"Le peuple français" de Gérard Noiriel aux éditions Tallandier

Cette semaine, un historien se demande de quel peuple français parlent les responsables politiques quand ils parlent en son nom.

Article rédigé par Rémi Bostsarron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'historien souligne un décalage entre la construction du peuple français et l'image qui en est parfois donnée dans le discours politique. (GERARD NOIRIEL / TAILLANDIER)
L'historien souligne un décalage entre la construction du peuple français et l'image qui en est parfois donnée dans le discours politique. (GERARD NOIRIEL / TAILLANDIER)

Alors que de nombreux responsables politiques affirment aujourd’hui porter, voire incarner la parole et la colère du peuple français, Gérard Noiriel s’intéresse à l’évolution de ce terme de "peuple" à travers l’Histoire de France, particulièrement depuis la Révolution française, c’est-à-dire depuis que des élus sont censés représenter ce peuple.

"Bon" peuple et "mauvais" peuple

Depuis 1789, donc, les élus de la nation se demandent, selon l’historien, "quel est ce peuple dont il faut se recommander pour exercer le pouvoir de l’État ?" Et ils n’ont pas tous la même réponse à cette question.

En effet, selon Gérard Noiriel, certains font la différence entre le bon et le mauvais peuple, ce "mauvais peuple" pouvant être selon les époques les ouvriers, les paysans ou les marginaux, par exemple.

Des définitions qui exacerbent le "ressentiment", particulièrement aujourd’hui, dans ce que l’historien appelle "la démocratie du public", avec le développement des réseaux sociaux et une communication plus directe entre les responsables politiques et les électeurs.

Communication contre réalité historique

Cette communication, qui s’appuie sur les polémiques et sur l’émotion, ne s’embarrasse pas toujours de la réalité historique.

Gérard Noiriel note par exemple que les immigrés italiens du XIXe siècle sont régulièrement présentés par l’extrême-droite actuelle comme de "bons" immigrés, européens et catholiques, par oppositions aux "mauvais" immigrés d’aujourd’hui.

Une présentation qui occulte la colère suscitée par la présence de ces mêmes Italiens, à l’époque, avec des émeutes et des pillages qui avaient poussé des milliers d’entre eux à fuir de peur d’être lynchés.

L’historien rappelle par ailleurs que s’appuyer sur la volonté du peuple ne revient pas nécessairement à jouer le jeu de la République.

Quand le peuple vote contre la république

C’est aussi un enseignement de l’Histoire que souligne Gérard Noiriel. C’est par exemple au nom du peuple qu’a été balayée la République en 1852, puisque c’est un plébiscite qui a permis à Louis Napoléon Bonaparte de mettre en place le Second Empire.

Une très large majorité des électeurs avaient à l’époque voté pour la mise en place de ce régime autoritaire. La consultation directe du peuple peut donc mener à la fin de l’état de droit.

Finalement, comme le fait l’historien, il faut revenir aux origines de la démocratie et donc à Athènes pour bien mesurer le danger de la démagogie.

Comme le disait Aristote, "là où le pouvoir suprême n’appartient plus aux lois apparaissent les démagogues." Et alors, c’est "le peuple" qui "devient monarque".

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