Déconfinement : les écoles pourront-elles vraiment accueillir tous les élèves volontaires en juin ?
"Toutes les familles qui le souhaitent doivent pouvoir scolariser leurs enfants au moins sur une partie de la semaine", a affirmé Jean-Michel Blanquer, jeudi. Prenant ainsi de court de nombreux enseignants qui s'interrogent sur la faisabilité des annonces du ministre.
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"Le téléphone n'arrête pas de sonner." Au lendemain des annonces du gouvernement sur la deuxième phase du déconfinement, Jeanne*, directrice d'une école maternelle à Paris, est en surchauffe. Jeudi 28 mai, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a annoncé que "toutes les familles qui le souhaitent doivent pouvoir scolariser leurs enfants, au moins sur une partie de la semaine", à compter du 2 juin. Vendredi matin, sur franceinfo, il a confirmé que "l'objectif est d'avoir au moins des rotations et de permettre aux élèves d'être dans une sorte de mi-temps à l'école".
Suivie par des millions de téléspectateurs, la déclaration n'a pas tardé à faire réagir. "Dès 8h50, j'avais les représentants des parents au téléphone, raconte Jeanne, au lendemain de l'allocution. Depuis le début de la semaine, j'avais déjà une tonne de mails de parents réclamant qu'on reprenne leurs enfants. Cela va empirer. Je me retrouve dans une situation pire qu'inconfortable."
En raison des contraintes du protocole sanitaire, qui impose des groupes réduits dans chaque classe, cette directrice accueille une quarantaine d'élèves, soit trois fois moins qu'en temps normal. La plupart sont des enfants de professionnels considérés indispensables en temps de crise, comme les soignants, qu'elle ne peut refuser. Les autres sont accueillis du fait de leurs difficultés scolaires ou familiales. "Vais-je devoir rogner sur ces enfants fragiles pour mettre en place un roulement ?", s'interroge Jeanne.
Un dispositif qui laisse des enseignants perplexe
Une chose est certaine : les règles sanitaires continueront de s'appliquer de manière stricte jusqu'aux vacances de juillet. En juin, pour renforcer l'offre, le ministère compte plutôt sur le retour dans les écoles de certains enseignants et personnels municipaux restés chez eux. Les mairies sont aussi priées de rouvrir les établissements encore fermés.
Mais, pour Jean-Michel Blanquer, l'augmentation du nombre d'enfants accueillis passe surtout par la multiplication des activités en dehors des salles de classe. "Nous développerons particulièrement au mois de juin le programme 'sport, santé, culture, civisme'" (2S2C), a-t-il promis, jeudi. L'idée est de s'appuyer sur du personnel municipal et associatif en investissant de nouveaux lieux : l'accueil des élèves ne dépendra ainsi plus seulement des enseignants disponibles et des locaux scolaires habituels.
Lancé depuis quelques semaines en partenariat avec des mairies, le dispositif "2S2C" n'a pas décollé et ne concerne pour le moment qu'une centaine de communes, reconnaît le ministère. "Dans cette deuxième phase du déconfinement, on pourra accélérer et occuper le plus d'espaces possibles, en allant dans les parcs et jardins, les musées, les conservatoires, les clubs de sport ou les bibliothèques", précise-t-on.
"La seule solution est effectivement de proposer des activités parallèles, abonde Francette Popineau, enseignante à Poitiers et secrétaire générale du Snuipp-FSU, le premier syndicat du primaire. Mais les 2S2C n'ont aucune réalité pour l'instant. Les mairies ne vont pas trouver par magie, sous le sabot d'un cheval, à la fois une salle, un animateur et du personnel de désinfection."
Le ministre n'aurait jamais dû annoncer un accueil garanti aux parents sans avoir mis en place les dispositifs adaptés.
Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSUà franceinfo
Anticipant les critiques, Jean-Michel Blanquer a reconnu, jeudi, que la mise en place du dispositif serait "progressive" et que "tout ne serait pas parfait du jour au lendemain". Dans cet entre-deux tours des municipales, "les communes n'ont que très peu de temps pour mettre en place ce dispositif, qui va rester très aléatoire", prévient Agnès Le Brun, porte-parole de l'Association des maires de France.
Vers une priorité aux enfants en difficulté
En attendant de nouvelles options, les directeurs sont sous pression. "On se retrouve en porte-à-faux vis-à-vis des familles, se désole Jeanne. Il est honteux d'avoir mis des idées fausses dans la tête des parents, qui ne comprennent pas qu'on ne puisse pas reprendre tout le monde alors que le ministre l'a annoncé."
A la tête d'une école dans un quartier défavorisé de la capitale, Killian* juge lui "possible" de reprendre chaque élève "un jour par semaine", mais "au détriment du pédagogique" : "On a des CP qui ne savent même plus lire, qui ont désappris", raconte-t-il.
On a fait le choix de rescolariser ces CP en priorité en mai. Et maintenant, il faudrait leur dire qu'on doit faire tourner et qu'on ne pourra les reprendre que trois fois dans le mois ?
Killian*, directeur d'écoleà franceinfo
Dans son discours, Jean-Michel Blanquer a pourtant qualifié de "priorité sociale" et "éducative" le fait d'"aller chercher les élèves qui en ont le plus besoin". "La priorité sociale reste une priorité, confirme le ministère. L'idée est plutôt, à mesure que les soignants ou les forces de l'ordre retrouvent un rythme plus normal, d'avoir moins de professions prioritaires et de se concentrer sur les enfants les plus en difficulté."
En fin de compte, reste à savoir combien de familles se porteront volontaires. Une partie du problème sera peut-être résolue par les espoirs douchés de certains parents qui souhaitaient reprendre le travail. "Ils tombent des nues quand je leur explique que ce ne sera pas plus qu'un accueil à mi-temps, rapporte Killian. Ils n'en veulent pas et me demandent une attestation de non-accueil pour bénéficier du chômage partiel. Je fais beaucoup d'attestations en ce moment."
* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat des enseignants, soumis à un devoir de réserve.
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