Géraldine Fasnacht raconte ses expéditions en wingsuit : "C'est une telle méditation que pour moi, ce n'est pas un sport extrême"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 27 mai 2025 : la snowboardeuse et parachutiste Géraldine Fasnacht, pour son livre, "La femme oiseau", aux éditions Arthaud.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Génraldine Fasnacht, dans le ciel des montagnes de Verbier, en Suisse, en juin 2022. (VALENTIN FLAURAUD / KEYSTONE / MAXPPP)
Génraldine Fasnacht, dans le ciel des montagnes de Verbier, en Suisse, en juin 2022. (VALENTIN FLAURAUD / KEYSTONE / MAXPPP)

Géraldine Fasnacht fait partie de ces humains qui n'ont pas froid aux yeux, qui semblent trouver leur énergie dans les sensations fortes et dans le danger. Elle est sportive professionnelle, Suisse, elle pratique le snowboard freeride, le base jump et le vol en wingsuit. Elle est considérée comme une pionnière, l'une des seules femmes à pratiquer ce vol en combinaison souple, en forme d'aile, utilisée dans les sports extrêmes, notamment par des parachutistes. Pour mieux comprendre pourquoi elle aime mettre sa vie en danger, elle publie La femme oiseau aux éditions Arthaud. Une belle façon de raconter qui elle est et comment elle vibre au rythme de ces pratiques.

franceinfo : Vous dites : "La montagne est en moi, j'y puise mon énergie vitale, j'y respire à pleins poumons, mon cœur bat à son juste tempo et j'y savoure la vie".

Géraldine Fasnacht : Je suis en communion avec la nature, c'est ce qui me permet de respirer en fait. J'en ai besoin pour vivre, j'en ai besoin pour m'exprimer. Ça vient vraiment de l'intérieur de moi et c'est difficile à expliquer, mais j'ai besoin d'être là-haut et de vivre ça.

Vous êtes l'une des rares à vivre de la montagne d'ailleurs ?

J'ai eu beaucoup de chance parce que jusqu'à ce que je gagne l'Xtrême de Verbier qui est la compétition la plus extrême au monde dans le milieu du freeride, j'ai toujours financé mes saisons. J'ai toujours travaillé à côté, et le jour où j'ai gagné cette compétition, à ma première participation, j'ai eu mes premiers contrats. 

"Je n'ai pas compris tout de suite qu'on allait me payer pour faire ce que j'aime le plus au monde."

Géraldine Fasnacht

à franceinfo

Je me suis dit, je me donne une année et on verra l'année prochaine, je retournerai travailler. Chaque année, je me disais la même chose et finalement, j'ai fait huit ans sur le circuit international de freeride où j'ai gagné trois fois cette grande finale. J'ai 11 victoires internationales de freeride sur les différentes étapes du championnat du monde et ensuite, j'ai voulu commencer à faire des expéditions et mes partenaires m'ont fait confiance, encore une fois. J'ai commencé à faire des expéditions au Mali, en Terre de Baffin, en Antarctique, pour ouvrir des nouveaux sauts.

Votre livre s'appelle La femme oiseau. Est-ce que vous vous sentez comme une femme oiseau ?

Je me sens femme oiseau quand je vole. Ça fait 20 ans maintenant que j'ouvre des sauts dans les Alpes et dans le monde. Lorsque j'ai ouvert le sommet du Cervin, c'est là qu'on a commencé à m'appeler la femme oiseau. Le sommet du Cervin, c'est quand même le sommet emblématique de la Suisse, c'est une montagne qui m'a toujours fait rêver, que j'avais déjà ridé en snowboard. J'en rêvais d'un jour pouvoir voler ou voir quelqu'un voler. Je pensais que ce serait les prochaines générations qui pourraient le faire. Les Drus, le Cervin, le Mont Rose, le Täschhorn, ce sont des sauts extrêmement techniques. On ne pensait pas pouvoir sauter des falaises qui n'étaient pas verticales sur plus de 250 ou 300 mètres, et elles faisaient 130 mètres de verticale. Grâce à un passionné de wingsuit, qui avait développé un logiciel de vol, je pouvais télécharger toutes les secondes de mon vol et voir exactement l'avancée que je faisais avec ma wingsuit. J'ai commencé à créer le créneau spécifique auquel je devais absolument sauter cette montagne pour avoir un maximum de sécurité et c'est ce qui m'a permis justement d'ouvrir tous ces sommets emblématiques.

Deux hommes ont changé votre vie, Sébastien, votre amoureux, avec une énorme reconstruction quand il a disparu. Et puis il y a Odin, votre fils, qui vous calme un peu.

Avec le départ de Sébastien, je n'étais bien que là-haut. J'avais besoin d'être en montagne parce que c'était surtout là où on s'exprimait,on était en symbiose totale. Dès que je redescendais, je n'étais pas bien et il fallait que je remonte. C'est vrai qu'Odin m'a fait comprendre qu'en bas, c'était génial et qu'on pouvait passer des supers moments et des moments émotionnellement très prenants et que la beauté de la vie, c'est aussi ça. Je pense qu'il m'a énormément posée. Il m'a fallu 12 ans pour intégrer le départ de Sébastien, accepter de ne pas pouvoir changer ce qui est et de pouvoir continuer ma vie.

Surtout, que vous avez vu le moment, où il a percuté ce rocher et ça aurait pu être vous...

J'ai été spectatrice de tout, je ne pouvais rien faire et il s'est endormi dans mes bras. Je savais que c'était fini, je l'ai senti, et puis les secours ont mis presque une heure pour arriver. J'ai eu vraiment le temps d'être avec lui à ce moment-là, mais quelque part, je me suis dit, heureusement que j'étais là, parce que ça aurait été dur de ne pas pouvoir être avec lui. C'est pour ça que j'ai mis énormément de temps à écrire ce livre. J'avais besoin d'expliquer aussi le cheminement de cette vie et qu'en fait, c'est naturellement que j'ai continué mon chemin. 

"Ce n'est pas une recherche d'adrénaline, ce n'est pas une recherche de mort, ce n'est pas une recherche de choses négatives."

Géraldine Fasnacht

à franceinfo

Vous réfutez d'ailleurs le terme de tête brûlée...

Je ne supporte pas ça. Je n'aime pas quand on dit que je fais des sports extrêmes. Pour moi, ce sont des sports qui sont tellement en communion avec la nature où on doit être en communion avec les éléments. C'est une telle méditation que pour moi, ce n'est pas un sport extrême. C'est pour ça que je mets beaucoup de musique classique, de musique douce sur les runs que je fais en snowboard et sur les vols que je fais parce que c'est vraiment très poétique.

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