Trop d’infos tue l’info ? L'impact de cette "infobésité" sur les enfants

Une "infobésité" désigne la surcharge d’informations qui touche autant les adultes que les jeunes. L’expression "fatigue informationnelle", souvent utilisée, traduit la difficulté à absorber et à trier les innombrables contenus auxquels nous sommes confrontés.

Prenons un adolescent de 13 ans qui cherche à s'informer sur un sujet d’actualité, comme la situation à Gaza. Il est exposé à des reportages à la télévision, à des discussions en famille, à des réactions sur les groupes WhatsApp de ses amis où circulent des vidéos et des messages non vérifiés, etc. Sur TikTok, les algorithmes lui suggèrent un mélange de témoignages, d’analyses parfois biaisées, de vidéos choquantes et même de désinformation. Cette surabondance de contenus, souvent contradictoires et très émotionnels, peut donner le sentiment d'être tenu informé, alors qu’en réalité, c'est parfois totalement l'inverse.

Une menace pour l’esprit critique

Un tel déferlement d’informations nuit à la capacité des jeunes à s’informer correctement. Le besoin d’éducation aux médias et à l’information est donc plus urgent que jamais, d'autant plus que les réseaux sociaux sont devenus une source privilégiée pour les jeunes. Aux États-Unis, près d’un tiers des 18-24 ans utilise TikTok pour s’informer, tendance en forte hausse par rapport aux années précédentes. Or la plupart des plateformes n’offrent aucun tri structuré des contenus, et favorisent la propagation de théories farfelues.

Quelques chiffres en témoignent. 19% des jeunes de 18 à 24 ans pensent que les pyramides égyptiennes ont été construites par des extraterrestres, soit trois fois plus que chez les seniors. 1 jeune sur 5 adhère à l’idée que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune, un chiffre en augmentation de 5 points en 5 ans. Un tiers des jeunes font confiance aux réseaux sociaux comme source d’information principale.

Comment aider les jeunes à mieux s’informer ?

L’éducation aux médias et à l’information (EMI) est devenue essentielle à l'école. Elle apprend aux élèves à se poser les bonnes questions : qui parle ? D’où provient l’information ? Quel est l’intérêt de celui qui la diffuse ? Il est également important d’apprendre à varier ses sources, en confrontant différents médias et en écoutant des débats contradictoires. Suivre des spécialistes du fact-checking (vérification de l'information) est, aussi, vivement conseillé à tout âge. Des initiatives adaptées aux jeunes existent par ailleurs. Par exemple, franceinfo propose "C’est quoi l’info ?", un fil d’actualité conçu pour les 12-18 ans.

Une approche complémentaire consiste à encourager les jeunes à produire eux-mêmes de l’information. Créer un article Wikipédia, un podcast ou une vidéo leur permet de comprendre la mécanique de l’information et de prendre conscience des biais qui l’accompagnent. Anne Alombert, maîtresse de conférences en philosophie contemporaine à l’université Paris 8 – elle est l'autrice de l'essai Schizophrénie numérique : La crise de l'esprit à l'ère des nouvelles technologies – insiste sur l’intérêt de cette démarche : "Construire un cycle Wikipédia collectivement, c'est un excellent exercice pour des étudiants."

Produire de l’information pour mieux la comprendre : une approche qui rappelle l’alimentation. Pour éviter les excès et privilégier la qualité, rien de tel que de passer derrière les fourneaux de temps en temps. Et pour les gâteaux comme pour l’info, les enfants adorent mettre la main à la pâte !