"La Chambre de Mariana" : la guerre et la Shoah dans l'intimité d'un huis clos

Dans Les Experts Cinéma cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci reviennent sur "La chambre de Mariana" d'Emmanuel Finkiel et "Mexico 86" de César Diaz avec Bérénice Bejo.

Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Artem Kyryk et Mélanie Thierry dans le film "La chambre de Mariana" d'Emmanuel Finkiel. (AD VITAM)
Artem Kyryk et Mélanie Thierry dans le film "La chambre de Mariana" d'Emmanuel Finkiel. (AD VITAM)

La Chambre de Mariana est le fruit d'une troisième collaboration entre le cinéaste français et la comédienne Mélanie Thierry. Et cette fois le film nous emmène dans l'Ukraine des années 40, en 1942 précisément, et en plein Holocauste, à la frontière entre l'Ukraine et la Roumanie, dans une ville occupée par les Nazis... Tout débute dans l'obscurité d'un tunnel, avec un jeune garçon prénommé Hugo. Un jeune garçon juif que ses parents pharmaciens vont cacher, pour qu'il survive, et confier à une de leurs amies, une prostituée, Mariana, jouée par Mélanie Thierry. Le nouveau "logement" d'Hugo sera donc une cachette dans le placard de la chambre de Mariana.

Et la vie qui défile, les jours qui passent, mais aussi les ébats de Mariana avec des clients, souvent des soldats allemands, qui la brutalisent pour la plupart, lui seront visibles et entendus, par des ouvertures dans la porte ou le plancher, les moindres interstices dans lesquels jaillissent à la fois la vie et la mort. Un improbable duo, souvent drôle et tendre, parfois philosophique, il accompagnera aussi l'éveil du désir d'un Hugo devenu adolescent... C'est la grande Histoire - celle de la guerre et de la Shoah - qui s'insère dans une relation intime et un espace exigu... 7 ans après La douleur d'après Marguerite Duras, Emmanuel Finkiel et Mélanie Thierry sont à nouveau à l'unisson. Une très belle complicité artistique.

Avec beaucoup de résonances dans l'actualité du moment, qu'elles concernent la communauté juive et son destin fragile, ou l'Ukraine de 2025 dont l'avenir est toujours loin d'être réglé ou apaisé, La Chambre de Mariana est un très beau film, avec plusieurs belles idées de mise en scène pour jouer avec l'obscurité, la lumière, le champ de vision, mais aussi les rêves et les flash-back, et difficile d'en parler sans saluer en premier lieu la performance à nouveau formidable de Mélanie Thierry (elle a appris l'ukrainien pour le rôle), qui aurait déjà mérité un César pour "La Douleur" et qui le mériterait encore ici.

"Mexico 86" de César Diaz

Le réalisateur guatémaltèque s'inspire de l'histoire de sa mère, militante révolutionnaire dans les années 70 durant la dictature, qui a dû fuir le pays en y laissant son fils bébé à sa mère. Une dizaine d'années plus tard, exilée à Mexico, elle doit accueillir son fils et lui imposer la vie dans la clandestinité, se refusant à renoncer à son combat.

Alors que se déroule la Coupe du monde de football, les deux apprennent à vivre ensemble, dans la peur des services secrets guatémaltèques, la paranoïa de cette femme pèse sur ce duo, on est clairement dans un film d'espionnage avec cette tension permanente. Bérénice Béjo est remarquable dans ce rôle, ce film résonne avec son histoire familiale, ses parents ont fui l'Argentine quand elle avait 3 ans, pendant la dictature militaire. Mexico 86, un film sur l'engagement et les choix existentiels qui vont avec.

C'est la deuxième fois que Bérénice Béjo tourne en espagnol, sa langue maternelle, elle dit elle-même que l'exercice lui permet de déployer d'autres facettes de son jeu et c'est vrai, on la découvre sous un angle plus rêche, avec une profondeur émouvante, un très beau rôle de composition, décidément, avec Mélanie Thiéry et Bérénice Béjo, cette semaine, on est gâtés.

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