Dépollution de l'industrie : les engagements oubliés d'ArcelorMittal
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Depuis 2022, ArcelorMittal promet aux différents gouvernements français d'investir en masse dans la décarbonation de ses sites industriels. Pourtant, les chantiers promis n'ont jamais démarré.
Il représente 16% des émissions industrielles de CO2 de notre pays et est de très loin l'industriel le plus polluant de France. ArcelorMittal, installé notamment à Dunkerque et Fos-sur-Mer, pollue beaucoup à cause de sa production d'acier, nécessitant de brûler de grosses quantités de charbon dans ses hauts fourneaux. Alors en 2022, sous la pression de l'Europe et de la France, ArcelorMittal avait juré d’investir pour polluer moins et faire de l’acier vert, plus écologique. Un bel engagement qui semble aujourd'hui parti en fumée.
L'industriel l’avait pourtant certifié au gouvernement jusqu’à le détailler dans une vidéo du ministère de l’économie. Aidés par l’État, l’entreprise allait par exemple payer de sa poche près d'un milliard d'euros à Dunkerque pour rendre sa production d’acier moins polluante, décarbonée selon le terme consacré. “Au niveau d’ArcelorMittal, nos objectifs de réduction d’émissions de Co2, pour ce qui est de la France, sont de 40% à l’horizon 2030", assure alors l'ex-président de la branche française, Éric Niedziela.
A Dunkerque, cela consiste à changer les hauts fourneaux, et tout passer à l'hydrogène. Un chantier ambitieux, titanesque... qui n'a jamais démarré. En novembre 2024, l'entreprise rétropédale, avançant un contexte difficile, une crise mondiale de l'acier, et un marché français en berne, avec des chiffres "qui ne sont vraiment pas bon", assure une source au sein de l'industriel.
Des dividendes en hausse
L’argument fait bondir les salariés qui protestent en ce moment contre un plan social. Si les chiffres français ne sont pas connus, ArcelorMittal a dégagé dans le monde l'an dernier près d'1,2 milliard d'euros de bénéfices. Pour les syndicats, aucun doute, l'entreprise est toujours rentable en France. “Nous ne sommes pas déficitaires. Je vais vous donner un exemple : on a reçu il y a quelques jours notre prime de participation. S'il y a de la participation, c’est bien qu’il y a de l’argent dans la boîte ! 400 balles, voilà", s'agace Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT ArcelorMittal Dunkerque.
Les plus gâtés sont surtout les actionnaires. ArcelorMittal a augmenté leurs dividendes de 14% en 2024 et en 2025, +10% sont prévus. Dans ce contexte de crise, et de grands chantiers écologiques à lancer, comment justifier une telle augmentation ? Questionné à l’Assemblée nationale en janvier dernier, les représentants du groupe sont peu explicites. "Je n’ai pas les chiffres en tête. Je ne peux pas vous répondre avec précision, mais de manière générale, le groupe a une politique en matière de dividendes depuis des années. Il est normal que les actionnaires soient rétribués", dit Alain Le Grix de la Salle, président d’ArcelorMittal France. Le service presse avance lui rémunerer ses actionnaires"en ligne avec ses résultats à l'échelle du groupe".
Mittal favoriserait-t-il ses actionnaires au détriment de la planète ? C’est ce qu’avance l’ONG Steelwatch, spécialiste du secteur. Selon ses calculs, en quatre ans, la multinationale a payé 720 millions pour la décarbonation dans le monde … contre 10,8 milliards versés à ses actionnaires. C’est 15 fois plus. “Je pense qu’ils priorisent le profit, la rentabilité à court terme, cherchant le meilleur équilibre dans leurs tableaux financiers. Je pense qu’ils ne priorisent pas leur stratégie industrielle de long terme, c’est pour cela qu’ils retardent leurs projets", pour Caroline Ashley, la directrice exécutive. Elle rappelle par ailleurs qu'ArcelorMittal continue d'investir dans des hauts fourneaux au charbon, en Inde.
ArcelorMittal conteste cette analyse. L'industriel rappelle qu'il a investi 1,7 milliard d'euros en France, de manière générale, dans son outil industriel. Il assure que les travaux de décarbonations en France ne sont pas abandonnés, mais simplement reportés à une date inconnue à ce jour. ArcelorMittal dit aussi attendre un cadre réglementaire plus clair au niveau européen, pour éviter toute concurrence déloyale.
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