Mobilité militaire en Europe, le vrai parcours du combattant

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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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L'Europe pourrait-elle faire front commun en cas de conflit avec la Russie ? Rien d'évident, pour de simples raisons logistiques. Taille des rails ou des ponts, poids des chars... Un récent rapport de la Cour des comptes européenne épingle les moyens insuffisants et la gouvernance de l’UE en matière de mobilité militaire.

2022. Après l’attaque de l’Ukraine par la Russie, la France bombe le torse et envoie des troupes en Roumanie.Les journalistes sont invités pour filmer le fleuron de l’armée française, le char Leclerc. Une démonstration de force pour prouver la capacité de la France à se déployer rapidement face à la menace russe. Mais derrière l'optimisme affiché par le commandement militaire, la réalité est plus complexe : l’administration allemande a refusé le transit du convoi français par la route. Le char Leclerc pèse 56 tonnes, le porte char 37 tonnes. Trop lourds pour Berlin. Les chars devront finalement faire le voyage en train. 

Mobilité militaire en Europe, le vrai parcours du combattant (516e régiment du Train)
Mobilité militaire en Europe, le vrai parcours du combattant (516e régiment du Train)

Un imbroglio administratif

Cet événement a été révélé un an plus tard, en novembre 2023, dans le huis clos d’une audition parlementaire. Thierry Poulette, commandant du Centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA) témoigne : "L'Allemagne a refusé l'autorisation de passage des portes chars français, évoquant une réglementation européenne et un poids à l'essieu trop important."

Ces difficultés, les Français ne sont pas les seuls à les connaître. Tous les pays européens y sont confrontés depuis plusieurs années. Dès 2017, l’OTAN s’en alarmait : les chars américains débarquent dans le port allemand de Bremerhaven au nord de l'Allemagne pour se déployer ensuite dans les pays baltes. Mais l'opération accuse un sérieux retard. 

Mobilité militaire en Europe, le vrai parcours du combattant (L'Oeil du 20H)
Mobilité militaire en Europe, le vrai parcours du combattant (L'Oeil du 20H)

Un rapport de la Cour des comptes européenne édifiant 

La Cour des comptes de la commission européenne, dans un rapport publié le 6 février dernier, révélait qu'il faut "une notification 45 jours à l'avance pour autoriser les mouvements transfrontières", et que des pays refusent même le transit de matériel lourd. De la solidité des ponts à l’écart des rails entre pays, les infrastructures ne sont pas toujours adaptées. "Du matériel militaire lourd d'un État membre de l'UE n'a pas pu être acheminé vers une base militaire d'un autre État membre, car un pont à franchir ne pouvait supporter que des véhicules légers. Finalement, un grand détour s'est avéré nécessaire."

Des "failles béantes" de notre mobilité militaire tentent d'être comblées. Il y a cinq ans, l’Europe avait pourtant promis de gros investissements. Mais face aux 240 milliards d'euros de dépenses de défense des États membres en 2022, l'Europe n'a débloqué que 1,69 milliard entre 2021 et 2027. 

Le financement de la mobilité militaire a été quasiment sacrifié

Yann Boivin, ancien officier de l’armée de terre

A L'Œil du 20H

"Le service européen d’action extérieure recommandait d’allouer 6,3 milliards d’euros à un Schengen militaire pour permettre le transit des forces alliées en Europe. Cette somme n’a pas été allouée. Le financement a été quasiment sacrifié", déplore Yann Boivin, ancien officier de l’armée de terre, animateur du blog Blablachars.

Comme lui, de nombreux experts suggèrent que l'UE exploite le potentiel des fonds qu’elle consacre actuellement au transport civil pour éliminer les goulets d’étranglement en matière de mobilité militaire.

PARMI NOS SOURCES

Rapport spécial 04/2025 : La mobilité militaire de l’Union – Les défauts de conception et les obstacles rencontrés ralentissent la progression

En 2017, un rapport de l’Otan avait prévenu que l’envoi éventuel de renforts dans l’est de l’Europe pourrait être compromis à cause de difficultés pour ses troupes à passer d’un pays européen à un autre. 

Le 6 mars 2025, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a publié ses propositions pour augmenter les capacités de défense de l'Union européenne (UE). Un plan de 800 milliards d'euros pour "réarmer l'Europe"

Outgoing US Army Europe commander pushes for ‘Military Schengen Zone’

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