: Enquête D'un appel au boycott à "Bloquons tout", comment le mouvement du 10 septembre a changé de mot d'ordre
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Depuis le début de l'été, différents messages sur les réseaux sociaux appellent à la mobilisation le mercredi 10 septembre en paralysant l'économie. Au fil du temps, le mouvement a été récupéré par une partie de la classe politique, notamment à gauche.
A l'origine, une vidéo réalisée à l'aide de l'intelligence artificielle publiée sur le compte Tiktok @nouslesessentiels83 le 11 juillet dernier. Une voix robotique sur une image fixe d'une femme et d'un drapeau français appelle la population à la mobilisation : "Le 10 septembre, on arrête tout, pas pour fuir, pour dire non. Confinement du peuple, silence total, résistance pacifique." La vidéo, aujourd'hui vue plus de 42 000 fois, est postée à plusieurs reprises les jours suivants sur le compte dont le nom provient d'un groupe présent sur la messagerie Telegram. C'est l'une d'entre elles qui sera partagée pour la première fois sur X (ex-Twitter) le 15 juillet. A cette époque, le message passe inaperçu. Depuis, le mouvement du 10 septembre est scruté par la classe politique, surveillé par l'exécutif et largement commenté dans les médias. Mais pour l'instant, la mobilisation se prépare principalement sur les réseaux sociaux.
Rapidement, le mouvement se niche sur X et prend de l'ampleur. Une mystérieuse affiche bleue fait son apparition. Difficile de savoir qui en est l'auteur. La première occurrence toujours disponible de cet "appel national à la solidarité du peuple pour un arrêt total général et illimité du pays" date du 18 juillet sur le compte X de @SarahHRakM4, qui l'accompagne de cette légende : "Ceci commence à tourner sur différents réseaux". L'autrice du tweet affirme n'être affiliée à "aucun parti politique" et présente son compte comme un "espace de discussions sur l'actu". On y retrouve toutefois des publications de comptes d'extrême droite, complotistes ou des relais de fausses informations.
Aujourd'hui, ce message a été vu plus de 1,5 million de fois. Et dès le lendemain, des centaines d'utilisateurs du réseau social partagent l'affiche sur X. A ce moment-là, le mot d'ordre est clair : "Nous ne payons plus, ne consommons plus, ne travaillons plus, gardons nos enfants avec nous." Les appels à la mobilisation se multiplient sur le réseau social, régulièrement accompagnés d'images créées par intelligence artificielle qui conseillent vivement à la population de retirer son argent des banques pour ne payer qu'en liquide, afin de ne pas faire rentrer les commissions dans les poches des banques et ainsi paralyser l'économie.
Des airs de "gilets jaunes"
Au 22 juillet, une semaine après la première apparition du 10 septembre à laquelle nous avons pu remonter, cette date était mentionnée dans près de 80 000 tweets, d'après les données de Visibrain, une entreprise spécialisée dans l'analyse des réseaux sociaux. Le mouvement devient viral et déjà plusieurs groupes se forment. Un certain nombre de messages tournent autour du ras-le-bol fiscal, piloté par des comptes arborant le hashtag #JeSuisNicolas. Une référence à l'expression "C'est Nicolas qui paie", créée à l'origine pour exprimer un ras-le-bol fiscal, mais qui sert également à propager une idéologie raciste sur les réseaux sociaux. D'autres comptes de droite souverainiste prônent la grandeur de la France. Le mouvement se propage également dans les sphères complotistes, notamment sur les sujets liés au Covid-19. Le mode d'action du boycott de l'économie semble faire consensus dans ces sphères.
Le mode de mobilisation du 10 septembre rappelle les prémices des "gilets jaunes". En 2018, tout était déjà parti des réseaux sociaux, avec une vidéo coup de gueule publiée sur Facebook, qui avait mené à des manifestations partout en France. Sept ans après, l'histoire se répète ou presque : Emmanuel Macron est toujours au pouvoir, la colère se forme en ligne, la base des participants rejette les partis politiques et les syndicats. A cette occasion, certaines figures des "gilets jaunes" refont surface en s'impliquant ou en soutenant le mouvement.
