Les banlieues, analysées et contées par Luc Bronner et neuf écrivains, dont Maïram Guissé et Rachid Laïreche
Dans Tout Public du 7 avril 2025, Luc Bronner revient sur les émeutes de l’été 2023 dans son nouveau livre "Le Miroir", et Maïram Guissé et Rachid Laïreche présentent l’ouvrage à dix-huit mains, "Le retour retour du roi Jibril - Les contes de la cité"
Journaliste au Monde, Luc Bronner s’intéresse en 2005 aux banlieues et notamment aux émeutes provoquées par les décès de Zyed et Bouna. Dix-huit ans plus tard, c’est de nouveau la mort et les révoltes qui s'ensuivent qui ramènent le journaliste sur le terrain, après que Nahel Merzouk a été abattu par un policier en juin 2023. Envisageant son livre Le Miroir comme un deuxième "arrêt sur image" de l’état des banlieues, près de 20 ans après le premier, l’auteur constate "que c'est la France qui a beaucoup plus changé que les quartiers durant cette période."
L’augmentation de l’agressivité et de la détermination des jeunes, constatée lors des émeutes de 2023, est selon lui observables "en banlieue, mais aussi dans d'autres secteurs, comme celui les gilets jaunes par exemple ou des mouvements agricoles qui peuvent parfois être très durs."
Si les réseaux sociaux comme nouveaux outils de mobilisation ont évidemment un impact sur les récentes émeutes, ils participent aussi, selon Luc Bronner, "à la circulation de théories racistes et complotistes comme celle du Grand Remplacement". Et ils jouent un rôle dans le changement de la société constaté entre l’écriture de ses deux ouvrages. Pour le journaliste, "la France s'est radicalisée, pour prendre un mot qui peut faire polémique, au sens où une vision de droite et d'extrême droite aujourd'hui l'emporte sur toutes ces questions."
"L'intégration est une machine qui fonctionne silencieusement, mais qui, quand elle dysfonctionne, est récupérée, notamment par une partie d'une droite devenue extrême et d'une extrême droite ancienne."
Luc Bronner, journaliste au Mondeà franceinfo
Ces récupérations consistent, selon Luc Bronner, à "s'arrêter sur des facteurs qui ne sont pas les bons, qui sont ceux que les politiques veulent mettre en avant", empêchant ainsi de se questionner sur des causes plus sociologiques telles que le niveau de diplôme ou le genre des émeutiers. L’auteur rappelle au micro de Tout Public que "96% des violences dans la société sont commises par des hommes" et que pourtant "s'il y a bien un sujet sur lequel il n'y a aucune politique publique pour essayer de faire baisser la délinquance et la violence, c'est la masculinité."
Une autre limite imposée dans le débat public par ces différents discours est celle d’une parole "consistant à dire qu'on mettrait trop d'argent en banlieue par rapport au reste du territoire alors que quand on regarde la réalité des chiffres, ce n'est pas vrai." L’auteur rappelant, par la même occasion, que les diverses coupes budgétaires imposées aux services publics, ont un effet "encore plus prégnant, encore plus désastreux, dans des quartiers plus populaires, dans des quartiers où il y a plus de misère, tout simplement."
Le Miroir (aux éditions du Seuil), de Luc Bronner, disponible en librairie
Neuf auteurs pour conter la banlieue dans Le retour du roi Jibril - Les contes de la cité
Constatant au même titre que Luc Bronner le discours unilatéral - souvent diabolisant et éloigné de la réalité - sur les banlieues dans le débat public, neuf auteurs et journalistes écrivent dans Le retour du roi Jibril, des contes de cité à travers le regard d’un C.P.E en quête de vérité.
"Il y a des histoires qui tournent et qui passent de quartier en quartier mais qui ne rentrent jamais un grand récit. Dans la presse par exemple, on en parle rarement parce que le format n'est pas le bon."
Rachid Laïreche, journalisteà franceinfo
"Vrais, écrits, légendaires ou réinventés", les récits qui traversent les banlieues sont toujours les mêmes et sont transmis par des "conteurs, comme dans les villages, le soir". C’est en se rendant compte de l’universalité de ce rituel que les journalistes Rachid Laïreche et Ramses Kefi nourrissent l’idée "de s'amuser et de raconter la banlieue comme un autre territoire. Un savoir avec des histoires, des personnages ordinaires. Qu'est-ce qui nous touche ? Qu'est-ce qui se transmet ? Quel type de légende on peut avoir ? Et comment rendre ça vivant ?" Les deux coordinateurs du livre s’entourent d’auteurs ou de journalistes des quatre coins de France ayant tous pour point commun d’entretenir un lien particulier à la cité.
Cette ouverture de point de vue à différents territoires s'explique par une volonté de Rachid Laïreche et Ramses Kefi "d’ouvrir très vite parce que si on restait à Paris, autant le faire à deux ce livre. On a donc Aubagne, Marseille, Lyon et même au niveau du langage, c’est important quand on lit les textes. Celui qui écrit à Lyon a une écriture, un argot qui est différent de celui de Paris-Sud. C'est-à-dire que la banlieue, c'est très large et que ça se raconte différemment."
Maïram Guissé, journaliste et comptant parmi les neuf auteurs du roman se retrouve dans cette vision transversale des problématiques de la banlieue : "J'avais cette envie de raconter aussi les quartiers de province dont on ne parle pas, en tout cas pas assez, ou comme des territoires inexistants, alors que finalement, les problématiques qu'on y retrouve, on les retrouve aussi en Île-de-France ou dans d'autres grosses villes."
Ayant à cœur de raconter ce territoire comme elle le vit, la journaliste s’exprime notamment par le rapport entretenu avec la nourriture qui représente pour elle "une partie considérable de la vie des Français. La nourriture, on se réunit autour, on prend des décisions autour, on fête des naissances, des mariages, des deuils. La nourriture est omniprésente. Et en écrivant, je ne me suis pas posé la question, c'est vraiment venu naturellement", comme en témoignent les pots de pâte à tartiner empilés dans une valise de son chapitre Nutella ou l’évocation de "ce menu Flunch qui ne paraît pas bon, mais qui raconte aussi autre chose. Ce sont des souvenirs, beaucoup de souvenirs, par exemple l’accès aux premiers restaurants."
" L'idée, c'était de reprendre le pouvoir et de dire qu'en banlieue, on peut aussi faire de la littérature comme partout ailleurs. Que ce n'est pas un territoire interdit pour raconter des histoires, pour être dans la fiction, pour être aussi dans de la subtilité, dans de la contradiction.”
Maïram Guissé, journalisteà franceinfo
Le retour du roi Jibril - Les contes de la cité (aux éditions de L'Iconoclaste), de Rachid Laïreche, Faïza Guene, Ramès Kefi, Mathieu Palain, Hadrien Bels, Salomé Kiner, Mariam Guissé et Said de L'Arbre.
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