La condamnation de Boualem Sansal, le nouveau roman de Karine Tuil et un documentaire sur la tauromachie

Dans Tout Public du 27 mars 2025, Philippe Claudel s’exprime sur la condamnation de Boualem Sansal, Karine Tuil présente son nouveau roman dans l’intimité des plus hautes sphères du pouvoir et "Tardes de Soledad", un documentaire sur le controversé sujet de la corrida.

Article rédigé par Frédéric Carbonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'écrivain Philippe Claudel (à gauche) et l'autrice Karine Tuil (à droite) (PHOTOPQR / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP et FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
L'écrivain Philippe Claudel (à gauche) et l'autrice Karine Tuil (à droite) (PHOTOPQR / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP et FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ce n'est pas parce que le verdict a été plus clément que la réquisition qu'il faudrait crier victoire", rappelle l'écrivain Philippe Claudel au micro de Tout Public, jeudi 27 mars 2025, après la condamnation de l’écrivain Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme, par la justice algérienne. Il était accusé notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire algérien, pour avoir repris à son compte, dans un média français d'extrême droite, la position du Maroc selon laquelle son territoire aurait été amputé au profit de l'Algérie sous la colonisation française.

Le président de l’académie Goncourt dénonce un "traumatisme pour la liberté d'expression", se traduisant par "une peine fantoche" et "extrêmement lourde pour quelqu’un qui n’a fait qu’exprimer son point de vue", le tout réclamé par une "justice algérienne à la botte d’un pouvoir autocratique".

Si l’issue du verdict semble loin de satisfaire Philippe Claudel, ce dernier y voit toutefois "une porte à une solution diplomatique" entre les deux pays qui, selon lui, "ont tout pour s’entendre et doivent s’entendre". Ce dernier s’affirmant néanmoins déçu et choqué "de voir que certaines voix politiques, autorisées, médiatiques, ne se mobilisaient pas complètement pour Boualem Sansal, un écrivain emprisonné".

“Il n'est pas prisonnier, il faut le rappeler. Il est otage. C'est différent, c'est très différent. Ce n'est pas quelqu'un qui a droit aux égards et aux traitements auxquels un prisonnier a droit. C'est quelqu'un qui est otage."

l'écrivain Philippe Claudel

sur franceinfo

Aux personnes qui lui demandent comment aider l’auteur incarcéré, Philippe Claudel répond, "c'est le lire, c'est le faire lire, c'est parler de lui, c'est de faire en sorte que constamment son nom soit cité, soit prononcé, que ses textes, soient lus en public ou dans l'intimité. C'est ça qui fait qu'un écrivain existe", soulignant la nécessité que, plus que jamais, cette "mobilisation se renforce".

Les revers du pouvoir imaginés par Karine Tuil dans "La Guerre par d’autres moyens"

Karine Tuil, autrice, éditée comme Boualem Sansal chez Gallimard, appelle "à combattre" pour que ce dernier soit libéré. Elle publie son nouveau roman La Guerre par d’autres moyens, un récit d’une époque par le prisme des dominants tant politiques, qu’économiques ou culturels. L’ouvrage raconte l'histoire d'"un ancien président de la République qui, après avoir quitté l'Elysée, sombre dans l'alcool" et pose la question de "comment on survit après avoir connu tous les pouvoirs, après avoir été à la tête d’un État". 

"Symptôme d’une société en souffrance et vulnérable", le roman de Karine Tuil tente "de décrire des êtres de pouvoir, mais placés dans des situations de très grande fragilité humaine". Traités comme des malades dominés par des substances, les hommes politiques sont toutefois abordés avec tendresse, volonté de l’auteur qui éprouve "de l’empathie pour des hommes et des femmes qui vouent leurs quotidiens et leurs vies au combat politique", sans pour autant dire que "l’exercice ne va pas totalement transformer ses idées de départ". 

Alternant discussions privées en famille et moments de liesses durant la campagne, La Guerre par d’autres moyens soulève également la question du rapport homme-femme et conjoint-conjointe dans des cercles souvent régis par des dominations masculines. Marié à une actrice de 20 ans de moins que lui en pleine ascension et ayant comme ex-femme une écrivaine à succès, l’ancien président et personnage principal se trouve ainsi confronté à un effet de balancier, "à une redéfinition des dynamiques de pouvoir, avec une montée en puissance des femmes", au contact de "sphères de politiques et de pouvoir qui s’entrecroisent sans arrêt". 

"C'est vraiment le roman de la comédie humaine et des coulisses du monde politique, et aussi, évidemment, du monde du cinéma".

Karine Tuil 

sur franceinfo

La Guerre par d'autres moyens (aux éditions Gallimard), de Karine Tuil, disponible en librairie. 

"Tardes de Soledad", le documentaire en immersion au plus près d’un torero 

Tardes de Soledad est le titre du nouveau documentaire immersif d’Albert Serra qui suit le quotidien du nouveau torero star, Andres Roca Rey. Au centre de nombreux débats, le film se veut pour certains, l'apologie d’une coutume de plus en plus décriée quand il desserre, pour d’autres, l’art de la pratique. 

En proposant une immersion totale au plus près du couple torero-taureau, le réalisateur ne cherche pas à retranscrire les mouvements dans leur ampleur ou la technique de ces derniers, mais mise plutôt sur le ressenti.

"Tout ce que l’on voyait dans les retransmissions en live, c’était ennuyant, on ne ressentait rien. On voyait ce qu’il se passait, mais on ne ressentait rien".

Albert Serra 

sur franceinfo

Pour parer aux obstacles cinématographiques des arènes, Albert Serra choisit d’éviter de filmer le public, "parce que le public du film, c'est le public du cinéma" et resserre alors son cadre sur l’action, livrant une proposition organique, brutale et sonore, permise par la multitude de micros cousus sur les costumes.

Convaincu "d’avoir livré le meilleur film possible", l’avis du réalisateur n’est pas partagé par son sujet qui, lui ayant donné accès total à son intimité, s’affirme s’être senti "trahi" par les images, donnant à voir des agonies animales entre souffrance et effusion de sang. Après plusieurs mois d’immersion, Albert Serra confie être encore pétri d’interrogations sur la tauromachie, qu’il considère comme "un milieu étrange, entre dimensions anthropologiques mais aussi visuelles et esthétiques, tout en impliquant un côté sacrificiel."

Une émission avec la participation de Thierry Fiorile, journaliste au service culture de franceinfo

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