Michel Drucker et les dangers de la célébrité : "Il ne faut jamais s'approcher de la lumière"

Le journaliste et animateur Michel Drucker est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie à l'occasion de la sortie de son livre "Avec le temps..." aux éditions Albin Michel. Dans ce troisième épisode, il évoque son rapport à la célébrité.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Michel Drucker, à Paris, le 13 juin 2025. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)
Michel Drucker, à Paris, le 13 juin 2025. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

La sortie du dernier livre de Michel Drucker, Avec le temps... était une belle occasion de l'inviter pour retracer ce parcours unique, couronné de succès, d'audience et de longévité. Il y a eu aussi de belles rencontres avec celles et ceux qui nous accompagnent aussi au quotidien, que ce soit au cinéma, au théâtre, dans nos librairies ou même sur Internet. Homme de télé, il est sur la photo de famille de plusieurs générations d'hommes et de femmes.

franceinfo : Dans votre livre, vous dites que la célébrité rend beau, mais en réalité, c'est un mirage.

Michel Drucker : La célébrité, la télévision, c'est une fausse célébrité. Vous êtes célèbre, il y a du brouillard, le brouillard dure quelques jours et quand le brouillard s'en va, il n'y a plus personne sur la route et vous avez disparu. On vous a zappé, mais ça, j'ai appris ça en mai 68 car j'ai été viré par De Gaulle parce que j'étais gréviste, j'avais 25-26 ans. C'est là où j'ai connu Cohn-Bendit, je me prenais pour Guevara, je défilais à la Bastille avec Yves Montand, Jean Ferrat, tous les gauchos de l'époque.

"On disait 'Libérez l'ORTF', mais on est tous devenus des années après des petits bourgeois."

Michel Drucker

à franceinfo

J'ai su ce que c'était de disparaître pendant mes petites années et j'ai découvert cette célébrité-là. J'ai découvert effectivement que c'est du sable qui vous glisse entre les doigts. Je rencontre beaucoup de gens, toutes générations qui me demandent comment j'ai fait. D'abord la chance et la passion qui ne fatigue pas, mais surtout la chance. J'ai été l'assistant de François Chalais, qui est un grand journaliste, le premier intervieweur des stars. Il m'avait dit, "Pour un journaliste, la malchance est une faute professionnelle."

À aucun moment vous avez perdu pied ?

La célébrité, c'est très dangereux parce que quand ça marche bien, on gagne très bien sa vie. Mais quand on est le fils d'un petit médecin de campagne d'Europe centrale qui fait deux accouchements la nuit quand ils avaient 70 ans et qui vous rappelle en permanence combien gagne une infirmière, je peux vous dire que ça vous calme. Ce sont mon père et mon frère qui m'ont fait garder les pieds sur terre, c'est sûr. Je n'ai jamais eu la grosse tête, je suis trop anxieux et je viens d'un milieu où on a intérêt à réussir discrètement.

Vous avez toujours eu ce besoin d'être rassuré sur le fait de pouvoir continuer, est-ce que vous avez peur que tout s'arrête ?

Ma mère, qui était très loin de tout ça, quand elle a découvert Champs-Elysées me disait, "Mais tu fais quoi pendant la semaine puisque tu travailles que le samedi ?" Et souvent elle me disait, "Est-ce qu'on te reprend à la rentrée ?" C'est un langage qu'on dit à un cancre, tu redoubles, tu continues. 

"Je n'ai pas trouvé d'autre solution pour être heureux que de travailler."

Michel Drucker

à franceinfo

Sachant qu'avoir un travail qui vous plaît, qui est votre passion, c'est un privilège inouï. Quand on me demande, après 63 ans de carrière, à 83 ans, ma plus grande fierté, c'est d'avoir fait trois fois le Mont Ventoux sans mettre pied à terre. Ma grande fierté, c'est d'avoir fait, pour le Téléthon, le Mont-Saint-Michel à Paris, en vélo, 520 kilomètres, en m'arrêtant simplement avec Antoine de Caunes, deux fois 20 minutes pour manger des pâtes et me faire masser.

Vous avez compris une chose très vite aussi, c'est qu'il ne fallait jamais s'approcher des lumières, ni trop s'approcher du roi. C'est votre frère Jean, énarque, qui vous a appris ça et ça vous a toujours servi.

J'assistais aux conférences de presse du général de Gaulle derrière le rideau de la SFP, dans la salle des fêtes de l'Elysée. Je me disais si jamais le rideau tombe, on va me découvrir. J'avais donc de Gaulle devant moi avec son gouvernement. Donc, j'ai connu de Gaulle qui nous a virés, en mai 68, ça lui a coûté d'ailleurs beaucoup. Après, j'ai connu Pompidou, Giscard, Mitterrand tous les présidents. C'est vrai que je me suis aperçu que ça devait être ça à Versailles. Il ne faut jamais être un courtisan, ne jamais s'approcher de la lumière, parce que si on imagine que le pouvoir, qui vous aime bien vous renverra l'ascenseur, c'est une grave erreur. Je me souviens, quand Sarkozy a été élu, tout le monde était là, il y avait une Sarkomania incroyable et puis il y avait Enrico Macias qui était là et il a chanté, "Ah qu'elles sont jolies les filles de Sarkozy" et au final, ça ne lui a pas rendu service à Enrico et aux autres non plus. Il ne faut jamais s'approcher de la lumière.

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