Zabou Breitman à l'affiche de "Cassandre", un long-métrage qui traite de l'inceste : "C'est un film rare"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 2 avril 2025 : l'actrice, réalisatrice et scénariste Zabou Breitman. Elle est à l'affiche du film "Cassandre" d'Hélène Merlin, qui sort au cinéma.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Zabou Breitman lors de la 35e cérémonie des Molieres, en mai 2024. (THOMAS SAMSON / AFP)
Zabou Breitman lors de la 35e cérémonie des Molieres, en mai 2024. (THOMAS SAMSON / AFP)

Zabou Breitman est scénariste, metteuse en scène, actrice et réalisatrice. Elle a reçu le César de la meilleure œuvre pour le film, Se souvenir des belles choses, en 2003 avec Isabelle Carré et Bernard Campan. Elle a aussi quatre Molières pour d'un côté L'hiver sous la table et de l'autre Des gens. Elle a également reçu le Grand Prix documentaire pour Le garçon au Luchon festival, en février 2025. Un film qui mêle réalité et fiction qu'elle a coréalisé avec Florent Vassault.

Elle est aussi à l'affiche du film Cassandre d'Hélène Merlin, qui sort ce mercredi 2 avril. Il s'agit de l'histoire d'une jeune fille entravée par sa propre famille, aisée et originale. Son frère la viole sans que ses propres parents ne s'en rendent compte, donc sans pouvoir hurler sa tristesse. Du haut de ses 14 ans, Cassandre est passionnée d'équitation, ce qui lui permet d'avoir une soupape avec des bulles d'oxygène et surtout de se rendre compte qu'il y a autre chose que sa famille.

franceinfo : On se rend compte à quel point les traumatismes sont extrêmement profonds et à quel point il est difficile de parler. Elle n'arrive pas à parler et à s'exprimer.

Zabou Breitman : Elle est empêchée. Beaucoup de gens disent : "Ah, bah, elle n'avait qu'à parler !" Mais non, le prédateur empêche et les gens autour empêchent. C'est ça qu'Hélène Merlin montre. Et elle utilise des métaphores avec ses petites marionnettes. C'est joli une marionnette, c'est très poétique et c'est grâce à ça, je trouve, qu'elle fait un film rare.

Il y a beaucoup de poésie à l'intérieur des échanges qu'elle peut avoir avec son professeur d'équitation. Il l'emmène sur un chemin et il lui parle de cette légende du loup noir et du loup blanc. Le loup noir, lui, est très violent et tueur alors que le loup blanc est plutôt constructif et bienveillant. Il explique à quel point quand on se construit dans une vie, il faut réussir à nourrir les deux. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

Je pense qu'elle a raison. On dit qu'il faut connaître son ennemi pour l'apprivoiser et c'est un peu ça. C'est-à-dire que ça ne sert à rien de l'ignorer, c'est pire. Il est là et il faut l'admettre.

Qu'est-ce que vous apportent toutes ces casquettes que vous avez, surtout celle de réalisatrice, parce qu'on va parler du film Le garçon qui vous tient vraiment particulièrement à cœur ?

Je me sens plus à l'aise, peut-être dans la réalisation. Je suis très inquiète comme actrice.

"Je suis terrorisée, très traqueuse et j'ai peur comme actrice."

Zabou Breitman

à franceinfo

Je veux absolument, dans l'œil du réalisateur ou de la réalisatrice, être ce qu'il ou ce qu'elle espère. C'est un endroit où je dois être vue et être bien vue par la personne d'en face. Donc, je pense que la perception qu'on a de moi doit être très importante et je suis terrorisée.

Le garçon raconte l'histoire d'un homme qui est sur une photo que personne ne connaît et dont vous allez essayer de retracer l'histoire. D'un côté, il y a un documentaire et de l'autre, il y a un film et on essaie de narrer, de remettre dans le contexte la vie de cet homme à travers des photos, sans rien connaître à la base de son histoire. Quand on regarde bien, il y a un fil d'Ariane dans tout votre travail, qu'on retrouve d'ailleurs dans Se souvenir des belles choses. C'est, justement, cette notion de souvenir et de mémoire. Est-ce que c'est le sujet qui doit être systématiquement au cœur de ce que vous traitez ?

Au bout du compte, oui, c'est ce qu'on retrouve dans Le garçon et ce n'était pas prévu avec Florent. Ce n'est pas ça qu'on voulait faire. Moi, je ne savais pas ce qu'il faisait et il ne savait pas ce que je faisais. Donc c'était ça l'idée, de ne rien savoir et de se jeter dans le vide alors que je suis trouillarde. Je ne sais pas ce qui va se passer et je sais juste que je demande à Florent de donner des bouts de documentaires dont j'ai donné le texte aux acteurs.

Parce que ça, c'est une chose que j'adore faire. Mais en même temps, les photos racontent toujours quelque chose de l'ordre de la mémoire et de l'effacement, forcément. Et Florent, lui-même, un jour, me dit : "On est en train de faire se souvenir des belles choses". Ça m'a fait rire et j'ai dit : "Mais est-ce que de toute façon, on ne fait pas toujours la même chose ?"

Il y a une notion de quête d'identité. En ce qui me concerne, c'est le sujet central du film, mais pas pour vous ?

Non mais ce qui est intéressant, c'est que ça me concerne. Je ne pense pas à ça, mais quand on s'interroge sur quelqu'un, on s'interroge sur soi forcément.

"La quête d'identité, c'est sa quête d'identité à soi à travers quelqu'un d'autre, je pense."

Zabou Breitman

à franceinfo

Dans le film Cassandre, comment affronter les non-dits, c'est quand même aussi ce que dénonce ce film. Comment s'exécuter soi-même, se construire sans jamais ne rien devoir à personne. Est-ce que vous êtes dans cette lignée-là ?

Non, je dois tout le temps à quelqu'un. J'ai beaucoup de culpabilité, on fait comme on peut, on se soigne, mais on essaye de faire au mieux. Ça ne veut pas dire qu'on est parfait, qu'on est complet, mais ça veut dire qu'on essaye. Je pense que la seule chose importante, c'est d'essayer et c'est fondamental. On a le droit d'être un peu con, on n'a pas droit de ne pas se soigner !

Comment étiez-vous enfant parce que Cassandre, elle a cette insouciance de l'enfance ?

Elle a une insouciance et je pense que ça la sauvera. Il y a des gens qui ont cette force-là. Tout le monde ne l'a pas parce que l'insouciance, c'est une forme de force vitale. Je pense que Cassandre, elle a ça et elle vivra.

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