Loi Evin : le lobby de l'alcool a gagné
Les nombreuses tentatives parlementaires pour assouplir la loi Evin ont porté leurs fruits… Les députés ont voté le 10 juin l'assouplissement de la limitation de la publicité pour l'alcool. Les journalistes ou encore les écrivains pourront bientôt évoquer en toute liberté des alcools, à "titre informatif", sans pour autant être poursuivis.
Alors que la ministre de la Santé s'était déclarée "inquiète" de voir affaiblie la loi limitant la publicité pour l'alcool, les députés ont tout de même modifié, le 10 juin, la loi Evin. Sur le papier, cette amendement proposé par Gerard César (Les Républicains), proche des lobbies vinicoles, prévoit de distinguer clairement la notion de publicité et d'information concernant l'alcool. Mais en réalité, pour les opposants au texte, il s'agirait de libéraliser la publicité pour les boissons alcoolisées.
Le projet, inclus dans la loi Macron, revient ainsi sur la loi Evin, votée en 1991. Il y a deux mois, la même tentative avait été faite via un amendement parlementaire au projet de loi Santé. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, tout comme le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, avaient pourtant appelé le 8 juin les députés à "ne pas changer la loi" Evin encadrant la publicité pour l'alcool. "La loi Macron ne peut pas servir à détricoter les politiques de santé publique" avait alors déclaré Marisol Touraine.
L'objectif des partisans du texte est de pouvoir permettre aux journalistes, au cinéma ou à la culture, d'évoquer l'alcool, sans pour autant être taxés de publicitaires. La presse pourrait donc ainsi parler d'un domaine ou d'un terroir viticole en toute liberté et à titre purement informatif. Pour autant, les journalistes étaient-ils réellement muselés par la loi Evin ? Par vraiment si l'on en croit le nombre de recours devant la justice contre des groupes de presse. Selon Francetv info, seuls trois précédents existent en la matière, le dernier remontant à 2013 et visant l'hebdomadaire Paris Match. "Sur une page people publiée en janvier 2011, l'actrice américaine Scarlett Johansson était juchée sur un escabeau, avec une imposante bouteille de champagne dans les mains. La légende décrivait avec gourmandise : "L'actrice pétille pour Moët & Chandon®"" explique Francetv info.
Entretien avec Rudy Bancquart, journaliste et chroniqueur spécialiste des lobbies.
Vers la banalisation de la publicité ?
Les opposants à l'amendement, et en particulier Claude Evin, craignent qu'il n'entraîne une banalisation de la publicité pour l'alcool. "Dès lors que l'on sait que l'alcool tue 50.000 personnes, peut-on vanter ses mérites comme s'il s'agissait d'un simple parfum ?" s'inquiète Claude Evin dans Le Parisien. Pour lui, ce texte libérera "de facto la possibilité de faire de la publicité pour l'alcool (…) et ce, quasiment sans limite".
Si ce texte est inclus dans un projet de loi économique, et non santé, ce n'est pas sans raison. Derrière des notions de clarifications, c'est bien le marché du vin que souhaitent protéger les députés. Cet amendement "vise à éviter que, dans notre pays, dont la tradition viticole ancestrale s’est fortement imprimée dans la culture, et désormais dans notre économie et dans les rares succès de notre commerce extérieur, il devienne risqué pour un journaliste, un cinéaste ou un romancier d’évoquer nos produits vinicoles ou d’y faire référence", justifie le député PS de la Gironde Gilles Savary, en faveur du projet.
Les alcoologues ont quant à eux déjà lancé un cri d'alarme contre ce texte. "C'est l'ensemble de la population, et notamment les jeunes, qui vont être exposés à une promotion sans limite en faveur de la consommation d'alcool", expliquent-ils dans une lettre adressée à François Hollande. Une "initiative d'autant plus scandaleuse que les dépenses de publicité pour les boissons alcoolisées n'ont cessé de croître pour atteindre 460 millions d'euros en 2011, soit bien au-delà des 3,5 millions de crédits consacrés à la prévention en ce domaine" ajoutent-ils. L'alcool est l'une des causes principales de morts évitables en France. Chaque année, ces boissons tuent 49.000 Français.
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