le parcours scolaire de sa fille Evaëlle. La collégienne s'est suicidée le 21 juin 2019, à la fin de son année de 6e. C'est lui qui l'a découverte inerte dans sa chambre à Herblay (Val-d'Oise) en rentrant du travail. Dans les carnets qu'elle a laissés, la fillette de 11 ans a confié avoir été victime de harcèlement. Au terme de l'enquête, trois personnes ont été renvoyées devant la justice : deux collégiens devant un tribunal pour enfants et, fait inédit, son ancienne professeure de français, Pascale B. Près de six ans après les faits, le procès de l'enseignante s'est ouvert, lundi 10 mars, devant le tribunal correctionnel de Pontoise.
Les parents d'Evaëlle ont été invités à prendre la parole en fin de journée. Sébastien Dupuis décrit le comportement de sa fille, dès l'école maternelle. "Quand ça ne l'intéressait pas, elle disait : 'Je ne fais pas'", raconte-t-il. "Cela a duré", poursuit le père d'Evaëlle, jusqu'à la "fin du CE2". "Puis au CM1, elle s'est dit : 'Faut que je commence à m'y mettre'." "A partir de ce moment-là, elle a engagé beaucoup de travail pour rattraper ses fameuses lacunes", complète-t-il. "C'était sa personnalité, c'est vrai que quand on ne le sait pas, c'est déstabilisant", reconnaît Sébastien Dupuis, qui précise que sa fille était "précoce dans certains domaines et dans d'autres moins".
"On prend ça comme un appel au secours"
Dès son entrée au collège, la scolarité d'Evaëlle est agitée. Car sa professeure de français refuse qu'elle utilise le grand classeur que ses parents lui ont acheté. Multimatières et plus léger, il a l'avantage de remplacer plusieurs cahiers pour la collégienne qui a eu la cheville cassée en CM2 et doit éviter de porter un cartable trop lourd. Or, Pascale B. refuse ce protocole, selon le père d'Evaëlle. D'autres situations problématiques s'enchaînent pour l'élève : elle est placée au fond de la classe, mais elle n'arrive pas à suivre les cours correctement et l'ophtalmologiste qui la suit insiste pour qu'elle soit devant, malgré l'opposition de la professeure. Tout cela est révélé lors d'une réunion et les parents d'Evaëlle finissent par rencontrer Pascale B., afin de parler de cette situation.
"Il en sort quoi ? Que ça s'apaise ?", demande la présidente du tribunal, d'un ton direct. Sébastien Dupuis acquiesce. "C'est vrai qu'elle nous dit : 'Madame B. est super gentille avec moi' fin novembre. Puis en décembre, on s'aperçoit de la tache noire sur la poutre", poursuit-il. Il la voit un matin au petit-déjeuner : "Je vois une croix dessinée avec des flammes." Il raconte s'être alors tourné vers sa fille pour lui demander : "Tu peux m'expliquer ?" "On lui dit : 'On ne va pas te disputer', on prend ça comme un appel au secours et c'est là qu'elle nous explique qu'elle a essayé de brûler la poutre", poursuit le père d'Evaëlle. "Et là elle nous dit : 'C'était juste moi qui voulais mourir, je ne veux pas tuer les chats et mon frère'." Les parents font immédiatement le lien avec ses difficultés au collège.
"Madame B. a initié le harcèlement"
Pourtant, comme le souligne la présidente du tribunal, "à ce moment-là, la situation s'est apaisée en cours de français". "Et les collégiens ?" interroge la magistrate. "Ça a commencé", répond le père d'Evaëlle. La fillette parle des "chiquettes" qu'elle se prend de la part d'autres élèves. "Elle s'était habituée, elle s'est retrouvée isolée par ses camarades de classe. C'est là qu'on écrit au collège pour expliquer la situation", précise-t-il. Sébastien Dupuis résume à sa manière : "Madame B. a initié le harcèlement et quand ça s'est terminé avec Madame B., les élèves ont pris le relais. Voilà, c'est tout."
La situation bascule en février 2019. A cette période, Pascale B. décide d'organiser une heure de vie de classe pour aborder le sujet du harcèlement et demande aux élèves d'exprimer à haute voix leurs reproches à Evaëlle. "Là, on n'a rien compris. Elle met en difficulté notre fille devant la classe, au niveau de la bienveillance... Comment notre fille a pu subir ça ?" s'étrangle-t-il. Les parents d'Evaëlle décident alors de changer leur enfant d'établissement et à la rentrée des vacances de l'hiver 2019, elle change de collège.
"Pourquoi mettre Evaëlle au milieu et que tout le monde lui pose des questions ? Je ne comprends pas."
Sébastien Dupuis, père d'Evaëlledevant le tribunal correctionnel de Pontoise
"Tout s'est écroulé le jour où Evaëlle a disparu. Je me suis dit : 'Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Comment je vais m'occuper de tout ça ? Jusqu'à la fin de ma vie, ce sera difficile", témoigne Sébastien Dupuis, qui ne parvient plus à exercer son métier d'éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse. Quand il retourne s'asseoir, son fils Valentin est à leurs côtés, également sur le banc des parties civiles, tout comme les grands-parents d'Evaëlle.
"On a alerté tout ceux qu'on a pu"
Sa femme Marie l'entoure de ses bras. Elle se lève ensuite pour témoigner à son tour. Après être revenue sur les mêmes faits que son mari, cette ingénieure en informatique, qui se dit "attachée aux faits", évoque le témoignage du principal du premier collège d'Herblay où était scolarisée sa fille, à son entrée en 6e. Il est venu s'exprimer lundi après-midi. "Personne au sein du collège n'a souhaité la disparition d'Evaëlle", a-t-il déclaré, avant de présenter des excuses pour la première fois pour son absence aux obsèques de la fillette. "Je voulais leur faire passer le message que beaucoup de choses ont été faites", a insisté l'ancien principal de l'établissement.
"Enfin, il se rend compte de ce qu'il a mal fait", réagit Marie Dupuis, qui fait part de son soulagement.
"Il se rend compte qu'on n'a pas monté les choses en épingle. On avait même du mal à poser les mots harcèlement au début."
Marie Dupuis, mère d'Evaëlledevant le tribunal correctionnel de Pontoise
Face au tribunal, la mère d'Evaëlle soutient : "On n'a pas du tout été entendu, écouté. On a alerté tous ceux qu'on a pu alerter en tant que parents d'élèves."
Si vous avez des pensées suicidaires, si vous êtes en détresse ou si vous voulez aider une personne en souffrance, il existe des services d'écoute anonymes et gratuits. Le numéro national 3114 est joignable 24h/24 et 7j/7 et met à disposition des ressources sur son site. L'association Suicide écoute propose un soutien similaire au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont disponibles sur le site du ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.
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