En parallèle, un mot d'ordre différent émerge. Le 19 juillet, le compte X @bloquonstout, spécialement créé pour l'occasion, partage deux tweets avec cette même affiche bleue qui appelle à la mobilisation. Quelques heures plus tard, une série de huit messages explique "pourquoi on appelle à tout bloquer le 10 septembre".
Ce thread marque également le début d'un processus de structuration du mouvement. La publication se termine par un site web au nom du mouvement, fermé une semaine plus tard, d'après la journaliste Louise Bihan. Le site Wayback Machine permet toutefois de le consulter. Un autre site est créé le même jour, cette fois-ci sous le nom Indignonsnous.fr. On y trouve une carte de l'Hexagone qui répertorie tous les groupes Telegram par département, parfois même par ville, sur lesquels les sympathisants du mouvement organisent les assemblées générales.
La gauche s'invite dans le mouvement
Avec cette structuration, les revendications s'élargissent. Les #BayrouDémission présents régulièrement dans les tweets de juillet laissent la place aux #MacronDestitution. La cible n'est plus seulement le projet de budget du Premier ministre, les militants en veulent à la politique du président de la République. La classe politique s'en mêle, Jean-Luc Mélenchon dans un premier temps, le 30 juillet, avec un article de blog. Puis le leader de gauche radicale réitère aux universités d'été de La France insoumise le 22 août, appelant à la "grève générale". Le reste des partis de gauche lui emboîte le pas, apportant un soutien plus ou moins franc au mouvement dans les jours suivants. La deuxième prise de parole de Jean-Luc Mélenchon génère un pic dans le nombre de publications sur le mouvement : d'après les données de Visibrain, on comptabilise 38 049 tweets postés dans la journée du 22 août contre 22 854 la veille.
Ce virage à gauche du mouvement se fait également ressentir sur Twitter avec l'arrivée de comptes bien connus des mobilisations sociales. Avec 115 000 abonnés, @CerveauxNon fait partie des comptes militants marqués à gauche les plus suivis sur le réseau social et depuis plusieurs semaines les informations sur le 10 septembre y sont relayées quotidiennement. D'autres comme @realmarcel1 (172 000 abonnés), @PeupleRevolte (19 700 abonnés) ou @Glupatate (28 900 abonnés) créent du contenu, des montages vidéos, partagent des affiches, des discours politiques ou des lieux d'assemblée générale pour organiser le mouvement.
Les modes d'actions se dévoilent : boycott, blocage, désobéissance civile, rassemblements... Aucune porte n'est fermée sur les moyens de mobilisation. L'idée de ne pas payer en carte bancaire le 10 septembre est aussi toujours relayée. Mais l'idée de la désobéissance civile, des blocages ou des rassemblements font déchanter les premières sphères de participants au mouvement. Du côté des mouvances de droites, l'enthousiasme se fait plus discret. Bloquer physiquement, ne pas travailler une journée en semaine et se rassembler ne faisait pas partie des modalités de base. Sur Twitter certains comptes arborant un soutien au hashtag #NicolasQuiPaie se désolidarisent du mouvement et ne veulent plus y participer, à l'image du compte @EmmaDarles. "Je suis une Nicolas qui paie... Ce 10 septembre, je me révolterai à condition que ce mouvement ne soit pas affilié à la gauche et aux syndicats", écrivait cette internaute le 22 juillet. Un mois plus tard, le discours a changé : "Les #NicolasQuiPaie n'iront pas à cette manif. Comme toujours, la gauche s'approprie ce qui ne lui appartient pas."
Visibrain confirme cette tendance et explique que d'après les dernières données dont ils disposent "on peut constater le retrait du versant droit du mouvement, très minoritaire désormais". A une semaine de la date tant attendue, les assemblées générales pour définir les modes d'actions se poursuivent, mais sur X, les comptes militants s'avancent déjà en promettant une mobilisation "historique".
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