Le rugbyman Sébastien Chabal révèle son amnésie : "Tous les sports sont à risque, même le surf", réagit le neurologue Jean-François Chermann

"Il ne faut pas stigmatiser un sport", estime le neurologue spécialisé dans les commotions cérébrales et référent pour les clubs de rugby, invité jeudi dans franceinfo soir.

Article rédigé par franceinfo
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Le protocole commotion déclenché pour le rugbyman Antoine Dupont, pendant un match entre la France et la Namibie, le 25 septembre 2023 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)
Le protocole commotion déclenché pour le rugbyman Antoine Dupont, pendant un match entre la France et la Namibie, le 25 septembre 2023 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)

Quelques heures après la confession de Sébastien Chabal sur son amnésie presque totale en ce qui concerne sa carrière de rugby, dans un épisode du podcast Legend (sur YouTube) mis en ligne mercredi 9 avril, Jean-François Chermann, neurologue spécialisé dans les commotions cérébrales et référent pour les clubs de rugby, a assuré jeudi dans franceinfo soir que "tous les sports sont à risque, même le surf !"

franceinfo : Nous n'allons pas commenter la santé de Sébastien Chabal, mais vous avez souvent ces types de témoignages ?

Jean-François Chermann : J'ai suivi plus de 4 000 commotionnés du sport, même s'il y a une prédominance du rugby puisqu'on a fait un gros travail avec le rugby pour recenser les commotions et bien les encadrer. Ce qu'on voit classiquement en matière de commotions, c'est le syndrome de l'automate. C'est-à-dire que sur le terrain, que ce soit du rugby, du foot, du hockey, on prend un impact et on ne se rappelle plus d'où l'on vient, ce que l'on fait. Et on peut avoir une amnésie, une perte de mémoire. Et puis ce qu'on peut également observer, dans un second temps, ce sont les conséquences des commotions. Il peut y avoir des troubles de l'attention, de la concentration. 
 
Qu'est-ce qu'il se passe dans la boîte crânienne au moment d'un choc ?
 
Sur la commotion on a l'impression que plus on en apprend, moins on en sait. Il faut être philosophe là-dessus, il faut reconnaître qu'on a encore énormément de choses à apprendre. La commotion est très protéiforme. Il y a des commotions qui se traduisent par des pertes de connaissance, d'autres par des troubles visuels, par des sensations vertigineuses, etc. C'est assez extraordinaire, c'est un phénomène pour lequel on a encore besoin de beaucoup de temps pour comprendre pourquoi chez certains ça se passe comme ça et chez un autre ça se passe comme autrement. Certains ont eu 20 commotions et récupèrent bien et d'autres après une seule commotion récupèrent très mal. Il y a une grande disparité chez les gens.  
 
La réalité, c'est que malgré tout certains joueurs s'abîment la santé...
 
Il y a énormément de choses qui ont été faites, dans de nombreux sports. L'un des éléments fondamentaux, c'est qu'aujourd'hui les joueurs sortent quand ils font une commotion alors qu'avant il y avait 50% des sportifs qui ne sortaient pas au rugby, par exemple.  
 
Comment fait-on pour repérer ces commotions ?  
 
On a voté pour qu'il y ait un médecin de match pour n'importe quel match professionnel de haut niveau, qu'il soit international, de Top 14 ou de Pro D2, vous vous rendez compte, c'est extraordinaire ! Ce médecin avertit l'arbitre, il dit : "il s'est passé quelque chose, je veux examiner ce joueur qui vient de prendre un impact". Il y a bien entendu des choses à améliorer mais je peux vous dire qu'entre 2005 et maintenant, c'est vraiment le jour et la nuit !
 
Est-ce que c'est possible de faire du rugby à haut niveau sans se blesser ?  
 
Le vrai débat aujourd'hui, c'est de savoir aujourd'hui si ce sont les commotions ou les sub-commotions qui peuvent être responsables d'anomalies dans le cerveau et qui peuvent générer des maladies neurodégénératives. Dans le football, par exemple, il y a eu trois études extraordinaires qui ont permis de montrer que les joueurs avaient moins de maladies cardiovasculaires mais dans certains cas plus de maladies neurodégénératives.

"On a appris dans une étude suédoise que les gardiens étaient indemnes, donc ce sont probablement les têtes qui sont répétées des milliers de fois dans une carrière qui peuvent être dommageables."

Jean-François Chermann, neurologue

dans franceinfo soir

Mais à ce compte-là, ça veut dire qu'il ne faut plus faire de handball, de football, de rugby. Je pense qu'il ne faut pas stigmatiser un sport. Dans chaque sport il peut y avoir des bienfaits et il peut aussi y avoir des problèmes. Il y a des gens qui sont plus susceptibles de faire des commotions. Et c'est là que la prévention secondaire est très importante. Il faut sortir du terrain et il faut faire les tests et ce n'est que quand je vais parfaitement bien que je reviens. C'est toute la problématique des commotionnés qui ne veulent jamais sortir. 
 
Est-ce que ces messages passent dans le monde du sport ?  
 
Oui, en rugby aujourd'hui les joueurs sont obligés de sortir. On est en train de mettre en place les protège-dents connectés. Ce sont plein de choses mises bout à bout qui peuvent être intéressantes. Il y a le carton bleu pour le rugby par exemple, qui devrait être élargi à tous les sports, selon moi.  
 
Qu'est-ce que le carton bleu ?  
 
99% des pratiquants de sport sont amateurs, on ne peut pas mettre évidemment des médecins sur tous les bords de terrains de tous les sports. Mais l'arbitre est suffisamment apte à juger quand il y a quelque chose de bizarre qui se passe. Il met un carton bleu et selon l'âge, le joueur ne pourra pas revenir sur les terrains avant un certain délai et devra voir un médecin. Il faut l'élargir à tous les sports, parce que tous les sports ont un risque de commotions. Il faut absolument comprendre que le problème des commotions, ça touche tous les sports, même le surf !

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