"Ça n'aura peut-être pas l'ampleur qu'on annonce" : face à l'appel à "tout bloquer" le 10 septembre, les partis politiques en plein casse-tête
Face à ce mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux, une partie de l'opposition a embrayé pour accentuer la pression sur François Bayrou et Emmanuel Macron. Mais la classe politique reste prudente, tant les mots d'ordre sont variés.
J-9 avant la journée de mobilisation du 10 septembre, née sur les réseaux sociaux cet été. Cet appel à "tout bloquer", porté par un mouvement hétéroclite, sans représentants, et dont le mot d'ordre a évolué au fil des semaines, décontenance les partis politiques. Sept ans après les premiers rassemblements des "gilets jaunes", certains états-majors à gauche appellent à soutenir ce mouvement. Mais les partis restent très prudents face à une contestation devenue d'autant plus imprévisible depuis que le Premier ministre, François Bayrou, a ajouté une inconnue à l'équation, en convoquant le lundi 8 septembre un vote de confiance à l'Assemblée nationale, qui pourrait entraîner la chute de son gouvernement.
Tout commence à la fin du printemps, sur des messageries et des réseaux sociaux comme Telegram, X et TikTok, où des mots d'ordre disparates émergent contre le gouvernement de François Bayrou, avec une date, celle du mercredi 10 septembre. Certains appellent à ne pas utiliser sa carte bancaire ce jour-là, à cesser le travail ou encore à boycotter les supermarchés. Après la présentation du plan budgétaire de François Bayrou le 15 juillet visant à réaliser 44 milliards d'euros d'économies et à supprimer deux jours fériés, le mouvement repart de plus belle en ligne et commence à attirer l'attention de quelques politiques.
Les Ecologistes et les insoumis, premiers à "soutenir" le mouvement
"Va-t-on vers une mobilisation populaire au mois de septembre ?", s'interroge le député du Rassemblement national Matthias Renault, sur ses réseaux sociaux, le 23 juillet. Saluant les revendications de deux mouvances, "Nicolas qui paie" et "Les Gueux", il se réjouit de leurs mots d'ordre "éloignés de l'extrême gauche" : "révolte fiscale, critique de l'Etat obèse, de l'immigration et de l'écologie punitive". "Au départ, j'ai vu des revendications sur X, dont certaines me semblaient intéressantes, un mouvement hors syndicat, non partisan, j'ai reçu ça avec une forme de bienveillance", se souvient l'élu de la Somme.
En parallèle, la gauche s'intéresse, elle aussi, à ces appels. "De nombreux insoumis participent" à la mobilisation, relève Jean-Luc Mélenchon sur son blog, le 30 juillet, se réjouissant que "la résignation ne prime plus". "Je me reconnais dans les motifs de cette action", ajoute le fondateur de La France insoumise, qui conserve alors ses distances : "Je n'en dirai pas davantage, par respect pour l'indépendance et l'autonomie de ce mouvement."
Il faut attendre le 11 août pour que les premiers parlementaires appellent publiquement à soutenir le mouvement. Quatre élus écologistes signent une tribune publiée sur le média de gauche Regards, pour "soutenir, amplifier et prolonger la mobilisation du 10 septembre" contre "la macronie" et pour faire de cette date "le début de la lutte" pour "une vie digne et heureuse". "C'est un mouvement certes spontané, certes en partie d'extrême droite, mais qui révèle une colère qu'on ne pouvait pas laisser à l'extrême droite", retrace la députée de Paris Sandrine Rousseau, signataire du texte.
"Il fallait que la gauche dise : 'Nous aussi, on appelle à se mobiliser.' Il fallait ouvrir la porte."
Sandrine Rousseau, députée écologiste de Parisà franceinfo
Quelques jours plus tard, La France insoumise franchit le pas. "Nous décidons de soutenir l'initiative populaire du 10 septembre et demandons à tous ceux qui partagent nos principes (…) de tout faire pour sa réussite", affirme Jean-Luc Mélenchon dans La Tribune dimanche, le 16 août. "Nous nous mettons au service de ce mouvement, qui exprime une colère légitime face au gouvernement de François Bayrou", justifie le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, sur franceinfo. Une façon pour LFI d'accentuer la pression sur le Premier ministre, qu'elle comptait renverser par une motion de censure fin septembre.
Les socialistes viennent "en appui", mais avec prudence
"Jean-Luc Mélenchon disait l'inverse fin juillet sur son blog. Mais ils ne sont pas à une contradiction près", siffle un socialiste pour qui "LFI a eu peur d'être prise de court, dépassée sur sa gauche". Au PS, la prudence domine à la mi-août. "On suit attentivement ce qui se passe sur les réseaux sociaux, les revendications sont regardées avec bienveillance quand il s'agit de justice fiscale et sociale", explique un cadre. Mais pas question d'appeler les militants socialistes à manifester le 10 septembre. "On est en appui du mouvement social, on ne cherche pas à se mettre devant", explique cette source.
