Covid-19 : les psychiatres s'attendent à être "encore plus sollicités, débordés" dans les mois à venir, alerte l'un d'entre eux
Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor de Créteil, s'inquiète notamment de l'impact de l'épidémie sur la santé mentale des enfants et adolescents. "Il y en a beaucoup qui craquent", observe-t-il.
Une personne sur trois qui a surmonté le Covid-19 a eu un diagnostic de troubles neurologiques ou psychiatriques dans les six mois suivant l'infection, selon une étude parue mercredi 7 avril dans le journal spécialisé The Lancet Psychiatry. Il s'agit de la plus grosse étude à ce jour portant sur le bilan mental d'anciens malades du Covid.
Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor de Créteil, professeur de médecine à l’université Paris-Est-Créteil est inquiet : "On redoute beaucoup d'être encore plus sollicités, plus débordés qu'on ne l'est actuellement", se soucie-t-il sur franceinfo. Selon le co-président du collectif inter-hôpitaux, "beaucoup de personnes ne consultent pas".
franceinfo : Les résultats de cette étude vous surprennent-ils ?
Antoine Pelissolo : Non, pas vraiment de surprise. Depuis maintenant un an, on voit beaucoup de personnes qui ont traversé l'infection avec des formes plus ou moins graves, mais qui ont des symptômes psychologiques et neurologiques. Là on a des données assez précises. C'est à peu près un tiers des personnes ayant été contaminées par le coronavirus, sachant que ce n'est qu'une estimation. Il y a aussi beaucoup de gens qui, peut-être, n'ont pas été repérés. Là, on n'a accès qu'aux diagnostics qui ont été portés par des médecins. Certaines personnes ne consultent pas. Donc, on craint que ce soit un petit peu plus.
De quels troubles parle-t-on ?
C'est vraiment très varié. Pour ce qui est de la psychiatrie, le plus fréquent, ce sont des troubles anxieux, des formes pathologiques d'anxiété, mais aussi des troubles dépressifs. Et il y a aussi un nombre moins élevé de troubles psychotiques, c'est-à-dire des maladies psychiatriques qui sont encore plus sévères. Et il y a également des addictions et des troubles du sommeil. Selon cette étude, une personne sur trois a des troubles au cours des six mois suivants et une personne sur huit a ces troubles sans avoir eu d'antécédents préalables au coronavirus. Donc ce sont des troubles nouveaux. On peut faire le lien, même s'il faut toujours se méfier du lien de cause à effet. Et il peut y avoir deux explications qui se rejoignent. Il y a l'explication biologique. On sait que le virus a un certain effet sur le cerveau. Donc des maladies neurologiques peuvent apparaître, mais aussi des troubles psychiatriques liées à l'inflammation et au système immunitaire qui se dérègle un petit peu dans le cerveau. Et puis il y a le contrecoup psychologique.
Après une maladie qui est parfois grave - on a peur de ses conséquences, parfois peur de mourir - le choc psychologique joue un rôle.
Antoine Pelissoloà franceinfo
Mais les deux aspects sont très liés l'un à l'autre, la biologie et la psychologie. Ce que l'on craint aussi, c'est qu'il y ait d'autres facteurs que la maladie elle-même. Il y a aussi la crise sociale et la crise économique qui ont déjà démarré, mais qui risquent de s'accentuer. Et on sait très bien que la santé mentale est très sensible à toutes les conditions de vie difficiles, notamment à la crise économique. On redoute beaucoup d'être encore plus sollicités, plus débordés qu'on ne l'est actuellement.
Qu'est-ce qui doit alerter les patients ?
Même quand c'est sévère, beaucoup de personnes ne l'identifient pas vraiment. Quand on est un peu perdu, on a du mal à dire qu'on ne va pas bien. Et on a du mal à avouer et à consulter, parce que malheureusement, les soins psychiques sont encore un tout petit peu difficiles d'accès et un peu stigmatisants. Dès qu'on sent qu'on n'est pas comme d'habitude - qu'on a trop d'angoisses qui surviennent tous les jours, qui sont un petit peu envahissantes, qu'on a perdu le goût des choses, l'intérêt et la motivation ou qu'on a tendance à se désespérer tout le temps - il faut s'alerter et ne pas trop tarder. On a des choses à proposer lors de consultations pour aller mieux. Donc, on a tout à gagner au moins à en parler à son médecin. Sinon, il y a des risques que cela se pérennise avec des complications, des problèmes d'addiction qui peuvent survenir, la désinsertion sociale qui peut s'accentuer.
Faut-il plus faire attention aux enfants, aux adolescents ?
Oui. C'est ceux qu'on voit le plus aujourd'hui. Beaucoup d'adultes prennent sur eux et arrivent à tenir. Mais les enfants, il y en a beaucoup qui craquent. On a augmenté le nombre de consultations aux urgences. Donc, il faut être vigilant puisque, là aussi, il y a des choses à faire. Il faut parler. C'est beaucoup par des échanges qu'on peut repérer ceux qui vont moins bien et ne pas hésiter à leur dire que c'est normal, dans la période actuelle, de se poser des questions et d'avoir besoin d'être aidé. Cela n'a rien de honteux. Je crois que cela reste une démarche à promouvoir au maximum.
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