Education affective et sexuelle : comment la mise en œuvre du programme va-t-elle être accompagnée ?

Article rédigé par Lucie Beaugé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Une classe de collège à Vihiers (Maine-et-Loire), le 4 septembre 2018. (JEAN-MICHEL DELAGE / AFP)
Une classe de collège à Vihiers (Maine-et-Loire), le 4 septembre 2018. (JEAN-MICHEL DELAGE / AFP)

Le ministère de l'Education nationale a officiellement publié jeudi ce programme, contesté par les milieux conservateurs. Il s'agit désormais de former les enseignants et de les protéger de toute pression.

Après des mois d'allers-retours quant à sa substance, mais surtout de critiques d'une partie de la droite et des milieux conservateurs, il voit enfin le jour. Le programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle a été publié par le ministère de l'Education nationale, jeudi 6 février, au Bulletin officiel. Il vise à appliquer les trois séances annuelles dans les écoles, collèges et lycées, comme cela est théoriquement imposé par une loi de 2001, mais peu réalisé dans les faits. Le texte validé par Elisabeth Borne prend en compte la majorité des remarques du Conseil supérieur de l'éducation (CSE), instance consultative rassemblant syndicats et parents d'élèves, qui s'est réuni les 29 et 30 janvier.

Parmi les dernières évolutions, la notion d'identité de genre fait son retour en troisième, et non en seconde comme dans la dernière version. L'intersexualité sera abordée en quatrième, sans attendre le lycée. L'asexualité, qui avait été supprimée, est finalement mentionnée dans les objectifs globaux du programme, à savoir "la lutte contre les discriminations énoncées à l’article 225-1 du Code pénal", notamment au sujet de l'orientation sexuelle. La notion de transphobie, elle, n'apparaît pas dans le programme. Son intégration en troisième avait pourtant été approuvée à la majorité par les acteurs du CSE, selon Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa.s "Le bilan reste positif", assure-t-il.

L'information obligatoire des parents sur la tenue et le contenu des séances a par ailleurs évolué. Il s'agit dorénavant de leur rendre compte, uniquement, "des objectifs d'apprentissage annuels de cette éducation".

Des ateliers de formation et des livrets par niveau

Avec la publication de ce programme s'ouvre le dossier de l'accompagnement de son application à la rentrée 2025. "Concrètement, ce programme implique que les professeurs conçoivent et organisent collégialement la mise en œuvre pédagogique de cette éducation sous le pilotage et avec le soutien des directeurs d’école ou des chefs d’établissement, avec le conseil des inspecteurs et des personnels sociaux et de santé", explique le ministère. Pour ce faire, une formation est nécessaire, les agents disant depuis longtemps s'en sentir dépourvus.

Ainsi, dès le mois de mars, un séminaire sera organisé à destination des cadres et des référents académiques. L'objectif est ensuite de proposer des ateliers de formation pour deux à trois professeurs des écoles par circonscription, et un professeur par collège et lycée d’ici septembre. Un parcours d'autoformation va également être mis en ligne sur la plateforme Magistère, destiné à tous les agents. Enfin, durant l'année scolaire 2025-2026, une formation renforcée de deux journées en présentiel sera proposée dans chaque académie aux volontaires.

Le ministère entend aussi publier des ressources pédagogiques, à l'instar de livrets par niveau qui "contiendront une proposition de trois séances, ainsi que quelques exemples de séances en lien avec des enseignements disciplinaires". Lors d'un point presse, la rue de Grenelle a rappelé que ce programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle pourrait aussi être déployé durant des enseignements transdisciplinaires, comme l'éducation morale et civique (EMC), ou lors des heures de vie scolaire.

Un dispositif de protection prévu pour les enseignants

Le sujet étant sensible, le ministère affirme que "toute la chaîne hiérarchique" se tiendra derrière les enseignants pour les protéger des pressions. "L'intérêt du programme est de fixer un cadre, afin que le contenu ne puisse être contesté." Mais il concède que des résistances pourront tout de même surgir. En fonction de la gravité des faits, le ministère souligne que des leviers pourront être activés, comme la tenue d'une procédure disciplinaire pour l'élève, un signalement au procureur de la République, ou encore la protection fonctionnelle de l'enseignant. Ce dispositif permet à tout agent agressé ou menacé d'obtenir des mesures de soutien de la part de son administration, comme une prise en charge médicale, une assistance juridique ou le remboursement de frais d'avocat.

Les professeurs ne seront d'ailleurs pas les seuls impliqués dans la mise en œuvre des séances. En plus des personnels sociaux et de santé, comme les infirmiers, les associations agréées par le ministère auront leur place. Ce dernier précise que les intervenants extérieurs "n'enseigneront pas", mais viendront apporter leur expertise "en complément" de la séance conçue par l'enseignant. Une clarification qui fait notamment écho aux accusations du Syndicat de la famille (ex-Manif pour tous), selon lequel ces associations adopteraient "une posture militante" et véhiculeraient "des contenus idéologiques" en classe.

Depuis juin 2023, date du lancement des réflexions, "les travaux ont été menés en toute indépendance et reposent sur des expertises scientifiques", intégrant "les différentes sensibilités", a assuré le ministère à la presse. Alors qu'un enfant est victime d’agression sexuelle toutes les trois minutes, selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), et que la pornographie est consultée par 2,3 millions de mineurs par mois, selon l'Arcom, "il devenait nécessaire que l’Education nationale propose un programme clair sur ces sujets".

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