Trafic de drogue : "Il faut une politique de prévention", estime Driss Aït-Youssef, docteur en droit public et spécialiste des questions de sécurité

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l’agence 6médias
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Driss Aït-Youssef, docteur en droit public et spécialiste des questions de sécurité, était l’invité du 11/13 de franceinfo lundi 21 juillet 2025.

Après le guet-apens qu'ont subi trois policiers à Béziers samedi 19 juillet, différentes communes s'interrogent sur un moyen d'endiguer, ou de faire diminuer, le trafic de drogue et ses conséquences sur les citoyens. Invité de Rebecca Benbourek dans le 11/13, Driss Aït-Youssef, docteur en droit public et spécialiste des questions de sécurité, a corroboré les dires du maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) au sujet des contrôles de consommateurs, tout en mettant l'accent sur le besoin de prévention.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Rebecca Benbourek : On entendait à l'instant le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) nous dire "oui il faut aussi cibler les consommateurs. Sans consommateurs il n'y a pas ou en tout cas moins de trafic". Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

Driss Aït-Youssef : Absolument. Le maire a complètement raison sur le fait qu'il faut cibler les consommateurs. Je rappelle qu'il y a ce qu'on appelle des AFD, des amendes forfaitaires délictuelles, qui permettent, plutôt que d'engager des procédures judiciaires longues et difficiles pour des consommateurs, de mettre directement une amende sous certaines conditions. Donc ça existe.

Ça existe depuis un certain temps, mais est-ce qu'elles sont efficaces ces amendes ?

On a un taux de recouvrement qui est quand même relativement bas, ça ne fonctionne pas très bien dans certains territoires où vous avez des consommateurs qui ne sont pas toujours solvables. C'est la raison pour laquelle il faut, en parallèle aussi, mettre en place une politique publique sanitaire pour engager un vrai travail sur ce qui s'appelle "les risques sur les conduites addictives". Donc ça, on est dans le domaine de la santé publique, on n'est plus dans le domaine de la répression. Parce que vous avez quelquefois des consommateurs qui ont aussi des problèmes. Il faut s'en occuper de cette manière.

Se pose aussi la question de ces quartiers où, pour certains habitants, il y a une attraction pour cet argent facile car cette économie souterraine fait vivre toute une société.

Je pense que c'est plutôt par dépit, plus que par projet professionnel. Pour avoir grandi dans un quartier populaire, j'ai rarement vu des habitants se dire « tiens, et si je faisais de ma vie un vrai grand trafic ? » En tout cas, je parle pour des parents qui vivent quelquefois malheureusement du trafic. Donc il faut être dans une forme de répression sans aucune difficulté de ce point de vue. Mais par ailleurs, comme l'a très justement rappelé le maire de Sceaux, il faut qu'il y ait une politique de prévention. Il faut que les collectivités se dotent de certains moyens que doit leur donner l'État pour assumer un vrai travail de prévention. Et là où la prévention ne marche pas, il faut qu'il y ait de la répression. Mais aucun habitant des quartiers ne doit pouvoir vivre de ce qu'on appelle l'économie souterraine, qui fait travailler environ 200 à 250 000 personnes en France par an.

On a aussi appris tout à l'heure qu'un couvre-feu avait été instauré dans la ville de Nîmes (Gard), qui a été également touchée par ces violences. Ce couvre-feu va durer 15 jours. Est-ce que c'est une solution pour vous ?

Je pense que c'est une solution d'urgence. Attention, le couvre-feu, ce n'est ni répressif ni curatif. Le couvre-feu est un arrêté municipal pris par le maire en vertu de ses pouvoirs de police administrative pour, justement, faire de la prévention et éviter que des gamins s'entretuent sur la voie publique. Et puis curatif car c'est pour trois semaines, c'est pas pour trois ans. Donc il faut pendant ce laps de temps qu'il y ait un vrai travail avec la prévention et la répression, parce qu'il y a aussi des mineurs, hélas, qui commettent des exactions, des violences et des crimes. Il faut pouvoir les appréhender. Encore une fois, le couvre-feu peut, par exemple à Nîmes, répondre à une problématique d'urgence, c'est-à-dire de troubles graves à l'ordre de la sécurité publique, mais aucunement être une solution à une vraie difficulté liée à une partie de notre jeunesse.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

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