Dans "Impact", Olivier Norek crée un éco-terroriste : "Je l'invente parce qu'il me fait peur et parce que je pense qu'il va arriver"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 30 janvier 2025 : l’écrivain Olivier Norek. Il publie l'adaptation de son livre, "Impact", en roman graphique, aux éditions Michel Lafon, illustré par Frédéric Pontarolo.

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'écrivain Olivier Norek, le 12 juillet 2024, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)
L'écrivain Olivier Norek, le 12 juillet 2024, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Olivier Norek est un écrivain et scénariste, engagé dans l'humanitaire pendant la guerre en ex-Yougoslavie et ancien capitaine de police judiciaire à la section enquêtes et recherches durant 18 ans. Il a rendu son insigne pour signer l'écriture de romans, qui sont principalement policiers et avec systématiquement des messages sociaux et engagés. Avec son ouvrage Les Guerriers de l'hiver, il remporte le prix Jean Giono 2024 et le prix Renaudot des lycéens. Il publie Impact aux éditions Michel Lafon, illustré par Frédéric Pontarolo, l'adaptation de son roman éponyme, en bande dessinée. Il s'agit de l'histoire de Virgil, ancien soldat des forces spéciales, qui perd sa fille dès sa naissance d'une maladie respiratoire liée à la pollution. Pour se venger, il crée un groupe éco-terroriste : Green War.

franceinfo : Est-ce qu’Impact est un manifeste écologiste ?

Olivier Norek : Il est radical dans le sens où je mets en place le premier terroriste écologiste qui va décider d'utiliser la violence. Je l'invente parce qu'il me fait peur et parce que je pense qu'il va arriver. C'est cette nécessité que j'ai ressentie quand j'ai compris qu'il y avait ce concept de débattre avec les mots et se battre avec les poings. Quand la parole n'est plus écoutée, alors il reste les poings. Le MIT, en 1972, nous alerte déjà sur la finitude des énergies fossiles, mais on ne l'a pas écouté. Les accords de Paris de 2015 nous invitent à ne pas dépasser de 1,5 degré la chaleur sur la planète et on l'a dépassé en février 2024. Je comprends qu'on ne veuille pas nous écouter, l'écologie, c'est plombant et menaçant. Il n'y a pas d'immédiateté dans le combat écologique. L'humanité prend énormément de temps pour changer et c'est aujourd'hui qu'on protège demain. Mais plus on prend de temps pour ne pas protéger demain, plus l'addition est salée et elle le sera de toute façon dans quelques années.

Dans Impact, il y a des moments forts dès les premières pages. Vous décrivez le quotidien des peuples trimballés à droite et à gauche, les laissés-pour-compte. Vous écrivez : "Il les regarda sans vraiment les regarder. Il ne fallait pas que les images aillent de ses yeux à son cerveau et de son cerveau à son âme". Tout est dit.

C'est le concept de la peine au kilomètre et les morts au kilomètre. La mort de trois petits enfants français dans un accident de manège d'une fête de village sera toujours plus importante que les 6 000 enfants d'Afrique subsaharienne qui meurent tous les jours de faim ou de soif. Aujourd'hui, par exemple, dans le delta du Niger, on en est à la 4 000ᵉ marée noire. Il y a des endroits en Afrique qui sont tout simplement impropres à la vie. Je m'étais promis, en venant vous voir, de ne pas essayer d'être menaçant, catastrophiste, mais c'est vrai que c'est terrible parce que l'écologie n'est pas un sujet.

"L'écologie, c'est le sujet qui doit infuser toutes les nouvelles lois, tous nos nouveaux actes. Pourtant, ça fait déjà des années qu'on ne prononce même plus le mot d'écologie."

Olivier Norek

à franceinfo

Il y a un moteur, c'est le sang qui coule dans vos veines puisque vous êtes le petit-fils d'Hubert Norek, un migrant silésien, sous-officier de la Légion étrangère, naturalisé français en 1935. Cette histoire familiale fait partie de vous ?

Absolument. Elle parle du courage d'un homme et de tous ces hommes et de ces femmes qui, un jour, ont quitté leur pays pour un meilleur. Il y a eu comme ça, à un moment donné, une France qui ouvrait les bras, qui acceptait et qui permettait qu'on puisse grandir en son sein. Ce qui est compliqué, c'est la différence entre la générosité ou l'ouverture que l'on doit avoir vers les gens qui ont peu ou qui n'ont rien et puis aussi cette chose assez égoïste mais nécessaire de protection de soi-même et de protection de son pays. Tout ça nécessite beaucoup de réflexion et la réflexion prend du temps. Aujourd'hui, le temps, c'est ce qu'on n'a pas et la réflexion se fait sur des punchlines, sur des grands titres. Quand on nous dit quelque chose, il faut le prendre et puis essayer d'avoir d'autres sources, d'autres informations, mais tout ça prend du temps.

"J'invite à prendre le temps d'être son propre journaliste, à ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on nous dit puisqu'on nous dit beaucoup de choses."

Olivier Norek

à franceinfo

Vous avez commencé en tant que gardien de la paix. Est-ce que c'était aussi pour être confronté au vrai monde, cette espèce de chemin initiatique ?

C'est surtout le chemin initiatique de quelqu'un qui ne s'aime pas beaucoup et qui a très vite compris qu'il trouverait sa place dans la société dans le regard de l'autre. Si je suis allé en ex-Yougoslavie pour apporter des médicaments et du matériel médical, ce n'était pas pour sauver l'ex-Yougoslavie. En tout cas, je ne pense pas que je l'ai fait ! C'était essentiellement pour me trouver, moi. Si à la fin le résultat est que j'ai pu aider de temps en temps, alors on oubliera mon égoïsme. Je pense qu'il faudrait être bien prétentieux pour dire qu'on a une sorte d'altruisme totalement pur, mais oui, l'autre a été le moteur d'absolument toute ma vie et c'est pour ça que je n'écris pas de simples romans policiers. À chaque fois, il y a un sujet qui peut nous faire avancer, un sujet qui alerte et qui propose de prendre du temps pour s'attarder sur un sujet ou un autre qui me heurte ou que je pense qu'on peut modifier et améliorer.

Que vous procure l'écriture, alors ?

Je n'écris jamais le même livre, donc une fois qu'un bouquin est terminé, je pourrais penser que je vais m'octroyer un petit peu de repos, mais en fait non. Il faut absolument que je trouve une nouvelle histoire à raconter, parce qu'il faut que j'intéresse. Pourquoi je veux intéresser ? C'est parce que je veux être intéressant dans le regard de l'autre et donc exister. Avant, le regard de l'autre était essentiel, mais maintenant, si je n'ai pas l'autre, eh bien, je n'ai pas de lecteurs. Donc je ne suis rien. C'est cette névrose en fait qui me fait faire des choses. Alors peut-être que je suis un des seuls à chérir ses propres névroses.

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