"Il y a un moment donné, physiquement, on ne peut pas tenir" : à deux pas de Paris, l'accès aux soins et le manque de soignants sont de plus en plus sensibles

Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, fait partie des villes les moins bien dotées en infirmières et médecins généralistes. franceinfo a suivi le quotidien d'Estelle Peltier, qui confie son épuisement.

Article rédigé par Anne-Laure Dagnet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une infirmière prend la tension d'un patient (illustration). (J DUTAC / MAXPPP)
Une infirmière prend la tension d'un patient (illustration). (J DUTAC / MAXPPP)

Médecin généraliste, sage-femme, dentiste, kiné et infirmier... Votre commune est-elle bien dotée ou au contraire est-elle sous-dotée ? franceinfo vous dévoile lundi 2 mars une carte des déserts de santé. Parmi les surprises, des communes de l'ouest parisien figurent parmi les moins bien dotées en infirmières et, parfois, en médecins généralistes.

Des villes cossues comme Sèvres, Saint-Cloud ou Suresnes font partie de ces petits déserts médicaux, malgré leur proximité avec Paris. À Suresnes, située à peine à quatre kilomètres de Paris, de l'autre côté de la Seine, il y a pourtant tout ce qu'il faut... mais pas assez d'infirmières. Cette ville fait partie des 8 % les moins bien dotées. C'est là qu'Estelle Peltier travaille depuis douze ans, "comme une forcenée". Elle n'arrive pas à répondre à tous les appels. 

"Certains jours, ça va être 20, 30 appels en absence, voire plus, sur les téléphones"

Estelle Peltier, infirmière libérale

à franceinfo

"Même quand les gens nous laissent des messages, on n'est pas toujours en capacité de répondre à tout le monde. De toute façon, pour la plupart, ça va être pour répondre négativement à leur demande. Donc les gens s'en plaignent", regrette-t-elle.

"Je suis obligée de travailler plus"

Cette infirmière libérale enchaîne les rendez-vous dans son cabinet ou à domicile pour pouvoir payer ses charges. "On a beaucoup de communes où les infirmières sont obligées de payer le stationnement et parfois les PV aussi, parce qu'ici, ça tourne en permanence. Et sur ces communes-là, les loyers sont chers. Les loyers, la difficulté pour circuler, le fait de devoir payer les stationnements, tout ça quoi... Donc oui, les filles préfèrent aller travailler ailleurs", décrypte-t-elle.

Avant de préciser : "Aujourd'hui, ça peut être des 20, 30 domiciles par jour. Donc, il y a un moment donné, physiquement, on ne peut pas tenir. Moi, j'ai 50 ans maintenant, voilà douze ans que je suis en libéral. Aujourd'hui, pour maintenir mon niveau de vie, je suis obligée de travailler plus. Sauf que j'ai douze ans de plus en fait. Et dans douze ans, je ne serai pas capable de maintenir le niveau, voire d'augmenter", détaille la professionnelle. À titre d'exemple, pour un pansement à domicile, l'infirmière gagne moins de 10 euros.

Même si ces communes cossues de l'ouest parisien manquent d'infirmières, les patients qui peuvent se déplacer trouvent toujours des solutions. "On n'est pas comme dans la Creuse. C'est-à-dire que les gens ne vont pas devoir faire 50 kilomètres pour aller au cabinet infirmier. Il y a toujours des solutions, si vous, vous êtes en capacité de vous déplacer", tempère Estelle Peltier. Pour attirer les infirmières dans les zones sous-dotées, comme ici à Suresnes, l'assurance maladie propose une prime d'aide à l'installation : près de 30 000 euros. Mais visiblement, ça ne suffit pas.

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