Christophe Molmy, le policier qui écrit : "L'écriture, qu'on accepte ou pas, a un côté cathartique"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 15 avril 2025 : le chef de la brigade de protection des mineurs et écrivain Christophe Molmy. Il publie le livre "Comme un papillon", aux éditions de La Martinière.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le chef de la brigade de protection des mineurs et écrivain Christophe Molmy, en juillet 2021, à Paris. (DELPHINE GOLDSZTEJN / MAXPPP)
Le chef de la brigade de protection des mineurs et écrivain Christophe Molmy, en juillet 2021, à Paris. (DELPHINE GOLDSZTEJN / MAXPPP)

Christophe Molmy est policier, écrivain, ancien patron de la brigade Antigang, donc de Recherche et d'intervention de Paris, donc la BRI. Il a notamment couvert la période des attentats de 2015 avec l'assaut de l'Hypercacher et l'assaut du Bataclan. Il est actuellement à la tête de la Brigade de la protection des mineurs de Paris et à côté, il est écrivain. On comprend assez vite que c'est un exutoire. Le 4 avril, il a publié Comme un papillon aux éditions de La Martinière. Il s'agit du portrait d'un viol, son autopsie, son analyse avec une immersion dans la tête du violeur et de la victime avec une invitation à assister aux procédures et leur fonctionnement. On découvre la nature humaine dans toute sa splendeur, avec un prédateur qui s'appelle Mathieu Ezcurra. Tout l'excite, il traque ses proies, ses coups d'un soir sur Internet, entre le moment où il quitte le travail et le moment où il rentre chez lui, en bon père de famille et en bon mari.

franceinfo : Il n'a pas le profil du violeur. Est-ce que c'est souvent le cas ?

Christophe Molmy : Il y a tout type de viol et de violeur, bien évidemment. En l'occurrence, Mathieu Ezcurra ne se considère même pas comme un violeur. Ce n'est pas un violeur brut qui plaque une femme dans un couloir et qui assume sa part sombre. Je pense qu'il a le sentiment d'être juste un joueur qui a une moralité plus élastique et qui se pose moins de questions. Il va être confronté aux conséquences de ce qu'il a fait, qu'il a du mal à accepter et c'est un bouleversement pour lui aussi. Ce ne sont pas des justifications, une victime reste une victime et un auteur reste un auteur, mais c'est intéressant aussi de se mettre dans sa tête et d'essayer de comprendre ce qu'il vit, ce qui a pu l'amener à faire ça. Une explication ce n'est pas une justification. Il se retrouve en quête de vérité envers lui-même et envers sa famille.

Il y a toute la difficulté de garder un bon jugement quand on est policier, parce qu'il peut y avoir de tout. On a des faux témoignages, qui est la victime et qui est le harceleur. C'est toujours très compliqué, sensible et on le ressent dans cet ouvrage.

Lorsque vous avez des affaires de viol on peut toujours s'interroger sur les raisons qui ont conduit un homme à faire ça. 

"Ce qui est très délicat, c'est lorsqu'on a des affaires dans lesquelles il y a une intimité."

Christophe Molmy

à franceinfo

À quel moment on considère qu'il n'y a plus de consentement ? À quel moment on considère qu'on a basculé effectivement dans l'agression ? Pour qu'il y ait une infraction, il y a un élément moral aussi. Est-ce que l'auteur était vraiment conscient de ce qu'il faisait, du fait que la jeune femme ne voulait pas ? Tout ça, ce sont des questions qu'on doit se poser et qui sont parfois extrêmement difficiles à démêler.

Vous avez été formé à l'École nationale supérieure de police de Saint-Cyr au Mont-d'Or, l'école de formation des commissaires de Paris. D'ailleurs, c'est avec cette casquette-là que vous avez démarré avant de prendre des équipes en charge et effectivement d'arriver à la BRI. Est-ce que ces responsabilités permettent de se protéger soi-même en tant qu'homme, parce qu'il y a la casquette de direction et il y a celle de la vie d'homme qu'on peut avoir au quotidien quand on rentre chez soi.

Ce qui est sûr, c'est que l'écriture, qu'on accepte ou pas, a un côté cathartique. Je pense qu'au début ce n’était pas très assumé, mais je pense que l'écriture c'est aussi une manière en effet de refouler certaines choses, de les poser sur le papier. Pas seulement ce que j'ai pu vivre, mais aussi de ce que j'ai pu entendre ou de ce que je connais des affaires d'autres collègues. J'avais aussi le désir dans l'écriture d'écrire des choses les plus réalistes possibles. Je suis souvent assez effaré de l'écart qu'il y a entre la réalité et ce qu'on voit à la télé, par exemple. Je me dis aussi que si vous avez un gamin qui lit un bouquin que j'ai écrit et qu'il veut faire policier, c'est une belle récompense.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir policier ?

Quand j'étais petit, je voyais Broussard, Querry ou d'autres à la télé parler de Mesrine. Donc ça me berçait. Mon père lisait aussi Borniche en particulier, que j'ai lu plus tard. Donc ça a procédé, entre autres choses, au souhait de devenir policier, c'était très ancré.

"L'écriture, ce n'était pas très avoué en fait. Ça ne tombe pas d'un coup, c'est quelque chose d'artistique, donc il faut l'avoir en soi."

Christophe Molmy

à franceinfo

Il y en a qui ont beaucoup de talent et qui peuvent jouer du violoncelle. Moi, je n'ai pas ce talent et je chante très mal, mais je pense qu'il y a quelque chose qui a besoin de sortir. C'est venu un peu inconsciemment, mais je pense que c'était très ancré.

Comment vous organisez-vous, puisque vous êtes aujourd'hui directeur de la brigade des mineurs de Paris ? Ça signifie que le soir, vous rentrez et vous écrivez ?

Je compartimente beaucoup. Je ne parle pas de travail à la maison et inversement. Pour l'écriture, avec le temps, j'ai appris, il me faut à peu près deux ans pour écrire un livre. Je suis toujours sur un chapitre. Un chapitre peut prendre une journée, ou quinze jours, ce n'est pas très grave mais en moyenne, une demi-heure d'écriture par jour suffit à écrire un bouquin. Je regarde moins la télé, je me disperse moins sur des choses qui ne m'intéressent pas. Je fais moins de sport que je devrais, mais à la place, j'écris.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.