Crise des urgences : une étude du ministère de la Santé pointe des temps d'attente de plus en plus longs

Pour la moitié des patients, plus de trois heures s'écoulent entre l'enregistrement à l'accueil et la sortie. Cela représente 45 minutes de plus qu'il y a dix ans, d'après la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.

Article rédigé par franceinfo
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Le service des urgences de Nice, dans les Alpes-Maritimes, le 31 décembre 2024. (ROLAND MACRI / AFP)
Le service des urgences de Nice, dans les Alpes-Maritimes, le 31 décembre 2024. (ROLAND MACRI / AFP)

Davantage de patients et davantage d'attente... Aller aux urgences riment souvent avec patience et cette tendance est confirmée par une nouvelle enquête du service statistique du ministère de la Santé (Drees) et publiée mercredi 19 mars. Cet instantané de la situation hospitalière a été réalisé durant une période de 24 heures, le mardi 13 juin 2023, auprès de 58 500 patients accueillis dans les 719 centres d'urgences générales et pédiatriques de France. L'idée étant de choisir une date représentative de l'activité, tout en évitant les périodes de forte affluence.

Le constat de l'enquête du ministère de la Santé est sans appel. Pour la moitié des personnes prises en charge, plus de trois heures se sont écoulées entre le moment de l'enregistrement administratif et la sortie effective du service. Cette durée médiane a augmenté de 45 minutes en dix ans. Et un quart des patients y a passé plus de 5h30 (contre 4h15 en 2013). Quelque 15% des patients ont même passé plus de huit heures aux urgences (contre 9% en 2013).

L'augmentation est observée quel que soit le parcours du patient, même s'il existe d'évidentes disparités. La durée médiane est de 2h30 pour les patients qui rentrent chez eux après leur passage aux urgences. Elle est de 5h20 pour ceux qui sont hospitalisés dans un autre service sans passer par une unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD). Enfin, la durée médiane de passage est désormais de 14h50 pour les patients qui sont passés par une UHCD sans être hospitalisés dans un autre service par la suite.

La durée du passage aux urgences augmente avec la taille de la structure, poursuit également la Drees dans son étude. La médiane est de deux heures pour les services qui reçoivent 40 patients par jour, contre 3h50 dans ceux qui enregistrent 120 passages ou plus. L'âge joue également un rôle, puisque 36% des patients de plus de 75 ans (contre 24% en 2013) passent plus de huit heures aux urgences, notamment car ils subissent davantage d'examens médicaux et de séjours en UHCD.

"Plus des trois quarts des personnes passées aux urgences rentrent à domicile à l'issue de leur passage, tout comme dix ans auparavant", relève les auteurs de l'étude. De plus, 4% des patients partent sans attendre, parfois contre avis médical, et 3% ont été réorientés vers une autre offre de soin. Les décès aux urgences sont rares (0,1%). Concernant les motifs de consultation, la traumatologie est largement en tête avec un tiers des passages, devant la gastro-entérologie (10%) et les pathologies cardio-vasculaires (10%).

La moitié des personnes répondent qu'elles ont été adressées directement par un médecin ou transportées par un véhicule de secours. Mais le recul du nombre de médecins généralistes a également des conséquences sur les urgences : 21% des patients mentionnent un problème pour obtenir un rendez-vous médical par ailleurs (contre 14% en 2013).

Une situation chronique, malgré les promesses

Les 694 services d'urgences ont enregistré 20,9 millions de passages en 2022, un chiffre en hausse constante depuis 1996 (hors Covid-19), soulignait la Cour des comptes en novembre dernier. Cela représentait près de 14 millions de personnes différentes – soit un cinquième de la population française. Le rapport évoquait une "dégradation du service rendu" ces dernières années, dont un "allongement de la durée moyenne" des passages, facteur de surmortalité. Le président du Samu Urgences de France dénonçait alors la fermeture de 43 000 lits en dix ans, évoquant un phénomène de "patients couloirs" et une forme de "maltraitance".

A l'été dernier, lors de la publication des premiers résultats de l'enquête, la Drees soulignait le "manque récurrent de personnel par rapport à l'afflux des patients". Le service ministériel observait que 8% des points d'accueil d'urgences avaient dû fermer au moins une fois entre mi-mars et mi-juin 2023 et que 23% avaient mis en place un accès régulé au service. Il y a près de deux ans, lors d'une allocution télévisée, Emmanuel Macron avait pourtant promis de désengorger les urgences d'ici fin 2024. Un pari manqué : ces unités sont toujours frappées de pénuries de personnel et saturées de malades.

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