Droits de douane américains : "Pour l'Europe c'est un coup dur", estime Jean Viard

Les produits européens, mais pas seulement, sont maintenant sujets à à des taxes douanières largement alourdies lorsqu'ils sont exportés vers les États-Unis. Donald Trump a précisé cette semaine ses mesures protectionnistes. "C'est un coup dur aussi en termes de valeur", analyse Jean Viard.

Article rédigé par Augustin Arrivé - Jean Viard
Radio France
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Temps de lecture : 5min
Donald Trump signe un décret visant à instaurer des droits de douane sur de nombreux pays, avec effet à minuit, le 3 avril 2025. (ANDREW LEYDEN / NURPHOTO / AFP)
Donald Trump signe un décret visant à instaurer des droits de douane sur de nombreux pays, avec effet à minuit, le 3 avril 2025. (ANDREW LEYDEN / NURPHOTO / AFP)

Le président américain a annoncé des droits de douane sans précédent. Les produits importés de l'Union européenne seront désormais taxés à hauteur de 20 %. Ces droits de douane que Donald Trump veut imposer, notamment sur la France, mettent font ressortir cette idée d'un repli sur soi économique. Ursula von der Leyen parle d'un coup dur pour l'économie mondiale.

franceinfo : Est-ce que c'est un coup dur pour notre société ?

Oui, parce que c'est un coup dur économique bien sûr encore que la France n'est pas énormément impactée, mais pour l'Europe c'est un coup dur. C'est un coup dur aussi en termes de valeur parce que quand vous écoutez Elon Musk qui dit qu'il faut casser les sociétés de l'empathie, il n'y a pas d'empathie. Regardez des pays comme le Lesotho, Madagascar, où on met des taux complètement délirants parce qu'ils savent à peine où c'est. On est face à un moment où l'empathie entre les hommes est cassée, et au fond se construit une nouvelle aristocratie financière qui est en train d'abandonner le cœur des valeurs humanistes qui ont été régulées par le droit au XXe siècle. Ce qui m'inquiète, c'est cette société de la non-empathie qui risque de pénétrer nos sociétés. Ça, c'est extrêmement dangereux.

Il y a quelques années, nous nous sommes mis à valoriser l'idée d'un made in France. C'était le grand discours d'Arnaud Montebourg, par exemple, les circuits courts. C'est une forme de protectionnisme, mais il n'y a pas le même regard porté dessus.

Le made in France, c'est merveilleux pour faire ce qu'on appelle une économie forestière, c'est-à-dire une économie où les métiers s'aident les uns les autres, les déchets de l'artisan servent à chauffer les écoles et cetera. Le problème, c'est que quand vous importez, vous échangez avec d'autres sociétés, elles, elles peuvent se développer avec des gens qui sont peut-être payés 3 € de l'heure, alors que nous, on a tendance à les payer 15 à 20 € de l'heure. Donc on se développe en complément, mais si vous fermez vos frontières, il va se passer ce qui se passe avec l'agriculture puisque, pour l'essentiel, l'agriculture est une agriculture qui reste locale. Mais qu'est-ce qui se passe ? C'est que les biens agricoles sont payés très peu cher et que les paysans ne s'en sortent pas.

Donc il y a un métissage. Vous parliez des valeurs qui sont au-delà des valeurs monétaires. Il y a un métissage autour de ces échanges ?

Mais bien sûr. Il y a un métissage des cultures. Il y a un développement. Les uns étant beaucoup moins développés, ils peuvent croître même en étant dans des phénomènes de formation des hommes ou de budget différents et cetera. C'était ça que régulaient au fond l'économie mondiale et les grands accords internationaux. C'était ce type de mélange. Après, ne cachons pas non plus que c'est vrai qu'il y a aux États-Unis de la pauvreté, parce qu'ils ont perdu des industries. Nous aussi, on a perdu des industries et on voit bien comment une partie des gens sont très malheureux et se révoltent contre cette perte. Je ne dis pas que c'est tout bénéfique cet échange, je dis que ce qui est en train de se faire ça désorganise tout avec l'idée qu'à un moment ça va retomber sur ses pattes, mais faisons attention à une chose, la société américaine, c'est une société de la bourse. Ça veut dire que les retraites sont là, que la santé, tout l'argent des gens est à la bourse. C'est ça qui compte aux États-Unis. Nous, on est dans une société de la protection sociale, donc on est protégé par l'État. La question c'est : est-ce que ça va être bon pour la bourse américaine ? Et en fonction de ça, on verra comment les choses vont évoluer.

Les Français sont plutôt hostiles aux frontières ou bien ont-ils une impression positive ?

Cela dépend ce qu'on appelle frontière. La frontière militaire aujourd'hui, c'est plutôt la frontière de l'Europe, même si elle est encore très faible. La frontière économique, c'est la frontière de l'Europe. La frontière de défense de nos valeurs culturelles, c'est plutôt la France. De même que les gens sont de plus en plus attachés au local dans une société où le premier lien entre les hommes, il est numérique. C'est ça nos vraies frontières. Et symboliquement, il y a effectivement bien sûr les frontières de la nation qui restent extrêmement importantes et puis il y a les frontières de l'Europe qu'on est en train de construire.

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