Témoignages "Pas drôle ni extrêmement bien fait" : les campagnes de prévention contre les dangers du protoxyde d'azote ne convainquent pas les jeunes

Une étude publiée dans une revue scientifique française indique que les campagnes de prévention contre la consommation du gaz hilarant n'atteignent pas leur cible, les 15-25 ans.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Bonbonne de protoxyde d'azote, à Montbéliard, en novembre 2022. (LIONEL VADAM  / MAXPPP)
Bonbonne de protoxyde d'azote, à Montbéliard, en novembre 2022. (LIONEL VADAM / MAXPPP)

"Il n'y a rien de drôle avec le protoxyde d'azote", "le proto, c'est trop risqué d'en rire", "mort de rire ? Le gaz hilarant, pas si drôle que ça". Vous avez peut-être déjà croisé des affiches avec ces slogans, ceux de plusieurs campagnes de prévention contre les dangers de la consommation du protoxyde d'azote, menées ces dernières années par diverses autorités de santé.

Ces messages à destination des 15-25 ans, les plus susceptibles de consommer des ballons de protoxyde d'azote, tombent souvent à plat. C'est le résultat d'une étude, parue vendredi 4 avril, dans une revue scientifique française.

Présentez à de jeunes adultes de 20 à 22 ans une affiche de campagne de prévention contre le protoxyde d'azote, connu aussi sous le nom de gaz hilarant : ils en rient, mais d'un rire plutôt moqueur. "Ce n’est quand même pas drôle ni extrêmement bien fait", commente l'un d'eux. "Moi, ça ne me prévient pas d'en prendre ou pas", ajoute un autre.

"Ça peut atteindre le cerveau, paralyser etc."

Un quart des 18-25 ans a déjà essayé d'inhaler un ballon de protoxyde d'azote, en soirée, dans un contexte festif notamment. Les risques associés à cette consommation, ils les connaissent donc déjà : "C'est assez clair. On inhale quelque chose qui n'est pas naturel, c'est un gaz, ça peut atteindre le cerveau, paralyser etc." 

"Tout le monde est conscient des risques mais le plaisir que ça donne, sur un court instant, ça supplante un peu cette idée."

Nicolas

à franceinfo

Nous soumettons aussi à Nicolas, Clarisse, Antoine et Lorenzo une campagne de l'Agence Régionale d'Ile-de-France, sous forme de faux vocaux. "Genre milieu de soirée, Sof commence à taper des ballons de proto, t'sais le gaz hilarant là et genre, elle explose de rire... Et là, elle n'arrive plus à respirer, elle s'écroule sur le canap..."

Une campagne de l'ARS Ile-de-France, sous forme de messages vocaux. (CAPTURE D'ECRAN / PARLONS PROTO)
Une campagne de l'ARS Ile-de-France, sous forme de messages vocaux. (CAPTURE D'ECRAN / PARLONS PROTO)

Là encore : "Le dialogue est un peu caricatural, c'est un peu exagéré", estime Clarisse. "C'est très forcé, on singe le langage des jeunes...", ajoute un de ses camarades. "Cette campagne de pub, pour moi, elle n'est pas vraiment adressée aux gens concernés", complète un autre. "Ça ne me parle pas particulièrement", abonde le troisième.

C'est tout le problème, constate Yohan Gicquel : "C'est une campagne pensée par des adultes, on ne parle pas au public concerné." Il est chercheur en marketing social à l'université Paris-Saclay et vient de publier son travail dans la revue scientifique Décisions Marketing : "Ils disent : 'Nous, on les connaît les risques. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'on est dans ce type de consommation, c'est parce que ça nous amuse de frôler la limite, le danger, de pouvoir s'éprouver vivants.' Ce type de message paternaliste ne fonctionne pas puisque c'est tout ce que rejette la culture jeune."

"Mettre en avant la capacité de tempérance des jeunes"

Pour un message de prévention efficace, il faudrait prendre exemple sur la campagne contre l'alcool, avec Sam dont le slogan était : "Sam, celui qui conduit c'est celui qui ne boit pas." D'après Yohan Gicquel, "cette campagne mettait en avant la capacité de tempérance des jeunes. Leur capacité, d'une part, à prendre soin de soi, mais aussi, à prendre soin des autres, et à faire qu'on ne dépasse jamais la limite."

"On joue avec la limite mais le but du jeu, c'est de ne surtout pas la dépasser parce que, sinon, on gâche la fête."

Yohan Gicquel, chercheur en marketing social

à franceinfo

Pour les prochaines campagnes de prévention, ce chercheur invite les publicitaires et autorités de santé à inclure, à consulter des jeunes consommateurs de protoxyde d'azote, pour qu'ensemble, ils s'approprient les codes de ce qu'il appelle la "culture jeune".

L'échec des campagnes contre le protoxyde d'azote : reportage de Solenne Le Hen

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.