Omar Youssef Souleimane, écrivain franco-syrien : "La France m'a protégé de la dictature et m'a offert ce cadeau qui s'appelle la citoyenneté"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 26 septembre : le journaliste, poète et écrivain, Omar Youssef Souleimane. Son nouveau livre autobiographique "Être Français", vient de paraître aux éditions Flammarion.
Omar Youssef Souleimane est journaliste, poète et écrivain français. Il est né près de Damas, en Syrie, avant de passer son enfance en Arabie saoudite, où il a suivi une éducation coranique avec comme lectures en parallèle les deux poètes Paul Éluard et Louis Aragon. Il a été correspondant de presse, avant de s’enfuir d'une Syrie à feu et à sang en 2012. C'est à Paris qu'il atterrit. Dix ans plus tard, en 2022, il est devenu citoyen français après un parcours compliqué, parfois désespérant, le plongeant aussi dans une solitude et une détresse profonde. Mais cette France, il l'aime. Il dit même qu'il a un attachement littéraire, presque charnel pour ce pays d'adoption. C'est ce qu'il raconte dans son nouveau livre autobiographique Être Français, qui vient de sortir chez Flammarion.
franceinfo : Àprès Le Petit Terroriste (2018), Le Dernier Syrien (2020), Une Chambre en exil (2022), voici une nouvelle histoire pleine d'espoir. Dans Une chambre en exil, vous écriviez : "Ma vie ressemble à celle d'une tortue, mon sac est ma maison". Aujourd'hui, votre sac est posé et rangé dans votre nouveau chez vous, quelque part dans votre nouveau pays, la France. Il y a donc une lumière au bout du tunnel ?
Omar Youssef Souleimane : Évidemment qu’il y a de la lumière, parce qu'on ne peut pas vivre sans cette lumière. D'une manière ou d'une autre, on est condamné à l'espoir, surtout après tout ce qu'on a perdu à cause de l'exil, à cause de la guerre. Je pense que cette perte nous pousse encore plus à avoir l'espoir. Mais l'espoir réel. Aujourd'hui, je suis un citoyen français, j'habite en France. J’ai de l'amour envers ce pays, mais ce n'est pas un amour aveugle. C'est un amour lié à cette responsabilité que j'ai vis-à-vis de la France. Cette responsabilité, on peut l'exprimer, on peut l'envisager par l'engagement.
"Pendant les élections présidentielles, j'étais tellement ému, tellement touché de voter pour la première fois de ma vie."
Omar Youssef Souleimane, journaliste, poète et écrivainà franceinfo
Imaginez la situation pour un Syrien, qui auparavant a passé sa vie dans un régime dictatorial, qui vote. Sa voix compte, ça veut dire que sa vie compte dans son nouveau pays. Alors pourquoi ai-je de l'amour pour cette France ? Parce que tout simplement, la France m'a sauvé la peau. La France m'a protégé de la dictature et m'a offert ce cadeau qui s'appelle la citoyenneté, chose que je n'avais jamais connue dans ma vie d'avant. La France m'a donné aussi la possibilité de m'exprimer et d'avoir une existence dans cette démocratie.
Comment avez-vous vécu ces premières minutes après qu'on vous a annoncé que vos papiers d'identité vous attendaient ?
"Je dis toujours que les Syriens sont nés comme des exilés. Dans un pays sans aucun droit, sans aucune liberté d'expression."
Omar Youssef Souleimane,, journaliste, poète et écrivainà franceinfo
Voir ce papier, cette lettre envoyée par le chef de l'État et une autre par le ministre de l'Intérieur... Avoir un passeport pour la première fois, après avoir passé dix ans en exil, c'est un sentiment incroyable, c'est comme si la France devenait ma nouvelle mère. À cet instant précis, la personne que j'aurais aimé avoir à mes côtés, c'était ma mère biologique, que je n'ai toujours pas vue depuis mon départ. Il y a toujours quelque chose qui manque dans l'exil. Le manque nous pousse. On nous encourage à chercher quelque chose qui le remplace pour, comme on dit, remplir le vide ou pour embellir certaines blessures. Donc, à ce moment-là, j'avais l'impression que je pouvais considérer la France comme ma nouvelle mère et c'est toujours le cas.
On comprend, à travers vos mots, à quel point c'est un arrachement d'arriver dans un nouveau pays, à quel point il y a un sentiment, même limite, de culpabilité, de trahison, d'avoir laissé les siens, de ne pas être resté dans le pays d'origine. Vous avez encore ce sentiment-là ?
Je l'ai, mais beaucoup moins qu'avant. Tout simplement parce que j'ai aussi cette idée que si j'étais resté en Syrie, je n'aurais rien pu changer. Depuis la France, j'ai la possibilité d'aider ma famille d'une manière ou d'une autre.
"Si j'étais resté en Syrie, je serais mort, c'est sûr et certain, parce que j'étais déjà condamné à mort par la police syrienne avant de sortir du pays."
Omar Youssef Souleimane,, journaliste, poète et écrivainà franceinfo
Vivre nulle part, être suspendu, accroché entre le ciel et la terre, c'étaient mes sentiments en arrivant en France. Je ne connaissais pas le système, je ne parlais pas un mot de français. J'étais comme un numéro et c'était un sentiment très difficile. Recommencer sa vie de zéro à l'âge de 25 ans, ça nous offre quand même une énorme liberté. On peut considérer cela comme un cadeau de l'exil.
Et c'est quoi la liberté ?
Tout simplement de vivre, de s'exprimer, d'écrire des choses personnelles et de dire tout ce qu'on souhaite, sans avoir un policier qui frappe à la porte et nous emprisonne d'une manière ou d'une autre. Sans avoir des oreilles sur les murs. Donc je pense que c'est très simple, chacun et chacune vit sa vie tranquillement.
Ce livre est un livre d'espoir ?
Un espoir, mais aussi une force. Évidemment, qu'il faut y croire. On est condamnés à l'espoir, mais il faut aussi être fort pour pratiquer cet espoir.
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