Affaire Bétharram : quatre questions sur les déclarations de l’ex-enseignante Françoise Gullung réfutées par François Bayrou

Pendant son audition devant la commission d'enquête parlementaire mercredi, le Premier ministre a tenté de décrédibiliser l'ancienne professeure qui a affirmé l'avoir alerté à plusieurs reprises sur les violences dans l'établissement dans les années 1990, en la qualifiant "d'affabulatrice".

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Françoise Gullung, audtionnée par la commission d'enquête parlementaire, le 26 mars 2025. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS via AFP)
Françoise Gullung, audtionnée par la commission d'enquête parlementaire, le 26 mars 2025. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS via AFP)

Parole contre parole. Alors qu'il était entendu pendant plus de cinq heures par la commission d'enquête parlementaire sur les violences scolaires, mercredi 14 mai, François Bayrou a mis en cause l'un des témoins clés de l'affaire Bétharram. Le Premier ministre a qualifié "d'affabulation" les allégations de Françoise Gullung, ancienne professeure de mathématiques au sein de l'établissement catholique entre 1994 et 1996, qui dit l'avoir alerté à plusieurs reprises sur les violences.

"Je dirais qu'il n'est pas sincère, qu'il se cherche des excuses", a réagi l'ancienne enseignante, mercredi sur franceinfo, après l'audition devant la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Bétharram de François Bayrou, accusé de mensonges sur ce qu'il savait ou pas sur ces violences envers des élèves entre les années 1970 et 1990.

1 Que savait Françoise Gullung ?

Pour les députés de la commission d'enquête, Françoise Gullung a joué le rôle de lanceuse d'alerte. Elle affirme avoir alerté François Bayrou à l'occasion d'une cérémonie en 1995, d'abord par écrit puis oralement, que des violences se déroulaient à Bétharram. La professeure déclare avoir aussi prévenu son épouse, qui intervenait pour le catéchisme pendant neuf mois au sein de l'institution. Elle raconte même qu'elles ont toutes les deux été témoins de frappes et de cris d'un élève. Depuis 1996, Françoise Gullung ne cesse de dénoncer dans la presse la situation et "l'omerta" qui régnait selon elle au sein de l'établissement. Pour elle, François Bayrou savait.

2 Quelle est la défense de François Bayrou ?

Le Premier ministre réfute de but en blanc les allégations de l'ancienne professeure. Françoise Gullung a été la cible de feux nourris de la part de François Bayrou qui l'a fortement mise en cause. "Je dis, j'affirme que cette dame, elle a affabulé devant la commission, a déclaré le Premier ministre devant la commission d'enquête parlementaire mercredi. Je pense que cette dame a reconstitué, fallacieusement et sous serment, et c'est d'elle que vous faites le lanceur d'alerte en témoignant devant vous sous serment, elle n'a pas dit quelque chose de possible." Pour François Bayrou, l'ancienne professeure ment, c'est donc tout le château de cartes des accusations le visant qui s'écroule.

3 La professeure maintient-elle aujourd'hui ses propos ?

"Je n'ai pas affabulé", a répondu du tac au tac l'enseignante, sur franceinfo. Elle maintient avoir averti François Bayrou : "J'ai alerté en son temps Monsieur Bayrou d'un problème grave à Betharram. Je déplore que, n'ayant rien fait, il a permis, inconsciemment parce qu'il n'a rien fait, que, pendant 30 ans supplémentaires, des enfants subissent des violences physiques et sexuelles." "Je pense qu'il n'est pas sincère", a martelé Françoise Gullung. Les témoignages sont contradictoires dans cette histoire qui date de plus de 30 ans.

4 Le témoignage de l'enseignante est-il discrédité par les propos de François Bayrou ?

Si le Premier ministre a effectivement tenté de démontrer qu'il était faux, les deux rapporteurs de la commission d'enquête soutiennent Françoise Gullung, à commencer par l'élue Renaissance Violette Spillebout. "Moi, je continue à être très en soutien envers toutes ces femmes, a déclaré la députée sur franceinfo jeudi. Dans les cas que nous avons étudiés à Bétharram, à Riaumont, à Châlons-en-Champagne également, c'est une professeure qui a lancé l'alerte. À toutes ces femmes qui ont eu le courage, à un moment, dans un système de l'éducation nationale où il y a encore des omertas où, encore, des enseignants, lorsqu'ils dénoncent des faits délictueux, peuvent voir leur carrière freinée. Ça existe encore aujourd'hui, ce ne sont pas des faits du passé. Je salue leur courage."

"S'il y a une personne qui ne s'est pas trompée, c'est Françoise Gullung, a ajouté Paul Vannier, député LFI co-rapporteur de la commission, également invité sur franceinfo. C'est elle qui, dès 1995, tire toutes les sonnettes d'alarme qui disent qu'il y a une violence terrible sur les enfants. Et malheureusement, tragiquement, tout confirme son alerte, son alarme. Parce qu'après 1995, des dizaines, des centaines d'enfants ont vu leurs vies broyées. Je veux juste dire que ce qui est grave dans la façon dont le Premier ministre s'est attaqué, a calomnié, a presque insulté cette lanceuse d'alerte, c'est qu'il adresse un message très intimidant à l'ensemble de tous ceux qui, dans notre pays aujourd'hui, souhaitent dénoncer ces violences." La commission d'enquête parlementaire poursuit son travail, trois anciens ministres de l'Éducation nationale ont été entendus jeudi : Pap Ndiaye, Jean-Michel Blanquer et Nicole Belloubet.

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