Qui pour la palme au 78° festival de Cannes ?

Les experts cinéma Thierry Fiorile et Matteu Maestracci sont toujours sur la Croisette, à Cannes. À quelques heures de la cérémonie de clôture et du palmarès de ce 78e Festival international du film, ils tirent un bilan des films qui pourraient avoir le plus de chances de remporter un prix.

Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le suspense jusqu'à la dernière minute, sur la Croisette, à Cannes, pour connaître le lauréat de la Palme d'or au Festival du film. (SEBASTIAAN KROES / MOMENT UNRELEASED RF / GETTY IMAGES)
Le suspense jusqu'à la dernière minute, sur la Croisette, à Cannes, pour connaître le lauréat de la Palme d'or au Festival du film. (SEBASTIAAN KROES / MOMENT UNRELEASED RF / GETTY IMAGES)

L'image ferait le tour du monde, si Jafar Panahi remportait la Palme d'or. L'écho en Iran serait considérable. Un simple accident est un film où l'humour ravageur du réalisateur dissident côtoie une réflexion profonde sur la vengeance. Les victimes de la dictature religieuse doivent-elles répondre à la violence par la violence ? Panahi a pour seule arme son cinéma, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne tremble pas.

"C'est le cadet de mes soucis de savoir comment les autorités de mon pays vont réagir. La question que je me pose est de savoir comment le film sera vu par les personnes dont je me suis inspiré, mes codétenus, les Iraniens. Est-ce que je suis à la hauteur de ces personnes-là ?"

Jafar Panahi

à franceinfo

Autre film qui a fait l'unanimité, L'agent secret du brésilien Kléber Mendonça Filho. Il nous a ramenés dans le Brésil des années 1970, avec un chercheur veuf à la vie compliquée, recherché et menacé de mort par un ancien ennemi. Le réalisateur originaire de Recife, dans le Nordeste, va à l'origine du mal en pleine dictature militaire, en écho au monde d'aujourd'hui.

Il sera peut-être un peu "juste" pour une récompense suprême comme la Palme d'or, mais le film La petite dernière, de la française Hafsia Herzi, a beaucoup plu. Il s'agit de son troisième long-métrage, à 38 ans seulement, en parallèle à une belle carrière de comédienne saluée par deux Césars. L'histoire est celle d'une jeune femme musulmane confrontée à la naissance de son désir pour les personnes de même sexe. Un sujet sensible que la réalisatrice a su traiter en faisant usage de subtilité.

"Homosexualité et religion, j'avais vraiment envie de traiter cela avec subtilité. Raconter des choses sans forcément trop de paroles, à travers un plan, une image."

Hafsia Herzi

à franceinfo

Si la compétition a eu une tonalité très politique, deux films ont marqué les esprits pour leur innovation formelle.

D'abord Sirat d'Oliver Laxe. L'espagnol a tourné dans le désert marocain un récit de fin du monde, Sergi Lopez y incarne un père qui cherche sa fille dans le milieu des ravers, musique électro entêtante, paysages brutaux, gueules incroyables des acteurs non-professionnels, un choc esthétique.

Mais la palme de l'audace formelle revient au chinois Bi Gan. Resurrection est une épopée de 2h40 à travers un siècle de cinéma. Un voyage visuel onirique, des images à couper le souffle, un plan séquence incroyable. Avec autant de superlatifs, il peut créer la surprise.

Les mieux placés pour les prix d'interprétation

Côté hommes, le Brésilien Wagner Moura en père courage dans L'agent secret de Kleber Mendonza Filho est un candidat sérieux. Pourquoi pas le Suédois Stellan Skarsgard en mauvais père dans Valeur sentimentale de Joachim Trier. Mais c'est le Libano-suédois Fares Fares qui est favori, pour son rôle d'acteur digne de l'âge d'or du cinéma égyptien dans Les aigles de la république de Tarik Saleh.

Chez les dames, on peut citer plusieurs noms. Jennifer Lawrence, déjantée, dans l'assez pénible Die my love de Lynne Ramsay, ou encore Léa Drucker, toujours très pro en inspectrice de l'IGPN qui enquête sur une bavure contre un manifestant gilet jaune, pour Dossier 137 de Dominik Moll. Deux jeunes non-professionnelles peuvent aussi créer la surprise : Nadia Melliti, rôle principal chez Hafsia Herzi dans Un simple accident, ou Llucia Garcia, très bien en alter ego de la cinéaste catalane Carla Simon dans le beau film Romeria.

Bilan hors compétition

Le Festival qui se termine, c'est aussi l'occasion de faire le bilan hors compétition. Parmi les films qui ont marqué, Vie privée de Rebecca Zlotowski, comédie multigenre avec Jodie Foster lumineuse et drôle dans la peau d'une psychiatre en pleine crise personnelle et professionnelle.

À la quinzaine des cinéastes, un film choc : Yes de Nadav Lapid. L'Israélien s'empare du sujet de la guerre dans son pays avec outrance et nuance, un film très courageux et virtuose.

Citons enfin un film passé relativement inaperçu dans le trop épais agenda cannois et le grand nombre de films présentés : Connemara d'Alex Lutz, présenté en catégorie "Cannes Première". C'est l'adaptation très réussie du roman de Nicolas Mathieu, avec Mélanie Thierry et Bastien Bouillon, qui sortira en salles le 10 septembre.

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