En cette fin août, la question s'invite aux universités des partis de gauche, qui vont peu à peu embrayer sur La France insoumise. "Le 10 septembre, il y aura une mobilisation forte dont chacun mesure qu'elle peut être à la hauteur de l'exaspération et du rejet du pouvoir actuel. Elle peut être massive. Nous n'en connaissons pas complètement les contours. Ses revendications sont floues, mais nous devons l'accompagner", déclare Olivier Faure, patron du PS, aux Journées d'été des Ecologistes à Strasbourg.
La patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a, elle aussi, appelé à soutenir cette mobilisation et celles à venir des syndicats, estimant dans Libération que "l'avenir de notre pays se joue dans [les] mouvements d'ampleur annoncés à la rentrée". "C'est un mouvement qui se veut indépendant, il faut respecter cela", affirme de son côté le sénateur communiste Ian Brossat. "Il n'en reste pas moins que c'est une mobilisation contre le budget de Bayrou, auquel nous sommes totalement opposés. Cette convergence existe, donc il est logique d'apporter notre soutien", ajoute-t-il, tout en s'interrogeant sur "les formes" que prendra la mobilisation.
La droite et l'extrême droite se tiennent à l'écart
A mesure que la gauche embrassait le mouvement, l'extrême droite et la droite ont pris leurs distances. Le Rassemblement national, traditionnellement peu enclin à appeler à battre le pavé, avait discrètement soutenu les "gilets jaunes". Sept ans plus tard, le parti à la flamme reste prudent. "On ne nous a pas donné un mandat pour manifester dans la rue", balaie sur franceinfo l'eurodéputé Matthieu Valet. "La récupération par LFI a un effet repoussoir pour certains citoyens", note Matthias Renault. "Ça repousse une France qui a moins l'habitude de manifester que l'extrême gauche", regrette-t-il.
Quant à l'état-major des Républicains, s'il a relayé le ras-le-bol fiscal de "Nicolas qui paie", il lui est délicat de soutenir le mouvement, puisque des cadres de LR sont membres du gouvernement. "On ne peut pas s'associer à ceux qui pensent qu'il faut bloquer le pays, on est là pour le débloquer", défend le député des Hauts-de-Seine Jean-Didier Berger.
Le camp présidentiel se veut "vigilant"
Dans le socle commun, cible de cette contestation, nul ne sait comment appréhender la mobilisation à venir. "Il faut être vigilant, on ne peut pas se permettre une nouvelle séquence de type 'gilets jaunes', avec de la radicalisation et peut-être des violences", s'inquiète le député MoDem du Finistère Erwan Balanant. "Il y a une colère contre les mesures présentées par François Bayrou, mais les gens sont-ils prêts à bloquer le pays ? Je suis prudent, ça n'aura peut-être pas l'ampleur qu'on annonce aujourd'hui", espère un cadre macroniste.
"Je n'ai pas le sentiment que cela prenne vraiment. Les revendications sont très diverses, il ne faut pas surestimer la mobilisation", avance le député Ensemble pour la République (EPR) Daniel Labaronne, encore marqué par le souvenir des "gilets jaunes".
"On peut être désagréablement surpris le 10. Il faut qu'on soit vigilants, on ne doit pas mettre de l'huile sur le feu ni être dans le mépris, il faut être dans le dialogue."
Daniel Labaronne, député EPR d'Indre-et-Loireà franceinfo
"Ce qui est quasi sûr, c'est que le 8, on va se ramasser, mais pour le 10, ça ne sert à rien de crier avant d'avoir mal", lance un macroniste. En annonçant par surprise qu'il convoque un vote de confiance à l'Assemblée nationale deux jours avant la mobilisation, François Bayrou a ajouté au degré d'incertitude. "Je pense qu'il a fait ça pour torpiller le mouvement", souffle un parlementaire du socle commun.
La chute annoncée du gouvernement va-t-elle démobiliser les manifestants, ou au contraire doper la participation le 10 septembre ? "On a un Premier ministre qui va tomber le 8 septembre, à quoi sert un mouvement 'Bloquons tout' ? Le but ce n'est pas le chaos", s'interroge l'eurodéputé Place publique Raphaël Glucksmann, sur France 2. "Le 8 Bayrou part, le 10 on bloque Macron", répond sur X Jean-Luc Mélenchon, pour qui la chute du gouvernement permettra d'accentuer la pression sur le chef de l'Etat. Tous les partis scruteront avec attention l'ampleur de la mobilisation sur tout le territoire. Il s'agira d'un premier test social, avant l'appel à la grève lancé par l'intersyndicale pour le 18 septembre, dans une rentrée déjà explosive.
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