Suzane revient avec un troisième album : "J'avais envie de pouvoir tout dire"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 30 septembre 2025, l'autrice, compositrice et interprète Suzane. Son nouvel album "Millénium" est sorti vendredi.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Suzane le 23 avril 2025, à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
Suzane le 23 avril 2025, à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Suzanne est autrice, compositrice et interprète. En 2020, elle a reçu une Victoire de la musique dans la catégorie révélation scène amplement méritée avec les 450 concerts qu'elle a faits tout au long d'une tournée assez folle. Au départ, il y a bien eu la danse classique, mais elle a vite compris qu'elle voulait mener la danse et en peu de temps, elle est devenue cette artiste qui appuie là où ça fait souvent mal en assumant d'être féministe jusqu'au bout des ongles. Le 26 septembre, elle a sorti son troisième album intitulé Millénium. L'encre principale, c'est elle avec des chansons plus intimes que sur ses précédents opus. Elle raconte ce qui la touche, ce qui l'affecte et ce qui la révolte.

franceinfo : Vous avouez espérer gravir votre Everest, c'est-à-dire courir vers le bonheur et chercher une paix intérieure. Est-ce que ça signifie que vous avez déposé un peu certaines armes et un peu délesté votre sac à dos ?

Suzane : Je pense que dans cet album, j'avais envie de pouvoir tout dire. Non pas que dans les précédents, je n'ai pas tout dit, mais je crois que j'ai voulu me libérer encore un peu plus ma plume, de ne pas en avoir peur. On voit que le féminisme prend beaucoup de place aujourd'hui. Mais on voit que le masculinisme monte un petit peu en même temps. Donc, je pense que c'est essentiel de continuer d'écrire ces chansons-là. Je suis assez fière de cet album, j'espère qu'il résonnera chez les femmes, mais aussi chez les hommes et chez beaucoup d'autres gens.

Pour vous, il faut agir, c'est ce que vous chantez dès le départ avec T'as raté. De faire des erreurs, ce n'est pas une erreur, justement, l'erreur, c'est de ne pas en faire et de ne pas tenter.

"Je pense que l'échec, après tout, est un apprentissage."

Suzane

à franceinfo

J'ai mis du temps à me le dire parce que je pense que j'ai une grande anxiété de performance. On est dans une société où on doit être performant constamment, je suis une chanteuse réaliste, je suis arrivée en disant que j'étais une conteuse d'histoires vraies, ce que je continue d'être. La réalité, parfois, elle n'est pas toujours très rose, elle n'est pas édulcorée. Par contre, je dis à la fin que cette réalité, on peut en sortir et qu'on peut la rendre un peu plus sympathique.

Il y a le fait d'être féministe et le fait d'être virile depuis qu'on est petite, vous le revendiquez, vous dites, "Oui, j'ai toujours été virile, je suis une fille virile". On est obligé d'avoir un côté un peu viril et un peu testostérone pour affronter ?

J'ai ce côté-là depuis que je suis gamine. Ma mère m'emmenait dans les magasins pour aller chercher des robes et elle était dans un truc très genré. Moi, malheureusement, je n'étais pas très emballée, donc c'étaient mes premiers rapports à la féminité où je me disais, "ah mince, t'es pas une vraie fille". Moi, je me sentais juste libre dans mes fringues, je n'étais pas un garçon ou une fille, peu importe finalement. Quand je lis la définition du mot viril, c'est puissant, courageux, fort et je pense à toutes les femmes qui sont autour de moi et je me dis, ne sont-elles pas courageuses, puissantes et fortes ? En fait, elles sont viriles aussi, si on doit vraiment prendre la racine du mot. La virilité d'ailleurs n'est pas que toxique et elle ne sert pas que la masculinité toxique. Je pense qu'on peut dire, je suis forte, je suis courageuse, je suis puissante. Je dis que je suis virile, mais que toutes les autres femmes le sont aussi quand elles défendent leurs droits, quand elles bossent comme des patronnes, quand elles font tout comme font les femmes, en fait.

Il y a une dualité chez vous, à la fois vous affrontez ce que peu arrivent à affronter puisque vous êtes devenu une voix et en même temps dans la chanson Je t'accuse où vous montrer du doigt justement un système judiciaire qui est dramatique, vous vous incluez aux prénoms que vous donnez, des femmes qui ont vécu des violences soit psychologiques, soit sexuelles.

J'ai mis du temps à en parler, déjà, j'ai mis du temps à accepter moi-même ce qui était arrivé. J'étais encore sous le choc, je pense, pendant des années et des années. La honte, la culpabilité, tout ça a fait que j'ai eu du mal à mettre des mots tout de suite là-dessus. Je pense que le procès avec Gisèle Pélicot m'a aidée, comme beaucoup d'autres victimes, à avoir le courage de me reconnaître moi-même en tant que victime. À la base, je l'ai écrite pour moi, je ne l'ai pas écrite vraiment pour la partager et avec le temps, en fait, je pense que la colère a repris le dessus. Quand j'ai vu dans les médias qu'il y avait encore beaucoup de témoignages concernant les violences sexistes et sexuelles, je pense que la colère a commencé à monter et à dépasser la pudeur. À ce moment-là, je pense que j'ai pris cette chanson et je me suis dit que j'allais la porter, ça n'a pas été évident, mais il a fallu que je la porte.

Vous parlez de vous toujours avec pudeur. Vous revenez souvent, effectivement, sur ce qui vous a toujours touché, mais vous dites quelque chose de très fort qu'on ne pensait pas forcément entendre dans votre voix. Vous avouez que vous courez après le bonheur et que votre Everest, c'est la paix intérieure. Est-ce que c'est un long chemin ?

C'est le plus long. Je ne sais pas si c'est tous les artistes qui sont comme ça, mais est-ce qu'on ne choisit pas d'être artiste quand on sent qu'à l'intérieur, il y a quelque chose qu'il faut combler.

"Plus je grandis et plus je me dis que oui, il y a une espèce de quête de paix intérieure parce qu'à l'extérieur en tout cas, je ne la trouve pas."

Suzane

à franceinfo

Est-ce qu'il faudra un jour que j'aille vivre au fin fond de la Lozère avec des plantes et des animaux ? Ça pourrait arriver un jour, mais là, en tout cas, pour le moment, les chansons me font du bien. Je sais qu'elles ne changent pas le monde, mais au moins, elles réunissent les humains qui les écoutent. Je pense qu'on est dans un moment où on a besoin d'être unis encore plus.

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