Narcotrafic : la France est un pays où l'offre de drogue est désormais "sans zone blanche", alerte un rapport de l'Office antistupéfiants

Dans cette note confidentielle, les policiers spécialisés décrivent le narcotrafic comme de plus en plus violent.

Article rédigé par franceinfo
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Le siège central de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) à Nanterre (Hauts-de-Seine). (JULIEN DE ROSA / AFP)
Le siège central de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) à Nanterre (Hauts-de-Seine). (JULIEN DE ROSA / AFP)

La France est un pays où l'offre de drogue est désormais "sans zone blanche", alerte un rapport confidentiel de l'Office antistupéfiants (Ofast) paru fin juillet, dont Valeurs Actuelles et Le Monde ont fait état et que franceinfo a pu consulter, lundi 4 août.

En préface de cette note confidentielle, construite grâce à l'expérience de plusieurs dizaines de services de l'Etat, du ministère de l'Intérieur au ministère des Armées, en passant par le ministère de la Santé ou de l'Économie, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau parle d'un "tsunami blanc". Une référence à la prolifération de plus en plus forte de la cocaïne sur notre territoire, évoquant une "menace existentielle pour notre pays".

Une menace violente érigée en "contre-culture"

Sur les six premiers mois de l'année 2025, les saisies de cocaïne ont effectivement atteint un "record" en France, avec 37,5 tonnes saisies contre 25,8 tonnes au premier semestre 2024, soit une augmentation de 45%. Dans ce récent rapport, l'Office antistupéfiants tire la sonnette d’alarme et dresse un panorama inquiétant du trafic de stupéfiants et de ses conséquences. Une expression résume la menace : celle d'une violence érigée en "contre-culture", selon les policiers spécialisés, qui "marginalise" les citoyens prisonniers des territoires contrôlés par les trafiquants.

L'année dernière, la France a décompté 367 assassinats ou tentatives d’assassinats liés majoritairement au narcotrafic et ces crimes ont touché 173 villes l’année dernière, dont des petites comme Florange en Moselle. "L’appropriation de territoires accroît la criminalisation de la vie quotidienne, érige la violence et les profits criminels en contre-culture, obérant lourdement les politiques de la ville et l’intégration sociale", est-il écrit dans cette note.

"Un véritable pouvoir social"

Le recours aux tueurs à gages est de plus en plus fréquent, note l'Ofast, évoquant des trafiquants qui "s'approprient les espaces communs" et dans certains cas "exercent un véritable pouvoir social". L'Ofast cite l'exemple invraisemblable d'un quartier de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, où des habitants ont eu la surprise de recevoir dans leur boîte aux lettres un courrier leur proposant des aides en tous genres (courses, bricolage), en contrepartie des désagréments occasionnés par le deal dans le quartier.

Les narcotrafiquants "menacent l'ordre républicain", résument les rédacteurs du rapport, avec une volonté de "déstabiliser les institutions", avec comme principale illustration la récente vague d’attaque au printemps contre les prisons françaises et des domiciles d’agents pénitentiaires. Ou encore les méthodes du clan marseillais de la DZ Mafia qui, l’an dernier, s’est fendu d’une vidéo sur les réseaux sociaux (cagoules, draps blancs, armes pointées vers le ciel) rappelant les plus belles heures de mouvements nationalistes corses.

Un système pyramidal

Le rapport fait aussi un portrait des acteurs du trafic de drogue en France, décrivant une hiérarchie pyramidale. Si au total, selon l'Ofast, 200 000 personnes tirent potentiellement profit à des degrés divers du trafic de stupéfiants, une dizaine de trafiquants se trouvent en "haut du spectre". Ceux-là contrôlent la quasi-totalité des importations en France, même si eux, gèrent souvent cela depuis l'étranger, en Afrique du Nord ou à Dubaï. Ces trafiquants sont même parfois en lien direct avec les cartels sud-américains, qui ont trouvé un intérêt à mutualiser leurs moyens, au point, consciemment ou non, écrivent les policiers de l’Ofast, de former ce qui ressemble fortement à un cartel français de la cocaïne. On y trouve "le top national", les cinquante "cibles prioritaires" des services de lutte antidrogue.

En dessous, on trouve le "milieu du spectre", les filières de distribution. Tout en bas de cette pyramide, on trouve enfin ceux qui vendent au détail, partout en France, et pas uniquement sur l'un des 2 700 points de deal décomptés en France à la fin du mois de juin. Les vendeurs trouvent de nombreuses alternatives, avec l'expansion du système de livraisons, les fameux "ubershits", ou même les "Air'b'n'beuh", la mise à disposition d'appartements pour les clients.

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