Elodie Suigo : Christophe Michalak, vous êtes chef pâtissier, vous possédez également des pâtisseries, un salon de thé à Paris, des boutiques à Tokyo... Comment vivez-vous le confinement ?

Christophe Michalak : Je le vis chez moi, en famille. Je fais tous les jours une recette sucrée et une recette salée que je poste sur mes réseaux. Là, je viens de faire avec mes garçons un énorme scone en chocolat, donc on se fait plaisir, on essaie de garder le sourire et d'avancer. C'est historique ce qui se passe, il n'y a qu'en avançant et en construisant ce que sera demain qu'on passera ce satané virus. C'est ma façon d'être en tous cas, de ne pas m'apitoyer sur mon sort. 

Comment gérez-vous cette crise, en tant que chef d'entreprise ?

Quand le président de la République a dit qu'il allait fermer tous les restaurants, j'étais dans le sud de la France et j'allais rencontrer des amis pour diner et là les chefs nous ont dit "Profitez-en, parce que dans trois heures, on est obligés de fermer le restaurant". Je n'avais pas suivi l'information et là j'ai eu un moment de panique, je me suis dit, "C'est quoi ce bordel ? On doit tout arrêter, tout fermer ? Mais comment je fais avec mes 50 employés ?". Et donc j'étais en stress total. Nous, on n'est pas des restaurants, donc on a la capacité encore d'ouvrir, mais c'était mettre en danger tout mon personnel, donc deux jours plus tard, j'ai pris la décision de tout fermer et de mettre tout le monde, mes 50 salariés, au chômage partiel et franchement, on ne le dit jamais assez, ce qui est assez fabuleux, c'est qu'on a un gouvernement qui est incroyable, moi ils m'ont rassuré tout de suite quand Emmanuel Macron a dit que tous les employés seraient au chômage partiel et payés par l'Etat, c'est une chose fabuleuse ! Je ne sais pas si les Français se rendent compte de ça ; je ne suis pas sûr qu'aux Etats-Unis Trump va faire la même chose. Et si le président n'avait pas fait ça, ça veut dire que toute l'économie aurait implosé et tous les commerces auraient fait faillite, c'était inconcevable ! Donc je trouve que l'Etat a été remarquable à ce niveau là. 

Avez-vous des proches ou des amis qui sont touchés par le virus ? 

Oui, ma femme, mon fils l'ont eu, c'est assez impressionnant, c'est assez douloureux... Moi, je ne sais pas comment ça se fait, je ne suis pas touché et je ne sais même pas comment ils ont pu être contaminés parce qu'on n'est pas sortis de la maison depuis plus de trois semaines. Donc, c'est assez dingue, assez improbable. A côté de ça, j'ai plein d'amis qui l'ont ou qui l'ont eu. J'ai aussi un beau-frère qui est chirurgien, qui dirige un hôpital et qui est vraiment à 100 pour 100 dans l'oeil du cyclone et qui combat tous les jours ce fléau et je suis le plus grand fan de ces gens là ; tout le corps médical, les aides soignantes, les infirmiers, les médecins. Nous souvent on se plaint, on se dit, "C'est dur d'être confinés", mais en fait on est des enfants gâtés. on a la chance de ne pas être malades, on a la chance d'être à la maison et tous les vrais guerriers, ce sont ceux qui se battent contre ce virus et donc il faut applaudir tous les soirs et reconnaître cette profession qui est assez fabuleuse. Moi, depuis toujours, j'ai toujours été fan du corps médical, de la police, des urgentistes, des pompiers, de l'armée, de tous ces gens qui sont là pour toi. Souvent on se plaint et finalement, ce sont ces gens-là qui sont toujours à ta disposition quand tu es dans le besoin. Il ne faut jamais l'oublier.

Comment imaginez-vous l'après ? 

Il y a toujours un bien après le mal. Moi, ce que je vois, économiquement, ça va être très très dur. On ne va pas du tout rigoler, mais j'espère que tout le monde sera solidaire et qu'on va tous se serrer les coudes pour avancer. Déjà, en termes de pollution, de ne plus circuler, que la Terre entière quasiment est à l'arrêt, je pense que c'est positif, on a ouvert les yeux sur l'écologie, il était temps. Donc ça, ça a fait du bien, j'espère. Moi qui suis amoureux du Japon, je vois qu'au Japon, dès que tu es un peu malade, tu portes un masque pour ne pas contaminer les autres et ce civisme, j'espère qu'on va le garder tout le temps. J'espère que tout ce qui est arrivé va nous rendre encore plus forts, plus soudés.

Depuis quelques jours, après le papier toilette et les pâtes, c'est la farine qui est prise d'assaut, est-ce que c'est un signe, ce retour au "fait maison" ?

Oui, déjà en France on est très gâtés parce que tout le monde sait cuisiner, c'est une culture de la main à la pâte... Je vais poster prochainement la recette des Foccacias, du Kouign Amann... des gâteaux à base de farine mais je vais aussi expliquer comment faire sans farine ou en tous cas en substitut de farine de blé, qu'on prend toujours mais il y a des alternatives. Et encore une fois, le mal pour le bien, c'est qu'on puisse se ressourcer avec ses proches, à la maison, à travers un plat. Un très grand chef m'a appris que le seul endroit où on se réunit en famille, c'est autour d'une table. C'est tellement vrai ! Et c'est tellement important !

Vous imaginez comment l'après ? 

J'ai un souvenir qu'après les attentats tout le monde applaudissait la police et six mois plus tard, tout le monde leur jetait des oeufs sur la tête. Et malheureusement, l'histoire ne nous apprend pas grand chose, on refait souvent les mêmes erreurs. Ce que j'espère, c'est que cette magnifique nation qu'est la France apprenne le civisme et qu'on soit plus proches les uns des autres, qu'on s'entraide plus et qu'on soit solidaires. Moi ça me rend plus fort, de sentir ça de mes voisins, de mes proches, tous ensemble, on se prend par la main et on arrête de pleurer sur ses petits soucis personnels. Nous, en tant qu'artisans pâtissiers boulangers et autres, on s'appelle souvent, on se soutient, je trouve que c'est beau, il faut garder cet état d'esprit.

Et vous pouvez retrouver les recettes de Christophe Michalak sur sa  Page Facebook Christophe Michalak et sur  son Insta Christophe Michalak.