ZFE menacées : sur les questions écologiques "il faut tenir compte de l'angoisse sociale", estime Jean Viard
Ce 26 mars, en commission à l'Assemblée nationale, les députés ont voté la fin des ZFE (zones à faible émission) apparues en 2019. Une mesure visant à réduire la pollution dans les villes, mais jugée trop complexe à appliquer et discriminante.
Les zones à faible émission (ZFE) ont du plomb dans l'aile. Ce jeudi 27 mars 2025, 26 députés ont voté la suppression de cette mesure visant à exclure des villes de plus de 150 000 habitants les véhicules les plus polluants. Les ZFE sont aujourd'hui en vigueur dans une vingtaine de villes comme Paris, Lille, Lyon ou encore Toulouse, mais elles sont jugées trop complexes à mettre en application. Les opposants critiquent aussi un dispositif "socialement inacceptable". Cette suppression n'est pour le moment pas encore applicable. Elle devra être validée par les députés et les sénateurs lors des séances publiques.
franceinfo : Les opposants à ces zones dénoncent une mesure qui accentue les inégalités sociales. Est-ce une réalité ?
Jean Viard : C'est une réalité. L'injustice est dénoncée par des gens qui représentent les milieux populaires, les artisans et les forains. Ce qui est assez logique parce que les artisans et les forains ont souvent des véhicules qui tournent dans la ville et qui sont souvent très vieux. Ils les entretiennent, mais ne font pas de gros investissements. Or, ce sont les voitures les plus vieilles qui sont les premières impactées par cette mesure. Est-ce qu'on aurait pu améliorer la mesure ? Faire en sorte que les gens les plus modestes ne soient pas pénalisés ? On pourrait, par exemple, distribuer 50 cartes de voyage dans la ville pour que ces personnes aient le droit, une fois par semaine, d'entrer dans la ville sans être pénalisées. On aurait aussi pu faire complètement différemment et aider tous ceux qui tournent dans les villes : les artisans, les taxis, les voitures publiques, les policiers, les transports à passer à l'électrique.
franceinfo : Évidemment, la difficulté pour les plus modestes, c'est justement de s'offrir un véhicule moins polluant, mais aussi plus cher...
Jean Viard : Oui, parce que les gens modestes n'achètent jamais de voitures neuves, ils achètent toujours des véhicules de deuxième, voire troisième ou quatrième main. Après la grande pandémie, il y a eu un sentiment d'urgence écologique qui est une bonne nouvelle. On a compris que la guerre climatique avait commencé. On a fait des normes, on a fait des lois à Bruxelles, à Paris, etc. pour améliorer notre vie, l'air que l'on respire et c'était une bonne chose. Sauf que maintenant, on se rend compte que l'écolo-technologie est très efficace et qu'on peut modifier les modes de conduite, les moteurs, on peut développer le vélo, etc. Donc on se rend compte qu'il n'y a pas que la restriction qui fonctionne, il y a aussi la révolution technologique.
franceinfo : Les défenseurs des ZFE parlent surtout d'un manque de courage politique, d'un manque de réflexion à long terme des politiques environnementales.
Jean Viard : C'est vrai, mais en même temps ce n'est pas leur électorat qui est directement visé. C'est pour ça qu'il faut toujours faire attention. Par exemple, l'essentiel des électeurs de Paris n'a pas de voiture et ces électeurs sont très favorables à ces mesures qui chassent les voitures des villes. Je comprends l'angoisse des écologistes, mais il faut aussi tenir compte de l'angoisse sociale dans des sociétés qui sont en train de basculer à l'extrême droite. Ne pas s'intéresser à la crise des milieux populaires, à l'inflation, à leur pauvreté, c'est une erreur morale, bien sûr, mais aussi un danger politique.
franceinfo : Mais est-ce que cette cacophonie sur l'application de mesures environnementales ne joue pas de façon négative sur la perception de ces mesures ?
Jean Viard : Si, vous avez raison. L'unanimisme serait positif pour entraîner les foules. Il faut maintenant voir comment rendent les ZFE plus égalitaires en ayant une vision plus juste des clivages sociaux et en comprenant bien que la question ce n'est pas l'âge de la voiture, c'est le nombre de kilomètres parcourus chaque jour dans la ville. On doit avoir une réflexion plus sociale et trouver une solution parce que l'instauration de ZFE est une excellente mesure.
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