Le coût du travail est-il "trop élevé" en France et le salaire net "trop faible" ?
Florent Menegaux, le PDG de Michelin, a déploré devant le Sénat l'écart entre un coût du travail qu'il juge "trop élevé" et des salaires net perçus par les salariés qu'il estime "trop faibles".
Le PDG de Michelin a été auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat, mercredi 22 janvier. Florent Menegaux a listé tout ce qui, à ses yeux, freine le développement des entreprises en France et notamment la réindustrialisation, et il a notamment déploré un trop grand écart, selon lui, entre ce que coûte le travail aux entreprises et le salaire net qui tombe sur le compte des salariés à la fin du mois.
"La France a une particularité en termes de coût pour les entreprises qui ne va pas. (…) Le coût salarial en France pour l'entreprise est trop élevé et le net perçu par le salarié est trop faible. Quand on parle de réindustrialisation, si on n'aborde pas ce sujet, on ne peut pas avancer", a-t-il expliqué. Florent Menegaux avance ce calcul : "Pour 100 euros brut versés [à un salarié] en France, le coût moyen pour l'entreprise est de 142 euros. Le salarié lui va toucher 77,5 euros [net]." Il assure que cet écart entre le coût du travail et le salaire net est supérieur en France qu'en Allemagne ou qu'au Canada. Des chiffres repris notamment par le journal Le Figaro.
Quelque 127 euros de coût du travail pour un salaire net de 80 euros
Le PDG de Michelin ne cite pas les sources qui lui ont permis de faire ce calcul et il n'est pas clair s'il parle uniquement de son entreprise implantée dans le monde entier, ou s'il parle de toutes les entreprises en général. Il n'est pas possible d'avoir des chiffres propres à Michelin, en revanche il est possible de faire ce calcul au niveau national et international, en s'appuyant sur les derniers chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contenus dans un rapport paru en 2024 sur les impôts sur les salaires en 2023.
Selon les calculs du Vrai ou Faux, le coût du travail est un peu plus faible que les chiffres avancés par Florent Menegaux. L'OCDE affirme que 26,6% du coût du travail correspond à des charges patronales, ou autrement dit aux cotisations des entreprises pour financer la Sécurité sociale. Quelque 8,3% du coût du travail sont les cotisations sociales payées par les salariés, pour financer la Sécurité sociale, le chômage ou encore les retraites. Et 11,9% du coût du travail est aussi prélevé en moyenne lors des impôts sur le revenu.
Autrement dit, si l'on reprend la formulation du patron du concepteur de pneus, une entreprise française doit en moyenne dépenser environ 127 euros pour verser un salaire brut de 100 euros à son salarié, elle paie donc 27 euros de cotisations patronales. Et sur ces 100 euros bruts, le salarié ne va finalement percevoir que 80 euros net environ, après avoir cotisé à son tour et après prélèvement de l'impôt sur le revenu. Formulé autrement, cela donne : pour qu'un salarié touche 80 euros net, il faut que son patron et lui paient collectivement 47 euros de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu. Évidemment, il s'agit d'une moyenne, c'est donc très imparfait et cela ne représente ni la réalité de toutes les entreprises, ni celle de tous les salariés.
Le coût du travail, plus élevé en France
Pour autant, le coût du travail est-il "trop élevé" et le salaire net "trop faible" ? Ces qualifications sont des jugements de valeur et le Vrai ou Faux se gardera bien d'en faire. En revanche, il est possible de comparer ces indicateurs français avec ceux des autres pays.
D'abord, notons que c'est en France que les charges patronales sont les plus élevées parmi les pays de l'OCDE. Quelque 26,6% dans l'hexagone contre 25,3% en République tchèque et en Estonie, 24% en Italie et en Suède, 23,3% en Espagne, sachant que la moyenne de l'OCDE se situe à 13,4%. La conséquence première est que, si on se base sur un salaire brut de 100 euros, comme le fait le PDG de Michelin, c'est en France que le coût du travail est le plus élevé.
La France est aussi dans le haut du classement en ce qui concerne le montant total des prélèvements – cotisations et impôt – qui creusent l'écart entre le coût total du travail et le salaire net perçu par le salarié. Avec 47 euros d'écart, elle se situe à la quatrième place du classement, après la Belgique (52,7 euros), l'Allemagne (47,9 euros) et l'Autriche (47,5 euros), et devant l'Italie (45,1 euros), la Finlande et la Slovénie (environ 43 euros), puis le Portugal et la Suède (environ 42 euros). Hors de l'Europe, le Japon a un écart de 33 euros entre le coût du travail et le salaire net, 31,8 euros au Canada et 29,9 euros aux États-Unis.
Concernant les cotisations sociales et l'impôt sur le revenu prélevés sur le salaire brut, la France se situe en-dessous de la moyenne de l'OCDE : 20,2% du salaire brut est prélevé en France, contre 21,4% en moyenne dans l'OCDE. Il y a davantage de prélèvements sur le salaire brut au Danemark, en Belgique, en Allemagne, en Australie, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni se situe au-dessus de la France dans le classement.
Ces comparaisons ne sont possibles qu'en utilisant des pourcentages et un salaire brut fictif de 100 euros. Mais cela ne donne qu'une idée des ordres de grandeur, qui a des limites. Cela ne permet pas, par exemple, de comparer les niveaux de salaires, le pouvoir d'achat réel des salariés ni les bénéfices que peuvent apporter ces cotisations à long terme aux salariés et à la population entière d'un pays, quand il s'agit, par exemple, de remboursements de soins de santé, de financement du chômage ou de tout un système de retraites.
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