Raul Paz et le retour au pays après l'exil : "Ça m'a fait beaucoup de bien de comprendre exactement d'où je venais"

L'auteur, compositeur et interprète cubain Raul Paz est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie à l'occasion de la sortie de son album "Guarijo chic". Dans ce premier épisode, il nous parle de la chanson "Mulata", qui a marquée son passage de la musique classique à la musique populaire.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Raul Paz, en 2014, à Paris. (PAUL CHARBIT / GAMMA-RAPHO / VIA GETTY)
Raul Paz, en 2014, à Paris. (PAUL CHARBIT / GAMMA-RAPHO / VIA GETTY)

L'auteur, compositeur et interprète cubain Raul Paz est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie, sur franceinfo, loin de Cuba. Il est l'un des artistes cubains les plus connus dans le monde. Au mois de mars 2025, sortait son 12e album Guajiro chic, soit 11 nouveaux titres qu'il a envie de chanter en concert en France, le 15 novembre à Marciac, le 20 novembre à l'Alhambra, à Paris et le 27 mars à Guyancourt. Il a toujours été du côté des plus pauvres, des opprimés, des habitants de son île si chère à son cœur, celle qu'il a d'ailleurs dû quitter tôt avec un exil douloureux à la clé.

franceinfo : Il y a un énorme engagement à travers cet album et un respect pour ceux qui cultivent et qui font que la terre redevient un moyen de se nourrir, mais surtout un espace à chérir et préserver. Il y a une fusion entre l'être humain et le respect de la terre sur laquelle nous vivons ?

Raul Paz : Je crois, comme beaucoup de personnes, qu'il faut revenir un peu à quelque chose de beaucoup plus simple. C'est pour ça que je suis retournée dans ma campagne pour essayer de comprendre un peu pourquoi cette volonté que j'avais absolument folle d'aller toujours découvrir des nouvelles choses sans savoir vraiment d'où je venais.

"À un moment donné, après la naissance de mes enfants, je me suis dit, stop, il faut arrêter un petit peu et revenir un peu aux choses plus simples."

Raul Paz

à franceinfo

En 2009, je suis rentrée avec mes enfants et mon épouse à la campagne, à Viñales, un village magnifique à l'ouest de Cuba, dans un domaine agricole, qui produit tous nos aliments. On a recommencé tout de zéro et je crois que ça m'a fait beaucoup de bien de comprendre exactement d'où je venais et pourquoi j'avais cette envie d'ailleurs, mais en sachant d'où je viens.

Votre album raconte aussi ces petites mains, ces femmes et ces hommes qui n'ont pas beaucoup de moyens, qui survivent depuis des années et qui sont souvent maltraités.

Je vis dans un pays très compliqué. J'ai eu le choix, après presque 20 ans en France, de revenir dans un pays qui n'a pas voulu de moi pendant beaucoup de temps. C'est un pays très complexe du point de vue politique surtout, et économiquement, aujourd'hui, c'est une catastrophe. C'est très dur, mais il y a ces gens, surtout de la campagne, ceux qui souffrent le plus parce qu'ils sont les derniers dans la file et que j'ai appris à connaître. C'est de là que venaient, mon père et ma mère. En étant un enfant moderne, je ne comprenais pas exactement le pourquoi et le comment. Dans cet album, il y a un peu tout ça. Où on va dans ce pays et pour quelles raisons ces gens-là, qui sont la base de tout, sont le plus en arrière. C'est autour de ces réflexions, que j'ai composé cet album.

La musique a toujours fait partie de votre vie. À quel âge, vous avez compris que vous alliez justement devenir la voix de ceux qui n'en ont pas et qui vous permet de raconter les choses ?

Quand j'avais six ans, mon père m'a amené chez le coiffeur ou un truc comme ça, et il y avait un duo de "repentista". Ce sont des personnes qui se battent en musique et ils improvisent. Il y avait quelques personnes qui regardaient. C'étaient deux paysans qui prenaient deux guitares et qui se battaient, un peu comme le font les rappeurs, et j'ai trouvé ça merveilleux. En plus, il y avait l'intelligence de la parole liée à la musique. C'était le premier spectacle auquel j'assistais. Je me rappelle de ces moments-là. Apparemment, je suis arrivé à la maison et j'ai dit à mes parents : "Je veux être musicien". C'est là qu'on m'a offert une guitare et tout a commencé un peu par là.

La chanson Mulata résonne dans ce parcours. Elle semble être finalement un lien entre vos différents styles de musique ?

C'est la chanson qui m'a fait devenir ce que je suis aujourd'hui parce que je venais de la musique classique.

"C'était difficile d'aller faire des chansons et pourtant, j'avais besoin de faire des chansons et 'Mulata', c'était le compromis."

Raul Paz

à franceinfo

C'est une chanson qui ne vieillit pas trop et je la chante toujours. Elle raconte justement l'immigration à ma façon. Il n'y a pas de pleurs, mais c'est quelqu'un qui part et qui veut garder cette fille. C'est une histoire vraie en plus et ça raconte qu'à partir du moment où tu pars, tu peux garder une partie de toi, mais tu deviens quelqu'un d'autre aussi. Après, tu n'es plus chez toi, tu n'es plus d'ailleurs et tu deviens plutôt un habitant du monde. C’est très bien et très joli à dire, mais c'est très compliqué à assumer.

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