Protéger les enfants des violences : "Il faut que les choses soient dites, il faut écouter", estime le sociologue Jean Viard

Le collectif de victimes de Bétharram a recensé plus de 130 plaintes. Les premiers abus se seraient déroulés vers la fin des années 1950. Jean Viard, sociologue, revient sur l’évolution des mentalités et souligne l’importance de croire les enfants.

Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
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L'institution Notre-Dame-de-Bétharram, Pyrénées-Atlantiques, le 13 mars 2024. (LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / AFP)
L'institution Notre-Dame-de-Bétharram, Pyrénées-Atlantiques, le 13 mars 2024. (LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / AFP)

Une centaine de personnes ont porté plainte, accusant enseignants et surveillants de violences physiques et sexuelles pendant leur scolarisation au collège-lycée de Notre-Dame-de-Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques. Le 24 février 2025, débute le procès de Joël Le Scouarnec, chirurgien accusé d'avoir agressé plus de 300 enfants.

En 2023, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 96 700 victimes de violences physiques parmi les mineurs. Concernant les violences sexuelles, 65 300 mineurs ont été identifiés comme victimes. Ces chiffres sont en augmentation par rapport à 2022.

Comment protéger les enfants des violences et en particulier des violences sexuelles ?

Jean Viard : À l'époque, le sexuel était caché. C'était honteux. Quand un enfant dénonçait un prêtre, un instituteur ou un médecin, c'est-à-dire les trois corps de métiers qui symbolisent l'autorité et les valeurs, on lui disait : 'Tais-toi, tu dis que des conneries !' parce que cela était impensable.

Aujourd'hui, c'est difficile pour les jeunes générations de comprendre cela. Le sexuel était totalement caché jusqu'en 68 et même après. Aujourd'hui, cela a changé. Le procès Mazan est un excellent exemple de cette inversion. Il faut que les choses soient dites et montrées. On n'est plus du tout dans le même monde. Des gens ont eu des comportements inadmissibles. Ça ne nuit pas de mettre les choses en avant, surtout pour protéger les enfants. Il faut donc croire les enfants.

Il faut aussi changer notre regard sur la parole des enfants. On les pense souvent capables de mensonge, d'exagérer ou même d'être manipulés.

Dans la plupart des cas, ce qu'ils disent est vrai. Ce qu'il faut dire aussi c’est que la plupart des violences sexuelles vis-à-vis des enfants se produisent dans la famille. Donc, quand on en parle, il faut croire l'enfant avec le risque de faire exploser la famille ou de faire exploser l'institution. C’est ce qui est en train de se passer dans Notre-Dame-de-Bétharram, où l'institution ne va peut-être pas s'en remettre. Je pense que le courage, c'est d'écouter l’enfant. Il faut mettre des lieux d'écoute avec des gens spécialisés qui posent des questions. C'est comme une instruction, mais avec des codes évidemment différents, puisqu'on parle à un enfant. Il faut comprendre que la parole de l'enfant, la plupart du temps, est la vérité. L'Église catholique aura beaucoup de mal.

La Déclaration des droits de l'enfant date de 1959. Pourquoi est-ce qu'on n'arrive toujours pas à protéger correctement les enfants ?

On ne protégera jamais tous les enfants comme on ne protégera jamais toutes les femmes dont les maris les battent ou les tuent. On peut améliorer les choses, les diminuer, mais dans une société, on n'arrive pas à zéro violence. Après, est-ce qu'on a progressé ou pas ? Je ne sais pas répondre à ça parce que c'était caché. On peut quand même espérer qu'il y ait une diminution, parce qu'il y a des procès. Mais c'est très difficile parce que c'est dans la sphère de l'intime. Il y a un énorme travail d'écoute, de contenu à raconter aux enfants dans les classes. Les médecins scolaires le voient quand un enfant commence à dysfonctionner, quand il n'est pas bien, quand il est un peu bizarre, parce qu’un enfant traumatisé par les agressions sexuelles n’a pas un comportement d'enfant joyeux. Mais peut-être qu'on manque de ces professionnels dans nos écoles.

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