Swann Arlaud explore le mensonge amoureux au théâtre : "On peut mentir sur des choses complètement idiotes"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 29 janvier 2025 : le comédien Swann Arlaud. Il est, dès mercredi soir, au Théâtre de l'Œuvre, à Paris, dans la pièce "Trahisons" d'Harold Pinter, jusqu'au 30 mars 2025.

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
L'acteur Swann Arlaud, le 20 janvier 2025, à Paris. (LP / FRED DUGIT / MAXPPP)
L'acteur Swann Arlaud, le 20 janvier 2025, à Paris. (LP / FRED DUGIT / MAXPPP)

Swann Arlaud est l'un des acteurs les plus demandés du cinéma français. Acteur est plus qu'un métier pour lui, c'est avant tout une passion, une vocation, et même une transmission, puisqu'il est issu d'une famille intégrée au monde du spectacle. Il a su construire solidement et tranquillement sa carrière jusqu'en 2015 et la sortie de deux films qui lui ont permis de montrer toute l'étendue de son talent, Ni le ciel, ni la terre de Clément Cogitore et Les anarchistes de Élie Wajeman. Il y aura ensuite ce rôle en 2018 de Pierre Chavanges, ce Petit paysan qui essaie de s'en sortir comme il peut, avec à la clé le César du meilleur acteur et en 2020, le César du meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation d'Emmanuel dans Grâce à Dieu de François Ozon. Aujourd'hui, il est au Théâtre de L'Œuvre à Paris pour la pièce Trahisons d'Harold Pinter, jusqu'au 30 mars 2025. L'intrigue suit l'histoire de trois personnes, Emma, galeriste, son mari Robert, éditeur, et Jerry, le meilleur ami du mari, qui a entretenu pendant sept ans une relation avec Emma. La pièce montre donc les coulisses de cette triangulation amoureuse.

franceinfo : Qu'est-ce qui vous a attiré dans cette pièce ?

Swann Arlaud : Le texte, la langue. Ce qui est marrant, c'est qu'en fait, c'est une pièce qui est à l'envers. C’est-à-dire qu'on commence à la fin et on termine au début, donc on remonte le temps. C'est ça qui fait qu'on a une lecture particulière de chaque tableau, puisqu'on sait ce qui s'est passé après. Donc on voit les tableaux différemment, on est dans le secret et c'est très jouissif à jouer.

Ça démarre par un aveu, et on se dit qu'on va assister à l'aveu de la femme auprès de son mari, mais pas du tout. Elle avoue auprès de son amant qu'elle a avoué à son mari leur relation. Ça en dit long sur notre capacité à mentir ?

Oui, je crois que c'est inhérent à l'être humain, on s'arrange toujours. Il y a aussi la question du mensonge quotidien. Enfin ça, ce n'est pas tout à fait dans la pièce, mais on peut mentir sur des choses complètement idiotes. Comme de dire qu'on est venu en vélo, alors qu'on est venu en métro. Mais pourquoi on dit ça ? Qu'est-ce que ça change ? En effet, ce ne sont pas des grands méchants, mais tout le monde se trahit un peu et en même temps, il y a de l'amour partout. C’est-à-dire que ces petites trahisons sont aussi là, parce qu'ils s'aiment les uns les autres et qu'ils ne veulent pas se faire mal. Donc c'est presque pire ou en tout cas ça ne fait pas mal là où on pense. C'est assez étrange.

Vous êtes rare au théâtre, pour quelles raisons ?

C'est dur pour la vie le théâtre. C'est dur pour la vie quand on a une vie de famille, des enfants. Jouer à 21h presque tous les soirs pendant deux mois, c'est compliqué.

C'est ce qui vous a fait craquer le théâtre ?

Pas du tout. Non, je m'y suis un peu refusé. D'abord parce que, en fait, je viens quand même d'une famille qui travaille dans le spectacle. J'avais des grands-pères comédiens et une grand-mère aussi. Personne ne m'a poussé là en fait et puis par la force des choses, après, j'ai commencé à faire des castings pour jouer des petits rôles, etc. 

"J'étais assez heureux sur un plateau, mais je n'envisageais pas d'en faire un métier."

Swann Arlaud

à franceinfo

Avec le temps et par la force des choses, j'ai compris ce que ça voulait dire, ce métier.

Qu'est-ce qu'ont changé les deux films Ni le ciel, ni la terre et Les anarchistes ?

Ce sont des rôles. Elle est là, la chose difficile pour ce métier, c'est qu'en fait, a priori, on met des années avant de pouvoir vraiment le faire. Avoir un jour, deux jours, trois jours sur un truc et avoir quelques phrases à dire, en fait, c'est une torture. Il n'y a rien de plus difficile et on ne peut pas vraiment déployer quelque chose. C'est vrai que c'est une année comme ça où les deux films ont été à la Semaine de la critique à Cannes. Est-ce que s'il n'y avait pas eu ces films-là, j'aurais quand même fait Petit paysan ? Je n’en sais rien, peut-être, peut-être pas.

De passer sous le feu des projecteurs, grâce à un film aussi fort que Petit paysan où vous représentez des gens qui n'ont pas la voix de s'exprimer, est-ce que ça donne une fierté ?

Ce qui est puissant, en fait, c'est ce qui nous est rendu. Je me souviens, on avait fait une avant-première à Saint-Dizier, près de là où la famille d'Hubert Charuel habite. On avait fait une projection là-bas où il y avait beaucoup de monde et notamment beaucoup de paysans, de gens qui ne vont pas forcément très souvent au cinéma. Leurs émotions à eux - qui viennent nous serrer la pince, nous prendre dans les bras et nous dire merci - c'est de recevoir ça qui est très fort. Je ne sais pas si c'est de la fierté, mais en tout cas, c'est de la joie, c'est du partage et c'est de se dire que tiens, si ça se trouve, en fait, ça sert un peu peut-être à quelque chose. La question du sens et de l'utilité de ce qu'on fait, elle questionne parfois.

Dans cette pièce de théâtre de Harold Pinter, ce qui est fort, c'est l'équilibre qu'il y a entre les hommes et les femmes. Vous avez toujours défendu les femmes. Quand il y a eu le mouvement MeToo, vous avez porté le ruban blanc. Ça aussi, c'est important dans une pièce de théâtre de faire attention à ça ?

C'est marrant parce que ça, on l'a beaucoup questionné parce qu'il y a quand même deux mecs et une femme. C'est quand même une autre époque, ça a été écrit dans les années 70 et donc ce sont des hommes de cette époque-là. 

"Harold Pinter était très engagé, très militant, et parfois, je me suis posé la question de savoir si la pièce n'était pas un peu misogyne."

Swann Arlaud

à franceinfo

Donc on a cherché et en effet, dans certaines phrases et certaines choses, c'est assez simple et discret, mais quand on veut bien creuser, on se rend bien compte de ce qu'il a essayé de montrer.

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