Flottille pour Gaza attaquée par des drones : que disent les images ?

Plusieurs bateaux, en route vers la bande de Gaza, affirment avoir été attaqués par des drones et pointent la responsabilité d'Israël.

Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une vidéo postée par la la Global Sumud Flotilla alors que le groupe de bateaux se trouvait dans les eaux territoriales tunisiennes. (CAPTURE D'ECRAN INSTAGRAM)
Une vidéo postée par la la Global Sumud Flotilla alors que le groupe de bateaux se trouvait dans les eaux territoriales tunisiennes. (CAPTURE D'ECRAN INSTAGRAM)

L'alerte a d'abord été donnée mardi 9 septembre au matin. La flottille qui essaie de rejoindre Gaza par la mer pour dénoncer le blocus mis en place par Israël et les conditions de vie extrêmes des Palestiniens, a affirmé avoir été attaquée par des drones, vidéos à l'appui. Des déclarations qui ont été contestées dans un premier temps par la Tunisie et qui sont moquées sur les réseaux sociaux, notamment par des internautes à tendance pro-israélienne. Alors, que s'est-il vraiment passé ? Que disent les images ?

"Le bateau Family a été atteint par ce que nous soupçonnons être un drone", a déclaré la Global Sumud Flotilla dans un post Instagram, mardi à l'aube, alors que le groupe de bateaux se trouvait dans les eaux territoriales tunisiennes. Peu après, elle a diffusé une première vidéo dans laquelle on voit de la fumée émaner d'un bateau. Quelque temps plus tard, elle a publié deux nouvelles vidéos de surveillance, qui montrent un homme sur le pont d'un bateau regarder le ciel alors qu'on entend un bourdonnement. Juste après, un gros bruit, de la lumière, l'homme semble surpris et effrayé, de la fumée apparaît et les passagers crient à l'aide. 

Après la diffusion de ces premières vidéos, la garde nationale tunisienne a d'abord contesté la version de la flottille. Elle a affirmé n'avoir détecté aucun drone et a émis l'hypothèse que le feu était parti d'un mégot de cigarette oublié ou jeté dans un tas de gilets de sauvetage sur le bateau. Finalement, mercredi 10 septembre au soir, la Tunisie a affirmé qu'il s'agissait bien d'une "attaque préméditée" contre le bateau, sans pour autant parler de drone ni viser Israël.

Sur les réseaux sociaux, les accusations de la flottille sont tournées en dérision par des internautes qui semblent plutôt pro-Israël. Certains affirment que les passagers de la flottille ont tiré une fusée de détresse, mais qu'elle serait retombée sur le bateau. 

Le feu n'est pas parti du bateau

Le Vrai ou Faux a pu authentifier les différentes vidéos diffusées par la flottille. La même scène est filmée plusieurs fois avec des angles différents, dans un bateau ou un autre, de loin ou de près, ce qui rend les images crédibles. On reconnaît par ailleurs sur les images le bateau Family, qui avait déjà été photographié auparavant au large de la côte du port de Sidi Bou Saïd.

La première chose que nous apprennent les vidéos de la flottille est que la première version tunisienne ne tient pas. En regardant une vidéo qui a été publiée dans un second temps par la flottille, on voit clairement une boule de feu tomber du ciel. L'incendie n'est donc pas parti du bateau, ni d'un mégot de cigarette ni d'un tas de gilets de sauvetage.

L'hypothèse d'une attaque de drone est plausible

Les images ne permettent pas d'affirmer qu'il s'agissait d'une attaque de drone, car on ne voit pas d'appareil. En revanche, selon des experts, c'est tout à fait possible, voire crédible, car l'objet incendiaire est tombé tout droit sur le bateau.

David Heathcote, de la McKenzie Intelligence Services, spécialisée dans l'analyse d'images, a déclaré à la BBC que cette trajectoire indiquait que l'objet avait "été lâché, plutôt que lancé ou tiré". L'hypothèse d'une fusée de détresse qui aurait été tirée depuis un bateau et serait retombée semble donc peu réaliste. 

"Il est possible qu'un drone ait été utilisé pour manœuvrer au-dessus du bateau avant de laisser tomber" l'objet incendiaire, a-t-il continué. "C'est exactement ainsi qu'un drone lanceur de bombes fonctionnerait, a déclaré Roy Gardiner, enquêteur en ligne spécialisé dans l'analyse de drones utilisés à des fins militaires, à France 24. Il survole la cible pour garantir un largage extrêmement précis."

Ce qui accrédite aussi la thèse d'une attaque par des drones, c'est qu'un deuxième bateau a été ciblé. Le matin du mercredi 10 septembre, la flottille a publié une nouvelle vidéo sur son compte Instagram montrant à nouveau une boule de feu tomber sur le bateau Alma. Elle a aussi publié plusieurs photos d'un objet calciné qui pourrait être une grenade enroulée dans une sorte de tissu métallique.

Était-ce un drone israélien ?

Si l'hypothèse d'une attaque de drone est crédible, en revanche, rien ne permet d'affirmer qu'il s'agissait d'un appareil israélien.

Roy Gardiner a estimé qu'il était "peu probable que quelqu'un puisse mener une attaque aussi précise par hasard" et pense "que le pilote du drone avait déjà de l'expérience. Ce n'est pas quelque chose de facile à faire. Le pilote pouvait se trouver à une distance de cinq à six kilomètres". L'expert a tout de même souligné que la technologie utilisée était rudimentaire et qu'elle était accessible au grand public.

Ce n'est pas la première fois qu'une flottille pour Gaza accuse Israël d'attaque de drone. En mai dernier déjà, la Freedom Flottilla affirmait que son navire The Conscience avait été frappé par un drone au large de Malte. 

Plusieurs opérations israéliennes de largage de bombes ou d'objets incendiaires par des drones ont par ailleurs été recensées dans le passé. En juillet, une enquête des médias indépendants +972 Magazine et Local Call rapportait qu'Israël utilisait à présent des drones commerciaux pour attaquer les zones de Gaza que l'armée cherche à dépeupler.

Si l'attaque de drones israéliens était confirmée, il s'agirait d'une "attaque contre la Tunisie et la souveraineté tunisienne", selon Francesca Alabnese, la rapporteure spéciale de l'ONU pour les Territoires palestiniens, puisque les bateaux étaient dans les eaux territoriales tunisiennes. Dans un contexte où Israël a déjà mené récemment plusieurs frappes dans des pays avec lesquels il n'est pas en guerre. Mardi 9 septembre, jour de la première attaque de la flottille, l'État hébreu a mené une attaque à Doha, au Qatar, pour atteindre des dirigeants du Hamas. En avril dernier, Israël a mené un raid au Liban, également pour cibler des dirigeants du Hamas.

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