Michel Drucker : "Je suis un homme du service public"
Le journaliste et animateur Michel Drucker est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie à l'occasion de la sortie de son livre "Avec le temps..." aux éditions Albin Michel. Dans ce quatrième épisode, il évoque son attachement au service public.
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Depuis ses premiers pas en tant que journaliste sportif au sein de l'ORTF, Michel Drucker n'a jamais cessé d'exercer ce métier passion et de tendre son micro à celles et ceux qui ont marqué le monde artistique ou politique. Son seul objectif est de s'adresser à celles et ceux qui comptent le plus pour lui, son public, autrement appelés par lui-même avec bienveillance, les gens. Dans son ouvrage, Avec le temps..., il nous raconte ce qui le touche et l'affecte aussi.
franceinfo : Vous, qui, à 83 ans, avez déjà accompagné trois générations de Français, connu huit présidents de la République, que signifie cette notion de service public qui a toujours été très associée à votre personnalité ?
Michel Drucker : Sur 62 ans de carrière, j'ai fait une infidélité pendant cinq petites années sur TF1 parce que le patron de l'époque voulait arrêter Champs-Elysées.
"Il était venu chez moi et il m'avait traité de has been et il m'avait dit, 'Vous savez Drucker, la télé de demain ne passera ni par vous, ni par Martin, ni par Pivot'. Voilà quelqu'un qui avait du nez."
Michel Druckerà franceinfo
Ma femme, qui n'assistait pas au déjeuner, me dit, "Je viendrai saluer ton patron pour le café". Elle ouvre la porte de la cuisine, je déjeune avec le patron chez moi et elle entend, "Vous êtes un homme du passé, vous êtes un has been". Ma femme rentre, remet sa frange, arrive avec deux cafés et lui dit, "Monsieur le directeur, je suis la femme du has been, vous prenez deux sucres ?" Et elle est partie. Donc je suis parti, TF1 voulait que je vienne et je savais que, avec le temps, je ne pourrais pas rester longtemps parce que ce qui intéresse le privé, c'est la responsable des achats, c'est une formule fascinante. Donc, je suis un homme du service public, mais même mon frère Jacques, grand interne des hôpitaux, a fait toute sa carrière dans le service public, alors qu'il est co-inventeur du vaccin contre l'hépatite B. Il était conseiller scientifique de la France à Washington pendant des années et il aurait pu partir dans le privé, mais il est resté dans le service public. Et d'ailleurs quand je me suis fait opérer, c'est dans le service public et pas à l'hôpital américain.
Ce qui est étonnant, c'est qu'on a le sentiment, en découvrant cet ouvrage que vous avez un problème de légitimité, mais surtout qu'il y a un problème de confiance en vous. D'ailleurs, vous racontez un épisode qui est très drôle, vous avez 17 ans, vous êtes en colonie de vacances et vous ne sortez qu'avec des femmes plus âgées parce que vous aviez déjà besoin d'être rassuré.
Oui, absolument. Je me souviens, c'était une colonie de vacances aux Sables d'Olonne, vos auditeurs de Vendée connaissent bien tout ça. J'ai été moniteur de vacances et c'est vrai que j'avais une ouverture pour parler comme Michel Blanc avec la directrice de la colo ou la cheffe des animatrices. J'ai toujours voulu rencontrer des gens plus âgés que moi. Mon ami, Charles Aznavour, que je voyais en Provence et qui était mon voisin pendant des années, me disait toujours Michel, "si vous voulez durer, soyez aussi inquiet quand ça marche que quand ça ne marche pas. Ne dormez que d'un œil et c'est quand ça marche qu'il faut s'inquiéter". Donc je suis tout le temps inquiet.
Vous distinguez deux mots, la popularité et la notoriété. Quelle est la différence ?
On peut être très connu et être mal aimé. On peut être très connu et impressionné les gens. Je cite deux exemples. Jean-Paul Belmondo, on lui disait "Salut Bebel ! Tu vas à la boxe samedi, Bébel ?" et on n'osait pas s'approcher de Delon. On peut dire bonjour à Annie Girardot qui faisait son marché, mais on n'ose pas approcher Catherine Deneuve.
"Il ne faut pas confondre les stars, les vedettes populaires et les intouchables."
Michel Druckerà franceinfo
Ces deux personnages mythiques que j'ai connus, qui étaient vraiment formidables, ne sont pas ceux dont on parle parce que je les ai connus dans le privé. Surtout, il y a cette découverte d'une petite gamine de quinze ans qui était Céline Dion et je suis resté amie avec elle ou encore Julio Iglesias. Iglesias, Céline Dion, c'est 300 millions d'albums chacun et ils sont connus de la planète entière. Ils sont restés les plus modestes, les plus gentils et les plus reconnaissants.
Vous avez cette humilité aussi qui est développée par un questionnement qu'on distingue du début jusqu'à la fin de cet ouvrage sur comment comprendre le désir qu'on suscite et le fait qu'on continue à nous aimer et à nous solliciter ?
Ça, ça reste un mystère. Alors pour faire court, quand j'ai rencontré Barbara, que je connaissais bien et que j'ai entendu chanter, Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous, je comprends mieux maintenant ce que c'est, même si Barbara était une immense star. C'est pour ça que c'est très dangereux et en même temps, ça fait plaisir quand on dit dans la rue, "Bonjour Michel, on vous aime bien depuis longtemps, vous avez bercé mon adolescence." Une fois, j'ai croisé deux jeunes filles dans un train et sur le magazine de la SNCF, c'était Christophe Dechavanne en couverture. À un moment, j'entends dire, "Dechavanne, c'est toute notre enfance". Je me suis dit que si Dechavanne, c'est leur enfance, je suis un vestige pittoresque. Donc je leur dis "Dites-moi, vous avez dit que Dechavanne, c'est toute votre jeunesse, mais je suis quoi moi, le Moyen-Âge ?" Elles m'ont répondu, "Vous, ce n'est pas pareil, vous avez été vendu avec le poste !" J'ai trouvé ça magnifique.
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