La pause numérique au collège : une bonne idée… mal préparée
À partir de septembre 2025, la pause numérique deviendra la norme dans tous les collèges français. Les élèves devront laisser leur téléphone à la maison ou le confier à un casier ou une pochette prévue à cet effet.
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Ce n'est pas tout à fait nouveau. La loi de 2018 interdit l’usage du téléphone portable dans les écoles et collèges. Le Code de l’Éducation prévoit en effet que les élèves ne peuvent ni utiliser leur téléphone dans l’enceinte de l’établissement ni pendant les activités scolaires à l’extérieur, sauf exceptions pédagogiques mentionnées dans le règlement intérieur.
Autrement dit : sur le papier, les portables sont interdits depuis 6 ans ! Mais dans les faits, l’application est très inégale. Dans de nombreux collèges, les portables restent allumés, utilisés discrètement dans les toilettes ou les couloirs, parfois même pendant les cours.
Une expérimentation aux résultats peu transparents
L’expérimentation menée en 2024 concernait environ 50.000 élèves dans près de 200 collèges. Selon le ministère, les retours seraient "très positifs", avec une amélioration du climat scolaire : moins de tension, moins de bruit, moins de disputes.
Mais ces résultats n’ont pas été publiés. Aucun rapport officiel n’a été transmis aux syndicats enseignants ni aux fédérations de parents d’élèves, qui s’en sont étonnés.
La plupart des établissements testeurs seraient d'ailleurs de petite taille, en zone rurale, avec moins de 350 élèves. Un cadre probablement plus simple à gérer que les grands collèges urbains. Ce constat interroge donc sur la faisabilité réelle d’un déploiement à l’échelle nationale.
Interdire sans former : un risque de contournement
C’est sur l'aspect éducatif que le bât blesse. Plusieurs études en psychologie montrent qu’une interdiction stricte, imposée sans pédagogie, entraîne souvent de la résistance. Si l’enfant ou l’adolescent ne se sent pas partie prenante de la règle, il y a de fortes chances qu’il la contourne. Une situation qui peut même renforcer la défiance envers l’institution scolaire. Certains élèves pourraient avoir un deuxième téléphone, ou laisser un vieux modèle dans leur casier pendant qu’ils gardent le vrai sur eux. (Attention, nous ne conseillons à personne de faire ça, évidemment !)
Mais il y a aussi une question plus profonde à se poser : une surprotection excessive ne freine-t-elle pas le développement de l’autonomie numérique ? Comment apprendre à résister aux mécanismes addictifs des réseaux sociaux si l’on ne vous a jamais formé à les reconnaître ? Comment apprendre à s’informer, à débattre, à réguler son temps d’écran si l’outil vous est tout simplement retiré, sans accompagnement ?
Une pause numérique pour les adultes aussi ?
Autre point fondamental : certains élèves le disent eux-mêmes. Ils trouvent injuste que les professeurs utilisent leur téléphone en classe ou en salle des profs, alors qu’eux n’y ont pas droit. Une injustice qui pourrait saper la crédibilité de la mesure.
Une école qui veut éduquer au numérique doit interroger ses propres usages : enseignants, personnels, parents, même grands-parents. Tout le monde, en 2025, est concerné par l'hyperconnexion. On parle de 9 écrans en moyenne dans les foyers français. Une pause numérique réservée uniquement aux collégiens, sans autre forme d’accompagnement pour le reste de la population, paraît assez inéquitable.
C’est un débat légitime. Certains syndicats dénoncent une mesure "gadget" qui détourne l’attention des vrais problèmes : manque de personnel, difficulté à recruter des surveillants, augmentation des violences scolaires.
L’association Départements de France, qui gère les collèges, estime le coût de cette mesure à plus de 125 millions d’euros si l’on devait équiper tous les collèges en casiers renforcés. Pour certains élus, cet argent serait plus utile dans l’embauche d’assistants d’éducation ou dans la formation à la citoyenneté numérique.
Une opportunité, à condition de l’accompagner
Cette "pause numérique" est peut-être malgré tout une bonne idée… qui mérite d’être mieux préparée. Car interdire sans expliquer, c’est se priver d’une occasion d’éduquer.
La pause numérique peut améliorer le climat scolaire, c’est vrai. Mais elle ne résoudra ni les problèmes d’usages problématiques des écrans en dehors de l’école, ni le harcèlement, ni le besoin de reconnaissance des adolescents.
Elle peut, en revanche, devenir un levier intéressant si elle s’inscrit dans un projet éducatif global, avec des discussions en classe, des débats, des ateliers d'éducation aux médias.
En somme : interdire, peut-être, mais surtout former.
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