Urbanisme face aux crues et inondations : "Il faut s'attendre à une nature plus violente et les normes vont changer", prédit le sociologue Jean Viard
La Bretagne et les Pays de la Loire ont vécu sous les eaux cette semaine, avec des centaines d'habitants évacués. Toutes ces régions devenues vulnérables au changement climatique ne vont pas pour autant devenir inhabitables, selon Jean Viard, mais "habitables autrement".
Cette dernière semaine de janvier a été marquée par des crues records, après trois tempêtes consécutives. Trois départements ont été particulièrement touchés : le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique. On a vu des centaines d'habitants évacués et des images impressionnantes, notamment dans le secteur de Redon. Avec un niveau des eaux encore élevé en début de week-end, la situation devrait légèrement s'améliorer sous peu avec la perspective de la décrue.
franceinfo : Faut-il s'habituer à ces images et à ces intempéries en raison du changement climatique ?
Jean Viard : D'abord, c'est une zone où il y a déjà eu d'immenses inondations au siècle précédent. C'est déjà arrivé. La question, c'est : est-ce que ça va arriver plus souvent qu'avant ? La réponse est oui, probablement.
"Ce qui se passe en ce moment, c'est l'accélération des écarts entre les moments excessifs."
Jean Viardà franceinfo
Est-ce que des zones ne seront bientôt plus habitables ? Faut-il l'accepter ?
Ces régions ne seront pas plus habitables, mais habitables différemment. Il y a une partie de la France qui est touchée par la sécheresse, à peu près 20% des logements. Ça signifie que les maisons vont se vendre, qu'elles bougent, ça signifie qu'il faut les renforcer. La sécheresse, c'est presque encore plus destructeur parce que ça touche tout le monde sur un territoire, pas seulement celui qui est dans le creux, mais aussi celui qui est sur le haut de la colline. Il y a une partie de la France qui est concernée par les inondations, c'est le cas du Nord, c'est le cas de la Bretagne, par exemple. Et puis il y a aussi une partie de la France où le risque, c'est la submersion des rivages. Est-ce que c'est le monde de demain ? La réponse est oui. Le monde de demain est un monde où la mer monte, où le climat va être accentué : plus chaud, plus sec, plus mouillé. Il faut s'attendre à une nature plus violente. La question c'est comment font les hommes pour se protéger.
Peut-on contenir la nature ? Il y a des aménagements comme des digues qui ne sont plus efficaces. On l'a vu à Redon, en Ille-et-Vilaine.
Oui, mais il faudra en faire d'autres. Il faut s'adapter.
"Il est temps d'avoir un grand ministère de la Protection civile, comme beaucoup de pays qui prennent en main toutes ces questions."
Jean Viardà franceinfo
Plein de choses vont changer. Les normes vont changer. On habitera au premier étage. On ne fera pas le garage à côté de la maison mais dessous. On va construire petit à petit une société qui se protégera de tous ces phénomènes. Et puis en même temps, il faut utiliser ces catastrophes comme des lanceurs d'alerte pour dire aux gens attention, il faut changer de modèle de développement. Le réchauffement climatique est une conséquence de l'action humaine. Non seulement il faut se protéger, mais il faut aussi essayer d'empêcher qu'il continue.
Après ces catastrophes, les coûts sont extrêmement élevés pour les assurances, pour les collectivités, pour les particuliers. Peut-on assumer ça ?
Le premier problème, pour plein de gens, c'est qu'on ne va plus vouloir les assurer. Il y a une crise dans le monde de l'assurance et ça va être vécu par chacun d'entre nous. Parce qu'effectivement, ceux qu'on ne va plus assurer que peuvent-ils faire ? On est dans un nouveau monde. C'est un peu comme lorsqu'on est passés du cheval à la voiture. Il a fallu tout changer les routes, les ponts, les vitesses de transport, etc. Là, c'est un peu la même chose. La nature accélère, elle nous crée des pièges. Il faut qu'on déjoue ces pièges, il faut qu'on se protège. Il va y avoir des malheureux, des victimes, il faut les protéger bien sûr. Il faut les secourir. Mais en même temps, il faut dire aux gens : chacun doit construire sa vie différemment, parce qu'on sait qu'on ne peut pas continuer de la même manière. Il faut en permanence remettre en question ce qu'on fait et ce qu'on doit faire.
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