Dr Raphaël Pitti : "En parquant les migrants, nous créons de la violence !"
Le Dr Raphaël Pitti, médecin humanitaire, renonce à son grade d’officier de la Légion d’honneur pour protester contre la politique migratoire du gouvernement.
Spécialiste de la médecine de guerre et en charge des urgences sanitaires et sociales à la mairie de Metz, le Dr Raphaël Pitti a été fait officier de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron en juillet dernier. Une promotion venue récompenser son travail humanitaire en France, en Syrie, où il se rend fréquemment pour former du personnel médical, en ex-Yougoslavie, en Afrique, aux Comores, ou au Bangladesh. Mais aujourd’hui, celui qui avait soutenu le candidat Macron rend son insigne. Il explique les raisons de son geste à Allodocteurs.fr.
- Rendre votre insigne, c’est une façon de protester contre la politique migratoire du gouvernement ?
Dr Raphaël Pitti, médecin humanitaire : Oui. Il y a une contradiction entre le discours et les actes. A la mi-décembre était publiée la circulaire Collomb, une circulaire particulièrement répressive sur les migrants [elle stipule que des "équipes mobiles" seront envoyées dans les centres d'hébergement d'urgence pour recenser les étrangers, NDLR] alors que le discours du Président Macron était, lui, profondément humaniste. Nous avons besoin d’une véritable politique d’accueil et d’intégration des réfugiés. Nous sommes actuellement dans une situation de crise, et nous y apportons une réponse de crise. Mais cela a commencé en 2013, et on devrait, aujourd’hui, savoir quoi faire pour y remédier.
Je suis également sidéré d’entendre un discours selon lequel il y aurait de "bons" et de "mauvais" migrants, comme les personnes venant du Soudan, par exemple. L’humanitaire ne se marchande pas.
- Quelle est la situation dans votre ville, à Metz ?
Dr Raphaël Pitti, médecin humanitaire : Il y avait un camp de réfugiés qui a été démantelé et qui comptait environ 800 personnes [il a été évacué le 15 novembre, NDLR]. Médecins du Monde (MDM) s’y rendait deux fois par semaine et y faisait des consultations. A l’heure actuelle, les permanences d'accès aux soins de santé (PASS) devraient prendre en charge l’ensemble des consulations de ces réfugiés. Néanmoins, en 2017, elles n'en ont effectué que 1800, soit le même nombre que MDM ! Ce qui signifie que les PASS auraient dû prendre en charge, en tant que service public, 3600 consultations. Ce n’est pas la vocation de MDM, qui pourrait être déployé sur des zones de conflit ! Le service public ne remplit pas sa mission.
- Quelles sont les pathologies dont souffrent les réfugiés sur place ?
Dr Raphaël Pitti, médecin humanitaire : Elles sont d’abord d’ordre psychologique. On confine ces gens dans un parking, et il y a de gros problèmes de promiscuité, ce qui provoque beaucoup de violence. Des familles, avec femmes et enfants, côtoient des hommes seuls. Par ailleurs, la plupart des personnes forcées de cohabiter viennent de différentes zones des Balkans, comme l’Albanie et le Kosovo, ce qui entraîne des tensions et du rejet. Et c’est le groupe le plus important qui prend l’aval. En parquant ces gens, nous créons de la violence ! Cette violence se retourne ensuite contre eux : on se dit qu’ils sont sauvages et qu’ils ne méritent pas d’être aidés.
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Leurs pathologies sont ensuite d’ordre physique. On compte des cas de staphylocoques, de gales et de tuberculoses. La plupart de ces réfugiés viennent en France pour se faire soigner. Il y a également des femmes enceintes qui nécessitent une prise en charge. Et il est difficile de vacciner ces personnes, car on a du mal à trouver assez de médecins disponibles. Cela pose de graves problèmes pour les enfants.
- Que peut faire l’Etat pour régler cette situation ?
Dr Raphaël Pitti, médecin humanitaire : Il faut déjà comprendre que non, aider les réfugiés ne va pas créer un appel d’air. Ce qu’il faut faire, c’est leur garantir des conditions de vie acceptables. On ne va pas les loger dans un trois étoiles ! Je pense que le gouvernement va essayer de mettre en place des lois spécifiques, mais tout ça restera purement politique. Les mesures à adopter ne doivent pas être prises à l’échelle d’un parti, mais devenir une cause nationale.
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